SNCF : des cheminots bien payés, primés, gratifiés… mais (encore) en grève !

Ce week-end, le PDG de SNCF Voyageurs, Christophe Fanichet, se voulait rassurant quant aux risques de grève : « Nous sommes loin d'une semaine noire. » Des propos infirmés dès ce lundi 5 mai au matin où les trajets des usagers, en Île-de-France ou dans le Nord-Pas-de-Calais, ont été apocalyptiques. Les syndicats n’avaient-ils pas prévenu ? « Du 5 au 7 mai, mettons les trains à l’arrêt ! » Les préavis de grève concernent aussi, bien sûr, le pont du 8 Mai.
Et une prime traction, une !
Des milliers de Français resteront une fois de plus... à quai. Pourquoi ? Que réclament, par exemple, le Secteur fédéral des cheminots de Paris Rive Gauche (CGT) et l’UNSA Ferroviaire ? Une réforme de la « prime traction ». N’allez pas croire que les gros bras de la CGT Cheminots tirent eux-mêmes les convois, mais les conducteurs touchent cette prime fixée selon le kilomètre parcouru, le type de train, le type de voie… Une usine à gaz : « La méthode de calcul de la prime traction est incompréhensible pour bon nombre de conducteurs. » La réforme passe, pour les syndicats, par l’augmentation de la prime, mais aussi par sa « sécurisation », autrement dit qu’elle soit versée même lorsque les conducteurs ne roulent pas ! Ça confine à l’absurde.
Représentant, actuellement, quelque 150 millions d’euros par an, la prime traction s’ajoute aux autres avantages dont la SNCF est prodigue pour ses ADC (agents de conduite) : « gratification de vacances », « gratification annuelle d’exploitation », « gratification pour distinctions honorifiques » et autres « gratifications exceptionnelles » (pléonasme, puisqu’une gratification est censée être, par nature, exceptionnelle, ce qui la distingue de la prime). Quel métier est aussi… gratifiant ? On se le demande.
Ne me dis pas combien tu gagnes
Les syndicats réclament aussi la réforme de la « prime de travail » des contrôleurs - encore une prime - et une gestion plus anticipée des plannings. Pour François Delétraz, président de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (FNAUT), contacté par BV, « la grève est un bazooka, elle doit être utilisée à bon escient. S’ils avaient fait grève pour dénoncer que, sur un billet de TVG à 100 euros, 50 euros sont ponctionnés par l’État ou que la SNCF a 5,4 milliards d’euros de bénéfices qui sont reversés au budget général de l’État, là, on comprendrait. » Mais « faire grève lors du pont du 8 Mai pour cent balles ? Ils sont hors-sol. »
Interrogée sur le salaire d’un conducteur, la SNCF nous répond qu’elle ne communique pas « sur le détail des rémunérations de chaque métier qui sont tous soumis à des spécificités ». Il est vrai que les spécificités jouent, ici, le rôle de rideau opacifiant. Entre « éléments fixes » et « éléments variables de solde », un conducteur touchait en moyenne 4.214 euros bruts par mois, en 2023. Le chiffre recouvre de grandes différences selon l’ancienneté et selon qu’on est conducteur de TER, de Transilien ou de TGV, mais on est dans le confortable et largement au-dessus du salaire moyen de 3.300 euros bruts mensuels, 2.600 euros nets. D’autant qu’en 2025, les salaires des agents SNCF ont augmenté de 2,2 % en moyenne. Le dialogue social tourne à fond, comme le confirme François Delétraz : « Contrairement à ce que disent les syndicats, il y a des négociations à la SNCF à longueur de temps et toute l’année. Le nombre de réunions est hallucinant. Je ne crois pas qu’il y ait une entreprise en France qui en ait autant. »
Les travailleurs plutôt que les passagers
Les cheminots ne sont donc pas à plaindre, en matière de discussions sociales et des avantages qui en découlent. « La CGT SUD Rail ne parle que des travailleurs et des travailleuses, s’indigne François Delétraz, auprès de BV. Nous aimerions qu’elle parle aussi des passagers et des passagères qu’elle est supposée transporter. » Des passagers et des passagères qui sont eux-mêmes des travailleurs et des travailleuses à qui leur entreprise n’offre rien de comparable et à qui cette énième grève ne va pas donner confiance en la SNCF. Pour le président de la FNAUT, « si on veut décarboner et que les gens abandonnent leurs voitures, il faut qu’il y ait une offre abondante et que la fiabilité du billet de train soit totale ». Cette semaine de grève du 5 au 11 mai est au contraire une incitation à prendre sa voiture, pour aller travailler ou partir en week-end. « Les syndicats se tirent une balle dans le pied. On n’obtient rien avec une grève impopulaire », conclut François Delétraz. Et impopulaires, ces perturbations de début de semaine le sont. Anti-écologiques, corporatistes, elles laissent au bord du quai des usagers sans défense. Encore une prime pour les cheminots : celle de l'égoïsme.

