Une France qui s’appellerait Gaston
Il s’appelle Gaston. Hugo Gaston. Il a l’insouciance de ses 20 ans et une valeur qui n’attend pas le nombre des années. Il y a une semaine, personne ne le connaissait ni ne l’attendait. Aujourd’hui, il est au sommet, premier de cordée, héros malgré lui. Ce garçon vient de s’illustrer, avec la manière, sur la terre ocre du tournoi de Roland-Garros. Un tournoi auquel il vient de redonner sa consonance chevaleresque, faite de courage et d’épopée. Hier, après un match de légende aux prises avec un adversaire de haut rang, classé 3e mondial, il sera allé au bout du suspense et au bout de lui-même, laissant sur le fil la victoire à son rival, admiratif de tant de combativité juvénile.
Dans le tennis en général, et à Roland-Garros en particulier, les victoires ne se jouent pas que sur la terre battue. Elles se jouent aussi dans les cœurs d’un public attentif aux manières d’être, aux styles de jeu, aux caractères des gladiateurs présents dans l’arène. Et force est de constater qu’Hugo Gaston a conquis le public, les Français et le monde du tennis. Il vient d’emporter à sa façon son premier Roland-Garros et de s’ouvrir un destin de grand chelem.
Car sa percée n’est pas un accident. C’est une promesse. Et une leçon. Avant de céder, avec les honneurs, il a gravi et fait tomber d’autres montagnes, celle de Wavrinka, vainqueur passé de Roland-Garros. Il s’est retrouvé face à des Goliath qu’il n’aurait jamais dû rencontrer et, le regard net, l’air concentré, l’humeur toujours calme, il a su, avec sa fronde en forme de raquette, les terrasser.
Il n’avait pourtant rien pour qu’on mise sur lui : il n’est pas dans les canons modernes ni les modes du temps. Ils sont grands, il est petit. Ils sont droitiers, il est gaucher. Ils nous ont habitués à un jeu martelé, ultra-puissant, poussant à des échanges de fonds de courts, il joue fin, en amorti, laissant tomber sa balle juste derrière le filet, obligeant les colosses à s’avancer, pour mieux ensuite les lober ! Le tennis était devenu une boxe, il vient d’en refaire une danse. C’était une performance, il en a fait une élégance. C’était une guerre d’artillerie lourde, il en a refait une escarmouche, un duel, une chevalerie. La France du tennis et la France tout court est nostalgique de ses mousquetaires, cette époque où les escrimeurs du tennis donnaient le ton, crocodile pour emblème, et gagnaient les trophées. En cet automne masqué, alors qu’on ne l’attendait plus, ce temps est revenu. « Hugo Président ! » scandaient les tribunes du court central. À l’heure où la France cherche le profil de son homme providentiel, elle ferait bien d’écouter ce plébiscite spontané : de la fougue et du calme, de la jeunesse et du talent, un destin fait de travail patient et de présence aux grands moments, une sorte de force tranquille qui n’aurait pas connu les années Mitterrand : voilà ce que la France attend. Une France qui s’appellerait Gaston.
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