Boris Johnson salue la mémoire de Roger Scruton, « le plus grand penseur conservateur moderne »

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« Nous avons perdu le plus grand penseur conservateur moderne - qui non seulement a eu le courage de dire ce qu’il pensait, mais l’a dit magnifiquement », a déclaré le Premier ministre du Royaume-Uni, Boris Johnson. Le parti de Johnson a une grande dette envers Roger Scruton, comme Danny Kruger, député conservateur du Wiltshire bien-aimé de Scruton, l’a expliqué dans un hommage : « Roger Scruton a donné sa tête au conservatisme. Il a donné au mouvement la confiance intellectuelle d’imaginer un Royaume-Uni libre de l’Union européenne, et d’imaginer un appel au public basé sur leur attachement à “la place qui leur appartient”. En cela, il a aussi donné son cœur au conservatisme. »

Scruton a écrit une cinquantaine de livres qui s’étendent de la philosophie à la chasse au renard, à l’architecture, à la musique, au désir, au vin, dont un certain nombre de romans et deux opéras. C’était aussi un farouche opposant au communisme. Il a pris de grands risques pour aider les mouvements clandestins en Europe de l’Est dans les années 1980 et en rédigeant des samizdats.

La réaction à sa mort semble témoigner de son influence profonde sur la pensée conservatrice et la politique britannique. Mais certaines voix - comme celle de Kathy Gyngel - rappellent que non seulement une partie de l’Establishment a soigneusement choisi de l’ignorer, mais que les Tories au pouvoir l’ont renvoyé du seul poste consultatif (sur la construction et l’architecture) que ce parti lui ait jamais donné. Victime d’une chasse aux sorcières, la gauche ne pouvant supporter l’idée que quelqu’un d’aussi conservateur reçoive une mission du gouvernement, un journaliste activiste du magazine New Statesman avait organisé une interview qui fut une véritable embuscade et tronqua ses propos au point de réussir à le faire évincer de son poste.

« Ce qui était le plus dégoûtant dans cet incident », nous dit le journaliste anglais James Delingpole, « ce n’était pas tant le comportement de cafard de l’ordure de gauche - un certain George Eaton - que la réticence lâche de l’Establishment, obsédé par le politiquement correct, à se porter à la défense de Scruton » (sic).

Heureusement, ses livres resteront, notamment l’excellent L’Erreur et l’Orgueil – Penseurs de la gauche moderne, où il relance, trente ans après, la polémique qui lui valut les foudres de ses pairs d’Oxford qui s’en prirent à son éditeur à tel point que le livre fut retiré du catalogue. Il y attaque frontalement Lacan, qui « pouvait avoir dix clients en une heure, en présence de son coiffeur, de son tailleur et de son pédicure », Habermas, qui « enterre le message de gauche sous des pages et des pages d’hésitations bureaucratiques » ou encore Badiou, usant d’un « jargon de la théorie des ensembles » afin de « donner autorité à des salves métaphysiques pour le moins inintelligibles ».

Critique du concept de « justice sociale » (dans les mêmes termes que Hayek, dont il partage les vues) au nom des idéaux d’émancipation du libéralisme, adepte de la loi du marché en conservateur libéral héritier de Burke, il n’appréciait pas l’ultralibéralisme manchestérien prêté à Thatcher, mais encore moins le socialisme.

Face au million d’immigrants affluant en Europe en 2015 encouragé par l’Allemagne, Sir Roger parla « du danger auquel l’Europe est confrontée. […] Notre civilisation pouvant s’effondrer sous l’effet de l’islamisme belliqueux. La première étape doit être de protéger nos frontières et d’imposer des conditions strictes de loyauté nationale à quiconque souhaite y résider. »

Favorable au Brexit dès 2016, il avait dit que « se libérer de l’Union européenne ne serait pas facile ; mais le faire serait une renaissance pour le Royaume-Uni ».

Thierry Martin
Thierry Martin
Auteur, dirigeant d’entreprise, sociologue de formation

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