À Paris, la bibliothèque Sainte-Geneviève va-t-elle disparaître ?

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« L’université de Paris III a décidé, sans concertation avec la direction de la bibliothèque, de nous supprimer trois postes du département de l’immobilier et de les affecter à l’université. Ce sont des postes de conservateur qui disparaissent au profit de l’université », « au total, ce sont six postes qui disparaissent », regrette une bibliothécaire que nous avons pu interroger sur le pas de porte de la bibliothèque Sainte-Geneviève, restée close une fois de plus. En grève depuis plus d’une semaine, elle exprime son indignation contre les nouvelles décisions prise par la direction de l’université de Paris III qui détient la tutelle de la bibliothèque : « C’est une décision unilatérale », regrette-t-elle, dénonçant le fait que le personnel n’a pas été consulté ni même prévenu de ces nouvelles mesures.

« Bibliothèque en danger ! Sauvons la BSG ! » : la grande banderole qui barre l’entrée principale de la bibliothèque exprime l’inquiétude de ses salariés suite aux décisions prises par l’université de restreindre le nombre d'agents dédiés uniquement au site, et de supprimer le département chargé de l’entretien du bâtiment classé monument historique.

Ces revendications ne font qu’écho à la tribune lancée, mardi 23 novembre, par des enseignants-chercheurs en soutien aux bibliothécaires et salariés : « L’ensemble de ces décisions, qui s’ajoute à une liste déjà longue de restrictions, met en danger une institution dont le rayonnement international devrait être une fierté », dénoncent-ils en tête d’un texte signé par plus de cent universitaires.

Car celle qui est en jeu dans ces « restructurations administratives », comme disent poliment les porteurs de mauvaises nouvelles, n’est autre que la célébrissime bibliothèque Sainte-Geneviève, alias BSG. Héritière de celle qu’abritait, en son temps, l’ancienne abbaye Sainte-Geneviève de Paris, fondée par Clovis, elle était alors considérée comme la troisième bibliothèque d’Europe. Restaurée au XVIIe siècle par le cardinal de La Rochefoucauld à la demande de Louis XIII, elle résiste à la tourmente révolutionnaire grâce au charisme de son bibliothécaire, le chanoine Alexandre-Guy, qui tient tête aux commissaires du peuple. C’est en 1838 qu’elle prend place dans le bâtiment qu’elle occupe aujourd’hui, les combles de l’abbaye, devenue lycée Henri-IV, ayant été jugés trop étroits.

Marquée par une histoire plus que millénaire, la fameuse bibliothèque Sainte-Geneviève a ainsi accumulé pas moins de deux millions de documents mis à la disposition des lecteurs qu’elle accueille presque tous les jours.

Il faut sans doute avoir travaillé plusieurs heures durant dans ses murs pour réaliser tout l’héritage qu’elle enferme : jusqu’à la nuit tombée, on y étudie encore sur d’imposants bureaux de bois usés par des générations d’étudiants et de chercheurs, entouré d’une escorte infinie de livres reliés, au cœur du savoir.

Imprégné de l’héritage français, le monument emblématique a su imprégner à son tour les grandes figures qui y ont travaillé, et ce, jusque dans leurs œuvres : Balzac l’évoque dans sa Comédie humaine lorsqu’il écrit : « À la bibliothèque Sainte-Geneviève, où Lucien comptait aller, il avait toujours aperçu dans le même coin un jeune homme d'environ vingt-cinq ans qui travaillait avec cette application soutenue que rien ne distrait ni dérange, et à laquelle se reconnaissent les véritables ouvriers littéraires. »

Alors que son prestige n’est plus à démontrer, l’institution qu’ont bâtie nos rois, et que la Révolution n’a pu ébranler, est-elle donc à la merci de nouvelles mesures administratives, comme le soutiennent les grévistes ? Quels que soient les tenants et les aboutissants de ces querelles administratives, nous clamons haut et fort notre attachement à la bibliothèque Sainte-Geneviève, au patrimoine et à la culture française qu’elle représente !

 

 

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