À trois jours de l’élection présidentielle au Brésil, qui verra s’affronter le sortant Jair Bolsonaro et Luiz Inácio Lula da Silva, l’éternel revenant, Neymar da Silva Santos, considéré comme le meilleur footballeur du monde, vient d’apporter son soutien. Au premier. On notera que la majorité du monde artistique local en pincerait plutôt pour le second. Un tel ralliement peut-il être déterminant pour l’issue du scrutin ? Rien n’est moins sûr.

Certes, les artistes votent. Et Neymar, à sa façon, en est un, à juger de sa maestria sur le terrain. Mais les artistes ont-ils l'autorité suffisante pour dire pour qui il faut ou non voter ? C’est encore moins sûr. D’ailleurs, leur influence est-elle tangible ? Là, ce n’est plus sûr du tout. En 1995, le Tout-Paris des arts et des lettres roulait pour Lionel Jospin et c’est Jacques Chirac qui est sorti du chapeau. En 2017, Hollywood était contre Trump et c’est Donald qui a été élu. Marine Le Pen s’est retrouvée deux fois au second tour de l’élection suprême alors que ses seuls soutiens artistiques étaient Jean Roucas, du « Bébête Show », et Philippe Chevallier, du duo Chevallier et Laspalès. Comme quoi…

D’où cette question : le show-biz est-il de gauche ? Oui, quand les vents dominants soufflent à gauche. Non, quand ils soufflent à droite. Bref, le show-biz est par nature attentiste. Durant l’Occupation, deux acteurs ont pris les armes : Jean Gabin et Jean Marais, tous deux engagés dans la 2e division blindée du général Leclerc. Les autres ont continué à travailler comme si de rien n’était. Pour les studios allemands Continental, le plus souvent. Quelques décennies plus tard, à Hollywood, les artistes prêteront main forte à l’inquisition anticommuniste du sénateur Joseph McCarthy, à quelques rares exceptions près : le communiste Dalton Trumbo et le très réactionnaire John Ford. C’est peu.

Aujourd’hui, en Italie, Giorgia Meloni vient d’arriver au pouvoir, soit le scénario de cauchemar de l’antifascisme germanopratin. Et en matière d’artistes révoltés, la pêche au gros est là-bas bien maigre. Ainsi, dans les filets de la bien-pensance, trouve-t-on Alessandro Gaetano, fils du chanteur engagé Rino Gaetano, mort depuis plus de quarante ans, Damiano David, chanteur du groupe Maneskin, lauréat de l’Eurovision 2021 – pas tout à fait une pointure, donc – et l’écrivain Roberto Saviano, auteur de la série télé Gomorra. C’est tout ? C’est tout.

Au fait, à quoi tient cette exception italienne ? Peut-être au fait qu’ils connaissent plus le fascisme par expérience historique que par ouï-dire, comme ici. Peut-être, aussi, que les actuels cinéastes ne sont pas sans savoir que sans Benito Mussolini, leurs prédécesseurs n’auraient jamais pu exercer ce métier, que l'une des plus anciennes écoles de cinéma au monde, le très renommé Centro sperimentale di cinematografica, tout comme les fameux studios de Cinecittà, ont été tous deux fondés, en 1935 et 1936, par le régime fasciste. Ces deux institutions sont toujours en activité. Enfin, inutile de dresser la liste de tous les metteurs en scène transalpins passés à Cinecittà depuis leur création, s’agissant de l’écrasante majorité du septième art italien.

Il est vrai que ces Italiens, des « Français qui seraient toujours de bonne humeur », pour reprendre la célèbre phrase de Jean Cocteau, ont un regard cinématographique singulièrement distancié par rapport à cette époque, à l'exemple de la picaresque Marche sur Rome (1962), de Dino Risi, avec un Roger Hanin en chemise noire, mussolinien de l’espèce cynique et désabusée. Le spectacle vaut le détour, soit dit en passant. À croire que les artistes de la botte savent mieux que quiconque allier profondeur et légèreté. Nous en sommes loin, très loin, tant, chez nous, tout devient de plus en plus pesant.

3617 vues

30 septembre 2022 à 21:08

La possibilité d'ajouter de nouveaux commentaires a été désactivée.

18 commentaires

  1. Jean Marais et Jean Gabin évidemment, Mais il faut citer aussi Charles Denner , resistant à 16 ans dans les Chasseurs alpins et croix de guerre, et Jean claude Pascal, premier français à rentrer dans Strasbourg et croix de guerre, Françoise Rosay très active à Alger et Londres . Il est malheureusement exact que le milieu artistique et littéraire dans son ensemble à été plus que passif. Des tournées théâtrales en Amérique du Sud au bon Jean paul Sartre parlant avec tendresse de la période de l’occupation ,on a tous les profils de la collaboration. Rien d’étonnant dans un pays ayant un président ( mitterand) et un premier ministre (( couve de murville) décorés de la francisque par Petain ……

Les commentaires sont fermés.