Tu seras délateur, pardon « aviseur fiscal », mon fils !

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Imagine-t-on un père orienter ainsi son fils ? À dire vrai, même s’il le faisait, il n’emploierait pas ce langage pour qualifier cette peu respectable fonction. Il utiliserait l’expression un tantinet euphémique, mais employée par les services fiscaux, d'« aviseur fiscal ».

Il s’agit, pour un « citoyen », de dénoncer, sous couvert d'anonymat, les fraudeurs aux autorités fiscales. La fraude n'a rien de moral, mais dans un pays où les prélèvements obligatoires atteignent des records mondiaux, on peut avoir quelque répugnance à respecter cette fonction d’aviseur fiscal. Et l’on sera tenté de prêter à l’aviseur en question des défauts de la nature humaine (jalousie, envie, vengeance) ; on aura du mal à considérer que l’aviseur accomplit un devoir civique. D’autant qu’il est rémunéré pour cette basse besogne : avoir permis le recouvrement de 110,3 millions, entre janvier 2017 et septembre 2021, selon le rapport d’une députée socialiste membre de la commission des finances. Quand bien même la dénonciation serait morale, sa rémunération lui retire toute légitimité, le fisc fait un peu le trottoir. L’on sait qu’il y a des paradis fiscaux, et on peut parier que les très gros fraudeurs de l’oligarchie échappent à ce type de dénonciation qui est, d’ailleurs, le métier de la presse et des ONG. Mais ces paradis existent parce qu’il y a des enfers fiscaux et nos aviseurs fiscaux font office de diablotins de cet enfer-là.

Combien de délateurs ? 27 personnes, en 2017, ont pris contact avec l’administration fiscale ; ils étaient 56, en 2018, et 71, en 2020. Selon Christine Pirès-Beaune, rapporteur socialiste, « le dispositif bénéficie d'une plus grande acceptabilité sociale ». On ne sait pas bien ce que veut dire « acceptabilité sociale », on devine que les impétrants comme la dame - c’est dans son ADN socialiste -, toute honte bue, acceptent cette fonction infamante, mais qu’en est-il de leurs concitoyens ? Comme les chasseurs de prime au Far-West, sont-ils (les pauvres !) victimes du boycott de leurs concitoyens ? Ou, plus sûrement, taisent-ils leur petit business ? En échange des informations ayant permis au fisc de récupérer cette somme de 110 millions, ils ont reçu l’équivalent de 1,5 % des droits et pénalités d'indemnité, soit 1,83 million d’euros. Il est difficile de faire des comparaisons internationales mais, une certitude, c’est un « sport » très français, comme un rappel des heures les plus sombres...

Pour attirer encore plus d’aviseurs, l’élue préconise de porter leur indemnisation « jusqu'à 15 % des droits recouvrés dans le cas d'affaires de grande importante » (in fine un rendement fiscal modeste) et précise que « les éléments d'identification de l'identité de l'aviseur (fiche biographique) seront classés secret ». Ouf, on respire !

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Olivier Pichon
Professeur agrégé de l'université, journaliste à TVL

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