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9 commentaires
Ce qui aussi est gênant dans ces « régimes spéciaux » (SNCF, RATP), c’est que ses bénéficiaires cotisent dans le même pot que les pékins lambda. Autrement dit, pour que le cheminot puisse partir à la retraite mieux et plus jeune, l’employé de banque, lui, partira avec une retraite plus légère et tardive.
Ah, ils gagnent beaucoup d’argent…
Combien gagne un journaliste ? Avec des abattements supplémentaires.
Je n’ai jamais entendu un journaliste dire quelle somme il percevait.
C’est quoi le problème ? Si tu trouves que son métier paye mieux, ben change de boulot et fais-le.
Je ne comprends pas cette jalousie.
Et les politiques ils gagnent combien ? c’est pas un peu trop payé ?
Ne jamais perdre de vue que lorsque le cheminot fait grève, c’est par pur altruisme.
En effet, les mouvements de grève visent généralement à garantir la sécurité de « l’usager ».
Le cheminot est trop bon !
En préambule je ne suis ni SNCF ni CGT. J’en suis même politiquement très loin. Mais là, je me serais attendu à plus de circonspection de la part de BV, avant qu’il ne se joigne à la cohorte de ceux qui essaient de démolir les travailleurs SNCF, pour le compte de l’état qui l’observe avec gourmandise faire tout le boulot sans qu’on ait même à le lui demander. Or, les fonctionnaires de tous métiers sont en permanence en train de couiner et râler : à juste titre, puisque sur les 20 dernières années ce sont à peu près 25% de pouvoir d’achat perdu. Perdu du fait des non-indexations successives décidées par l’état. Les ouvriers de la SNCF, en revanche ont gagné 21% : c’est en dessous des 25, mais ils ont donc obtenu ce que tout le monde aurait voulu avoir. Eh bien, eux, ils se BATTENT. Et ils gagnent. Alors c’est facile de les jeter aux chiens : l’envie étant – comme de bien connu – mère de la haine, la meute des envieux qui gémissent sans jamais agir déverse sa haine ouvertement : loin de ce décider à agir comme eux, ils voudraient qu’on leur ferme « leur gueule » comme ils ont eux-même l’habitude de la fermer tête baissée cependant qu’ils se font tondre. Et de ne surtout jamais participer à pas même un seul jour de grève dans leur branche (« mais ça pourrait me faire perdre de l’argent ! »). Alors, tâchez de savoir ce que vous voulez pour vous-mêmes avant de cracher sur les autres. Et surtout avant de vouloir qu’on s’attaque au droit de grève. Des gens sont morts pour que vous l’ayez. Prenez-vous par la main et battez-vous. Mais vos si stériles indignations vocales sans jamais d’action me laisseront froid. Quant aux journalistes qui soufflent sur les braises, pourquoi ne nous parlent-ils pas d’abord de leurs propres avantages fiscaux ? Non, mieux vaut regarder ailleurs.
À quand la gratification pour gratification ?
S’il y a bien un service à privatiser c’est la SNCF. Ils prennent en otage la
Population dans le confort des protections syndicales et c’est inadmissible…. D’ailleurs les écolos devraient se révolter car c’est pas écolo d’obliger les gens à prendre la voiture …
En Angleterre ça a bien fonctionné, accidents, incidents en série…
Ne touche t’il pas aussi une » prime charbon » ? Boycotter ce moyen de transport ou le privatiser . Ceux qui utilisent ce moyen de transport pour aller travailler sont parfois pénalisés , doivent rattraper le retard au sein de l’entreprise . Honteux de prendre ainsi les voyageurs en otage .
Ben prenez le boulot s’il est meilleur.