[VU D’ARGENTINE] La relève d’un pays

Un chiffre résume la situation : 232 millions de dollars, montant de l’excédent de la balance commerciale.
Capture écran LCI
Capture écran LCI

Les répliques du tremblement de terre économique qui secoue la planète, ces derniers temps, ne sont arrivées à Buenos Aires que fort atténuées. Une fois n’est pas coutume, le président Milei a adopté en cette circonstance un profil des plus bas. Pas question de chagriner son ami Donald Trump sur une question qui ne peut avoir que des effets extrêmement marginaux dans les relations entre les deux pays. Un chiffre résume la situation : 232 millions de dollars sont, en 2024, le montant de l’excédent de la balance commerciale de l’Argentine face aux États-Unis ; une grande première, après 18 ans de déficit ! Ce montant misérable est évidemment tout à fait insuffisant pour troubler le sommeil du locataire de la Maison-Blanche, et cela, d’autant plus que, comme nous le verrons plus bas, Javier Milei a promis d’ouvrir prudemment son pays au monde pour rétablir une saine concurrence souvent inexistante depuis des décennies.

L'Argentine gagne la confiance du FMI

Dans le cadre des excellentes relations avec Washington, l’annonce d’un ample et profitable accord avec le FMI a été très bien reçue, dans les milieux d’affaires de Buenos Aires. Avec un apport d’autres banques, le montant d’argent frais pour 2025 (23 milliards de dollars) dépasse de beaucoup les estimations récentes du marché. Ce chiffre, déjà considérable au regard d'une économie presque six fois inférieure à celle de la France, prend une dimension héroïque si l’on considère les neuf défauts de paiement qui ont entaché l’histoire économique du pays ainsi que sa détestable réputation de mauvais payeur. Le paquet est, de surcroît, enveloppé par des éloges du FMI à la gestion financière en cours et Mme Georgieva, directrice du FMI, n’hésite pas à qualifier le cas argentin « de plus impressionnant de l’histoire moderne ». Cerise sur le gâteau, la visite à Buenos Aires de M. Scott Bessent, Secrétaire au Trésor américain, a ajouté une touche de prestige à cet événement.

Dans la foulée, Javier Milei a annoncé la libéralisation et l'unification immédiate du taux de change. Celui-ci évoluera suivant un système de flottement administré dans une bande située entre 1.000 et 1.400 pesos et la Banque centrale pourra intervenir dans ces limites. À vrai dire, il restera encore provisoirement quelques contraintes pour les entreprises, notamment pour ce qui concerne le rapatriement des dividendes. L’analyse de ces restrictions marginales serait assez technique et nous entraînerait hors des limites de l’épure d’une note de caractère général.

Certains journalistes libéraux modèrent leurs critiques acides

Quoi qu’il en soit, le plan économique rentre résolument dans une nouvelle phase de consolidation. Dans un climat mondial troublé, l’attente de l’accord avait suscité quelques petites secousses économiques, en partie souvent causées par des spéculations logiques, mais pas forcément bien intentionnées. Cela s’était traduit par une petite tension sur le marché des changes et avait surtout causé un désagréable saut de l’inflation, au mois de mars, à 3,7 %. Cependant, dans sa présentation officielle au peuple argentin, Javier Milei a adopté un ton extrêmement positif et surtout optimiste, ce qui n’est pas une nouveauté, mais s’est aussi offert le luxe, inhabituel chez lui, de remercier l’opposition d’avoir apporté sa collaboration à la Chambre en invitant l’ensemble de l’arc politique à l’accompagner dans les réformes qui s’accélèreront dans cette nouvelle phase du plan de redressement. Pas sûr que les péronistes jouent le jeu. En revanche, maintenant que le plus désagréable et le plus dur est réalisé, et que le secteur externe est blindé, pourquoi pas ne pas penser à une union des droites avec quelques concessions de part et d’autre pour accélérer le rythme ? Verra-t-on éclore le pragmatisme voilé du président ? En attendant, certains journalistes libéraux ont déjà donné le ton en modérant leurs critiques souvent acides.

La tâche est immense, la tronçonneuse ne jouira d’aucun répit et, pour abattre définitivement l’inflation, il faudra nécessairement baisser les coûts de production argentins. Cela passe par une relance de l’investissement, une réduction profonde des impôts, une refonte complète du droit du travail, mais aussi une pression, via la concurrence, sur une bonne partie de l’entrepreneuriat habitué à masquer son inefficacité par une soumission hypocrite à la dérive inflationnaire. Eh oui, après tant d’années d’enfermement économique, et bien que cela paraisse surprenant dans le climat mondial actuel, il faut prudemment mais inexorablement moderniser et ouvrir le pays au monde.

Aujourd’hui plus que jamais, Javier Milei a les cartes en main.

Picture of Michel de Saizieu
Michel de Saizieu
Essec, vit en Argentine depuis 1973, CEO d’entreprises agricoles, ancien Conseiller du commerce extérieur de la France à Buenos Aires.

Vos commentaires

11 commentaires

  1. Superbe démonstration d’efficacité en matière de gestion économique d’un pays !!! Allô allô l’Elysée et Matignon : message bien reçu ?????

  2. 232 modestes millions de dollars d’excédent commercial argentin contre 81 milliards de déficit français !! Cherchez l’erreur du … « Mozart de la Finance » ? Mozart qui a eu le culot en 2017, alors candidat à l’Élysée nous avait « promis » 60 milliards d’économies par an sur 5 ans !! Résultat au bout de 7 ans de malheurs : 1000 milliards de dettes supplémentaires …. « pour l’instant » …

  3. Merci Michel, le président Milei est un modèle pour le monde, je prie pour que la liberalisation du taux de change ne nuise pas à ses efforts. Et Je suis d’accord avec Shoopy83 : Macron à fuera !

  4. Et dire qu’a son arrivée cet homme a attiré les quolibets et a été pris pour un clown.

  5. Sans oublier la réduction du train de vie, des privilèges de tous ces ex-présidents, PM….. pour compléter mon commentaire précédent

  6. Supprimer des ministères et des officines nuisibles ont permis des économies non négligeables ! Ainsi que la suppression ou réduction avec contrôle de subventions publiques aux associations, ONG seraient aussi utiles

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

Il y a un fort état d’esprit anti-propriétaires
Gabrielle Cluzel sur CNews
Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois