Sarcelles : derrière la ville modèle, l’échec du vivre ensemble

Derrière cette mise en scène d’un multiculturalisme apaisé à l'occasion des 70 ans de la ville, la réalité est autre...
@Bentz-Wikimedia Commons
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Il y a 70 ans naissait Sarcelles, sur les ruines d’un monde d’avant-guerre, dans un élan de reconstruction et d’espérance sociale. Des champs transformés en dalles de béton a surgi une ville nouvelle, à la fois promesse de modernité et lieu d’ancrage pour des milliers de familles venues d’ailleurs. Aujourd’hui encore, les couleurs des festivités, les sons des concerts et les témoignages recueillis célèbrent cette mémoire fondatrice avec ferveur. Cependant, à côté de ces hommages vibrants, d’autres voix s’élèvent, plus amères. Sarcelles est une ville vivante, certes, mais elle est aussi traversée par des fêlures, des zones d’ombre, des heurts trop souvent tus, qui jettent une ombre sur l'idéalisation d'un certain modèle de société.

Sarcelles en fête : diversité et convivialité

À l’occasion de cet anniversaire, la municipalité a lancé un vaste cycle d’événements intitulé « 70 ans du Grand Sarcelles ». Au programme : des concerts, dont un « Concert de l’Égalité » sur le thème de l’antiracisme avec plusieurs rappeurs francophones, mais aussi des expositions ou encore des conférences. Ces animations visent alors à retracer la mémoire collective née des années 1950, lorsque l’arrivée massive de familles issues de l’immigration fit de Sarcelles une cité-monde. Les témoignages des premiers Sarcellois, notamment sur le logement, le travail, les migrations et la construction identitaire, nourrissent un imaginaire positif : celui d’une ville résiliente, multiculturelle et fière de son histoire. La municipalité dit même détenir les « ingrédients d’une société apaisée et républicaine ». Ces derniers, malheureusement, ne doivent pas être de première fraîcheur, à la vue du bilan sécuritaire de Sarcelles que les autorités semblent ignorer.

Une ville sous tension

En effet, derrière cette mise en scène d’un multiculturalisme apaisé, la réalité quotidienne de nombreux habitants est marquée par une insécurité endémique. La ville a été ainsi le théâtre, ces dernières années, d'une série d’événements violents, révélateurs d’un climat loin d’être apaisé.

Ainsi, en 2020, un ressortissant pakistanais, sous le coup d’une obligation de quitter le territoire, avait blessé un homme à coups de hachoir devant l’ancien commissariat. Ce n’est qu’en mars 2025 qu’il fut enfin jugé pour cette attaque.

Plus tard, le 30 décembre 2022, une violente rixe éclatait dans le quartier Rosiers-Chantepie. Plusieurs dizaines de personnes s’étaient alors affrontées à l’aide de couteaux, bâtons et marteaux, selon la police. Deux blessés légers furent recensés et six suspects interpellés. Le 12 novembre 2024, un adolescent de 17 ans fut poignardé mortellement dans un parking souterrain. L’enquête privilégiait la piste d’un règlement de comptes entre bandes rivales — un phénomène que même Assa Traoré dénonça comme existant depuis trop longtemps : « On est sur des rixes qui durent depuis 20 ou 30 ans. »

En janvier 2025, une agression particulièrement violente se produisait dans une rue commerçante. Un homme était attaqué à la machette au niveau du cou dans ce qui semble être un acte ciblé. Grièvement blessée, la victime fut hospitalisée d’urgence, tandis que l’agresseur, issu de la communauté pakistanaise, était interpellé peu après les faits.

Le mois suivant, en février 2025, un autre jeune homme était poignardé dans le dos par un groupe de trois personnes, en pleine rue, ajoutant un nouvel épisode sanglant au climat d’insécurité qui mine la ville.

Ces événements, loin d’être anecdotiques, traduisent ainsi une violence récurrente. Si certains faits sont médiatisés, beaucoup d’autres, parfois relayés sur les réseaux sociaux ou constatés localement, passent malheureusement sous les radars.

Fractures communautaires

Sarcelles a également connu, par le passé, des violences liées à des tensions intercommunautaires. En juillet 2014, une manifestation « pro‑Palestine » avait dégénéré en émeute à caractère antisémite : des commerces juifs et une synagogue avaient été ainsi attaqués et vandalisés. Quelques années auparavant, en 2012, un attentat à la grenade visant une supérette cacher à Sarcelles, relié à la cellule terroriste de la région Cannes‑Torcy, avait été déjoué.

Ces épisodes rappellent que la cohabitation entre différentes communautés, longtemps vantée comme un modèle d’intégration, n’est pas en réalité une réussite, comme veut le faire penser la municipalité de Sarcelles. La ville est à la croisée de récits très différents. D’un côté, une ville fière, désireuse de faire valoir son histoire à travers un anniversaire fort en symboles. De l’autre, des violences qui constituent une réalité beaucoup moins reluisante, totalement occultée.

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Eric de Mascureau
Chroniqueur à BV, licence d'histoire-patrimoine, master d'histoire de l'art

Vos commentaires

28 commentaires

  1. Sarcelles n’est qu’un exemple parmi de nombreux autres , du délire utopiste imposé par la Gauche vantant le vivre ensemble . Un fantasme idéologique qui détruit les sociétés quelles qu’elles soient .

  2. J’habite Massy dans l’Essonne. Au début des années soixante, se construisit ce que l’on a appelé « Le Grand Ensemble » (ça ne s’invente pas), deuxième expérience de « ville dortoir » après Sarcelles. Les résultats dans cette partie de la ville y sont les mêmes. A titre d’exemple, « le grand L », bâtiment qui constituait la plaque tournante du trafic de stupéfiants de la région. Cette « barre » a été détruite mais le délinquants qui y habitaient ont répartis ailleurs, ne faisant que répartir les problèmes dans d’autres quartiers auparavant tranquilles .

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