Jean-Paul Garraud : Guerre en Ukraine : « On ne peut pas se laisser guider par la frénésie médiatique »

Jean-Paul Garraud

Le président ukrainien Zelensky a demandé, ce lundi 28 février, l'intégration sans délai de son pays à l'Union européenne. Jean-Paul Garraud, député RN au Parlement européen, réagit à cette demande au micro de Boulevard Voltaire. Il en appelle à la plus grande prudence et met en garde contre les va-t-en-guerre qui prospèrent sur les plateaux télé.

Vous êtes euro député. Aujourd’hui, le président de l’Ukraine, monsieur Zelensky a signé la demande officielle d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne. Cette décision est urgente et il demande à l’UE de l’accepter sans délai. Que pensez-vous de la demande du président Zelensky ?

Premièrement, nous avons au Rassemblement national, une position de principe qui est celle du non-élargissement de l’Union européenne telle qu’elle est aujourd’hui.

Deuxièmement, il ne faut en aucune façon, surtout dans le contexte que nous connaissons actuellement, agir sur le coup de l’émotion. Je comprends bien la demande faite par l’Ukraine, mais ceci doit être réfléchi et ne pas se laisser aller à des mouvements non réfléchis.

L’Ukraine est envahie depuis plusieurs jours par l’armée russe. Au début, nous avons vu une Union européenne qui ne parvenait pas à se faire entendre sur la scène diplomatique, mais qui aujourd’hui, semble avoir trouvé une forme de compromis pour au moins, envoyer massivement un soutien logistique et militaire à l’Ukraine. Est-ce la preuve que devant l’urgence les affaires extérieures européennes fonctionnent ?

Je ne le ressens pas du tout de cette façon. D’abord, il faut se méfier parce que nous n’avons pas beaucoup d’information sur la situation réelle de l’Ukraine actuellement. Et ensuite parce que l’Union européenne est en train d’essayer de se renforcer par le biais de cette affaire. L’Union européenne a une vocation qui est celle de vouloir avoir une politique unique de défense et d’être un supra État. Elle veut faire en sorte que la situation telle qu’elle est, aille dans son sens.

Effectivement, nous constatons tous qu’elle a un certain nombre d’initiatives, mais attention parce qu’aller encore plus loin, avoir une politique de défense commune et une armée commune dépasserait les prérogatives de l’Union européenne et mettrait à bas la politique des États-nation. Nous sommes très favorables aux États-nation et nous considérons que la politique des États-nation pourrait être beaucoup plus forte qu’un certain nombre de gesticulations qui répondent à des phénomènes un peu médiatiques, mais qui sur le fond, ne sont pas du tout efficaces.

À droite, il y a toujours eu une certaine fascination pour Vladimir Poutine. Je pense à Éric Zemmour qui disait qu’il attendait un Poutine français. Marine Le Pen elle-même n’avait jamais caché sa volonté de raprocher la France de la Russie. Les tenants de cette ligne-là ne sont-ils pas pris à leur propre jeu et ne découvrent-ils pas un Vladimir Poutine plus sombre qu’ils ne l’avaient imaginé ?

En ce qui me concerne, je n’ai pas d’admiration pour Vladimir Poutine, mais je trouve que la Russie est un grand peuple, avec une grande Histoire avec laquelle nous avons des liens historiques et culturels. Je trouve qu’il faut faire très attention à ne pas forcément mettre le peuple russe au ban des nations.

Je travaille beaucoup sur la lutte contre le terrorisme islamique et je sais que les Russes sont très efficaces dans ce domaine. Je connais toute l’Histoire de la Russie et cette grande histoire commune que nous avons. Tout ceci n’est pas à jeter aux orties parce qu’il y a actuellement les problèmes que nous connaissons. Il faut donc faire la part des choses. Plus on va mettre au ban des nations comme une infamie le peuple russe, plus la situation va se durcir et plus il y a un risque d’escalade. Je suis dans en opposition totale avec tous les va-t-en-guerre qui sur tous les plateaux de télé et ailleurs nous donnent des conseils dans tous les sens, alors que sur le fond il y a des risques énormes. Il suffirait d’un seul missile russe qui s’appelle Satan pour rayer la France de la carte du monde. Il ne faut pas jouer avec cela.

Je pense que les auditeurs entendront tout à fait cet appel au calme. Néanmoins, comment être sûr que Vladimir Poutine se satisfera de l’Ukraine s’il venait à remporter cette guerre. Si l’Ukraine tombe, la Pologne, la Roumanie et la Moldavie ne se retrouveraient-elles pas en danger ?

Je pense avant tout que la diplomatie doit agir et être efficace. Ce qui est un peu frappant dans cet environnement actuel c’est que nous avons passé sous silence, l’essentiel des demandes russes.

Les demandes russes sont finalement assez simples. Avec l'OTAN qui s’est développé, l’Alliance atlantique a disposé toute une série d’armement aux frontières de la Russie à quelques minutes de missile de Moscou. Les demandes de la Russie étaient d’avoir une certaine sécurité par rapport à cela, car on ne sait jamais ce qu'il peut se passer. Il suffit que des membres de l’Alliance atlantique des pays ou des chefs d’État puissent avoir une politique très négative pour qu’il y ait une catastrophe. Cette demande n’a pas été entendue et elle est passée sous silence. Je ne dis pas que cela justifie l’agression russe, puisqu’elle est condamnable et on l’a condamnée fermement, mais aujourd’hui je considère que la situation est très tendue et tout le monde se retrouve dans une position assez fermée. Je pense très sincèrement que la France a certainement un rôle à jouer. C’est  d’abord et avant tout de la diplomatie qui doit se mettre en place. Tout n’est pas blanc d’un côté et noir de l’autre. Il faut donc faire très attention. Dans cette affaire, on ne peut pas se laisser guider par l‘émotion ou par une frénésie médiatique qui emballe les esprits. Il faut vraiment être très réfléchi et ferme sur la question. La France peut et doit jouer son rôle.

Marc Eynaud
Marc Eynaud
Journaliste à BV

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