Saint-Cyr a un incroyable talent : le patriotisme à l’heure de grande écoute

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Mercredi soir, dans l'émission de M6 « La France a un incroyable talent », la chorale de la promotion Général-Caillaud chantera « Larmes d'ivoire », un chant très émouvant sur la mort d'un père au combat, vue à travers les yeux de son enfant. Les premières images sont impressionnantes et elles participent probablement d'un changement plus profond dans le paysage audiovisuel.

Quelques mots sur Saint-Cyr, d'abord. L'École spéciale militaire participait, autrefois, chaque année, à « Questions pour un champion - Spéciale grandes écoles ». L'émission a cessé, mais elle permettait déjà à la « Spéciale » de se faire connaître et de rayonner. On se souviendra peut-être de cet élève de la promotion Général-Vanbremeersch qui avait lancé, il y a près de vingt ans, un tonitruant « Chic à Cyr ! » (exclamation traditionnelle se traduisant à peu près par « Vive Saint-Cyr »), repris par ses camarades dans le public, sur le plateau, face à un Julien Lepers un peu surpris.

Désormais, ce sont les talents vocaux des cyrards, audibles dans les CD que les promotions publient chaque année, qui sont mis sur le devant de la scène. D'autres, au sein d'une même promo, excellent dans un ou plusieurs sports, écrivent, dessinent, composent, jouent de la musique ou peignent. Un point commun entre eux : tous se retrouveront, à 24 ou 25 ans, à la tête de 20 à 40 soldats, qu'ils emmèneront, s'il le faut, défendre la France par les armes au péril de leur vie.

Saint-Cyr est une grande école dont l'uniforme splendide et l'engagement personnel au service de la France, souvent assimilé à de la bêtise ou à de l'extrémisme, font oublier l'excellence et l'utilité. Au sein de ce chœur martial, en effet, il y aura, dans deux ans, quand se lèvera sur Coëtquidan la dernière aurore, celle de la fin de scolarité, celle du « Pékin de Bahut », des parachutistes, des chasseurs alpins, des logisticiens ou des sapeurs, qui possèderont également un master ou un diplôme d'ingénieur ainsi que diverses qualifications dans le domaine du combat commando, du tir ou de la mise en œuvre des explosifs. Et qui, donc, sauront chanter.

Précisons, pour être juste, que « Larmes d'ivoire » a été composé, il y a quelques années, par un élève de la promotion Colonel-Guéguen de l'École militaire interarmes, école sœur de Saint-Cyr, qui forme au métier de lieutenant les meilleurs sous-officiers, recrutés sur concours, et fut créée en 1961 pour séparer les « semi-directs » ayant déjà connu la troupe des « directs » venus de prépa. La date de la création de l'EMIA coïncide avec le déchirement algérien et on en pensera ce que l'on voudra.

Des commentaires patriotiques inimaginables il y a cinq ou six ans

Sur le paysage audiovisuel, maintenant. La victoire de la charmante famille Lefèvre, l'an dernier, avait ouvert une brèche dans le consensus télévisuel. On était un peu loin de Bilal Hassani. Delphine Ernotte en avait sans doute avalé de travers son lait d'amande. Après un chœur familial de catholiques versaillais, le public rendra-t-il à la chorale de la « Caillaud » l'hommage qu'elle semble d'ores et déjà mériter ? Ce serait la consécration du « modèle von Trapp » (art et armée), du nom du héros de La Mélodie du bonheur - modèle qui n'est autre, d'ailleurs, que celui de toutes les castes guerrières, de la chevalerie européenne aux samouraï (bun bu ichi, « les arts-le guerrier ne font qu'un », disent-ils là-bas). L'horreur absolue, l'innommable. Les commentaires patriotiques du jury (il faut entendre ce que dit Éric Antoine, par exemple), encore impossibles il y a cinq ou six ans, montrent que quelque chose, dans l'esprit des Français, est en train de changer. Ou de revenir. Les années 30, peut-être, puisqu'on est déjà bientôt en 2022...

Enfin, il est impossible de conclure cet article sans penser, à l'écoute de « Larmes d'ivoire », à la mort du caporal-chef Blasco. Peu avant l'entrée du cercueil dans la cour les Invalides, la veuve du commando de montagne ajustait la « tarte » de chasseur alpin du père sur la tête de leur fils, âgé de 8 ans, qui portait encore son cartable sur le dos. Autrefois, on remettait aux orphelins, hauts comme trois pommes et au garde-à-vous, les décorations gagnées par le père lors de sa dernière action de feu. Un tel spectacle ferait pleurer les pierres. Cette réalité noue la gorge. Ce chant aussi. Bon courage au chœur de la Caillaud et, comme disent les saint-cyriens, « Chic à Cyr ! »

Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

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