Un si grand soleil : la série pour endoctriner les Français… et, en plus, ils jouent comme des pieds

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Après Plus belle la vie, voici Un si grand soleil. La suivante, puisque l’adverbe d’intensité semble être de règle, devrait s’appeler Tellement bébête, la série. Les Espagnols, assez doués dans le domaine des fictions télévisées, peuvent dormir sur leurs deux oreilles : aucun risque que les nôtres ne leur fassent de l’ombre.

D’abord parce que, soyons francs, elles sont jouées comme des pieds. Le Huffington Post a ainsi fait tourner un extrait, pour ceux qui ne seraient pas vissés à 20 h 40 devant France 2, en précisant que celui-ci avait "fâché la Manif pour tous" : il dure moins de 30 secondes, mais il n’en faut pas plus pour saisir la complexité de l’intrigue digne du Club des Cinq et le passage secret et discerner les (très) méchants des (très) gentils. Les acteurs peinent à réciter leur leçon ; pour leur défense, il est vrai que la grande binarité de celle-ci ne laisse guère de place à la créativité théâtrale :

Personnage 1 (scrutant une photo dans son téléphone) : « C’est le maire adjoint de Berargue ! »
Personnage 2 (dégoûté) : "Mais ce n’est pas une mairie d’extrême droite, ça ?"
Personnage 1 (encore plus dégoûté) : "Oui ! Et lui, c'est le profil du catho tradi ! Il est proche de Sens commun, tu vois le genre !"
Personnage 2 : (encore tellement plus dégoûté) : « Ah ouais ! »
Personnage 3 (candide) : "C’est quoi, Sens commun ?"
Personne 2 (écœuré) : « Ben t’sais, c’est un mouvement euh Manif pour tous, pfffft, Manif pour tous… enfin, manif CONTRE tous ! »
Personnage 3 (choqué, yeux exorbités) : "Ah, mais ça veut dire qu’il est contre l’homosexualité, alors !"
Personnage 2 (hochant la tête, encore plus écœuré) : « Ah, ça ! »
Personnage 3 (encore plus choqué, incrédule) : "Mais je ne comprends pas ce que Jo fait avec un type pareil !"

Dans ce name-dropping manquent évidemment encore quelques mots-clés, comme Éric Zemmour ou prêtre pédophile, mais il faut en garder pour la suite, la série ne fait que commencer, olé !

Ensuite, parce qu’elles sont évidemment inexportables, les obsessions mono-maniaques des scénaristes, très franco-françaises, n’ayant guère de chances d’être comprises à l’étranger. Si l’on se sent obligé d’expliquer au téléspectateur français, dans l’hypothèse où le matraquage des dernières présidentielles lui aurait échappé, ce qu’est Sens commun, quid de celui péruvien ou suédois ?

Enfin, parce que la chute est déjà pliée, le suspense mort-né, la surprise impossible. Le coupable est déjà désigné : l’affreux, l’abominable, le fourbe, l’opportuniste, l’homophobe, etc., maire adjoint de Bérargue !

Sauf si, évidemment (c'est la seule option), cet homme se trouve être prisonnier d’un horrible maître-chanteur à pull en V et petites lunettes catho-tradi-sens-commun-manif-pour-tous qui a les moyens de le faire chanter et se sert de lui pour devenir… le maaaaaîîîîître du monde ! Mes amis, quel retournement haletant de situation !

Mais la qualité de la série importe assez peu, laissons cela aux chaînes commerciales. L’objectif est tout autre. Il est simplement de distiller - soyez remerciés pour vos impôts - la leçon de catéchisme du soir aux Français réunis : vous avez bien compris, les petits ? Répétez après moi : Sens commun très vilain, catho pas beau…

Le site toutelatélé.com, qui recense les audiences, nous apprend aujourd’hui qu’Un si grand soleil est en difficulté. Peut-être parce que les Français sont moins niais que ses producteurs l’avaient imaginé ?

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

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