Qu’iraient-ils donc faire dans cette galère ?

Les résultats des concours de recrutement des professeurs du secondaire (CAPES) sont maintenant connus et la tendance des années précédentes se confirme : tous les postes ne sont pas pourvus. Malgré l’augmentation du nombre de postes offerts au concours, malgré la « bienveillance » des jurys, toutes les places n’ont pas été pourvues. Les lettres classiques (français, latin, grec) et l’allemand sont des cas particuliers : la désaffection continue pour le grec et pour l’allemand depuis des années, par la faute des politiques poursuivies, devait bien finir par tarir le vivier d’étudiants. Mais les lettres modernes (151 postes non pourvus), les mathématiques (306 postes), l’anglais (233) ?

C’est que les meilleurs étudiants se détournent de la profession d’enseignant. Même ceux qui s’inscrivent au concours ne se présentent souvent pas aux épreuves : moins de 40 % d’entre eux l’an dernier. Pourtant, un métier où, selon les préjugés colportés parfois par nos plus hauts responsables, on ne travaille que dix-huit heures par semaine avec quatre mois de vacances dans l’année, cela devrait attirer, non ?

Plusieurs raisons expliquent le délaissement des métiers de l’enseignement.

Tout d’abord la rémunération. Alors que, depuis 2010, il faut un master (bac+5) pour passer le concours (contre une licence, bac+3, auparavant), les salaires n’ont pas été vraiment augmentés. Une étude de 2007 [PDF] montrait déjà que les professeurs avaient perdu 20 % de pouvoir d’achat entre 1981 et 2004. Depuis, le gel du point d’indice entre 2010 et 2016 (non compensé par l’augmentation de 1,2 % en 2017) et l’augmentation progressive du prélèvement retraite ont aggravé cette baisse. Aujourd’hui, un professeur débutant gagne 1,25 fois le SMIC. C’est une des rémunérations les plus faibles des pays de l’OCDE, deux fois plus faible qu’en Allemagne.

Après l’infantilisation subie dans les ESPE (ex-IUFM), le jeune enseignant aura à subir l’irrespect des élèves, parfois leur violence. Dans beaucoup d’établissements, il aura plus souvent à faire de la discipline que de l’enseignement. Face à cet irrespect et au niveau déplorable des élèves (environ 20 % ne savent pas lire correctement en 6e), il ne pourra pas compter sur le soutien de sa hiérarchie. Depuis Claude Allègre, le mépris envers les enseignants s’est largement répandu dans toute la hiérarchie administrative. Il sera nommé loin de chez lui, dans un établissement difficile, parfois dans plusieurs établissements, sommé de participer à une multitude de réunions aussi chronophages qu’inutiles.

Enfin, la valse permanente des programmes, aussi abscons qu’infaisables, les consignes de correction « bienveillante » pour obtenir un taux de réussite faramineux aux examens, les injonctions à faire de la nouveauté, à privilégier la forme plutôt que le fond auront vite fait de lui faire perdre le sens même de son enseignement.

Tout cela se sait et les discours mensongers des ministres successifs, notamment le précédent, ne peuvent pas masquer ces réalités. Il n’est donc pas étonnant que les jeunes se détournent de l’enseignement.

Pour attirer de nouveau vers le métier d’enseignant les meilleurs étudiants pour qu’ils donnent le meilleur enseignement aux élèves, il faudra bien le revaloriser, tant financièrement que moralement.

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Pierre Van Ommeslaeghe
Professeur de philosophie

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