[Point de vue] Charlie Hebdo : éloge du populus contre le vulgus

Charlie Hebdo

Le microcosme médiatique est très curieux, il a des sortes de lieux fixes par où doivent nécessairement passer certaines expressions ; c’est le cas de Charlie Hebdo, lieu fixe aujourd’hui de la critique de l’obscurantisme. Il revient dans l’actualité avec la révolte des femmes en Iran contre le port du voile. À cette occasion, questionnée par Christine Kelly sur CNews, notre chère Gabrielle Cluzel était invitée à donner son point de vue. Oui, Charlie Hebdo a le droit de s'exprimer, non, elle n’aime pas la vulgarité : elle a entièrement raison et ce propos plutôt rare mérite d’être entendu et pris en considération. Qu’on se rassure, mon approbation sans réserve ne doit rien à une quelconque flagornerie, je le pense le plus sincèrement du monde.

Le vulgus, en latin, c’est la foule, le peuple à l’état brut de décoffrage. Le populus, c’est le peuple au sens noble du terme, celui des citoyens, même s’ils n’ont pas des patres, des ancêtres connus, comme ceux qu’on appelait les patriciens.

Et pourquoi donc le peuple, le populus, devrait-il par essence être le vulgus du bobo, pourquoi devrait-il être condamné à être enfoncé toujours dans la vulgarité, pourquoi ne faudrait-il lui laisser que cela ? Et pourquoi être près du peuple voudrait-il dire être vulgaire plutôt que brillant ? Pourquoi le peuple n’aurait-il pas le droit à tout ce qu’il y a de plus beau, de plus raffiné, de plus lumineux, de plus éclatant et mystique ? Oh ! il ne s’agit pas de lui infliger pour l’exclure hypocritement, comme c’est à la mode, les pires pédanteries ou les horreurs savantes de l’art ministériel, cette cuistrerie perfusée de subventions qui s’acharne depuis cinquante ans à détruire et déconstruire pour ne rien reconstruire ou à cultiver la laideur sous toutes ses formes !

Non, mais le devoir, l’intérêt même d’une démocratie, si elle ne veut pas finir dans le panem et circenses, puis dans la tyrannie la plus veule, c’est d’élever l’esprit du peuple, dans tous les domaines, c’est de le traiter en populus, et non en vulgus. Un peu comme dans la France au confluent des XIXe et XXe siècles, jusque dans les années 60, avant la destruction de notre école par les pédagogues post-68, quand les enfants du peuple parvenaient au moins à trouver, par leur mérite et avec l’aide d’instituteurs dévoués, une ascension sociale et un développement personnel jamais connus. Albert Camus l’a assez dit, jusque dans son discours de remise du prix Nobel.

Oh ! il ne s’agit pas de « cacher ce sein que je ne saurais voir ». La sexualité, souvent mise au centre de la vulgarité, ne l’est pas forcément. Elle porte la vie, elle en fait partie. La chair est triste, certes, mais elle peut devenir sublime si elle est transcendée par la force de l’esprit.

L’esprit rabelaisien, auquel on relie un peu complaisamment celui de Charlie Hebdo, n’est pas vulgaire, il est drôle, il est gigantesque, il est rabelaisien. Charlie Hebdo est quelquefois drôle, mais le plus souvent sinistre et tristement vulgaire, d’une vulgarité provocatrice venue d’un bourgeois mythologique des années 70.

Donc provoquons mais dans l’élégance, soyons percutants dans la vérité. Nobles, aimons le peuple, donc donnons-lui le meilleur, au lieu de cultiver le vulgaire qui est en lui. Donnons-lui, mais dans la simplicité de l’esprit, l’intelligence la plus subtile : heureux les simples en esprit, ils élèvent le monde.

Cessons d’être Charlie, soyons Mgr Myriel, l’évêque des Misérables de Victor Hugo : il ne traite pas Valjean en vulgaire mais en égal, il lui donne dans l’élégance ce qu’il a de plus beau, il rachète avec la lumière de ses deux chandeliers d’argent l’âme d’un pauvre forçat !

Jean-Pierre Pélaez
Jean-Pierre Pélaez
Auteur dramatique

Vos commentaires

16 commentaires

  1. Tout est venu du blasphème. Dans la même émission CNEWS, certains invités ont a ce sujet glorifié « la liberté d’expression » mais en se gardant bien d’en définir les limites . Et la plus énorme des limites en laïcité, ce sont ses propres lois sur lesquelles bute cette liberté d’expression. Depuis que la macronie règne , cette liberté est de plus en plus encadrée, pour ne pas dire restreinte. La preuve la plus flagrante, même les humoristes marchent sur la pointe des pieds dans la préparation de leurs textes. Pour en revenir à ces lois laïques. Il suffirait que ce mot « blasphème » entre dans une loi qui en interdirait l’exploitation pour que cette fameuse « liberté d’expression » change subitement d’odeur, de couleur. En conclusion, en matière de liberté d’expression, restons réservés. Elle est trop soumise aux dictats des dirigeants et de l’air du temps, que ce soit en régime démocratique ou pas.

  2. Toujours pareil avec ces gens, seul ce qu’ils appellent la « liberté d’expression compte ». Ils n’ont aucune notion du respect dû à l’autre. Un grand principe leur manque : « la liberté des uns s’arrete là où commence celle des autres. Peu leur importe de blesser moralement quequ’un. Mais que diraient-s’il prenait l’envie à un dessinateur de caricaturer leur mère ou leur sœur en train de se faire « empaler » par un « barbu »… ? Il seraient outrés qu’on puisse ainsi de moquer de ce qu’ils ont de plus cher. Quand ça ne les concerne pas, tout est permis, mais s’ils sont, ou ceux qui les entourent, l’objet de sarcasmes c’est une insulte…

    • Parce ceux -adeptes d’une certaine religion- qui sont concernés vous respectent ainsi que vos proches, ainsi que les nôtres en général ?
      Comment ces gens qualifient-ils les femmes qui ne se plient pas à leurs lubies à doter de bien des qualificatifs, ceci même en France ?
      Navré, mais de ma part, AUCUNE CONCESSION !

  3. Pour «  faire peuple » les bobos s’habillent comme des gueux parlent comme des malfrats et ne savent pas s’exprimer sans référence au sexe et au vulgaire. Entre le fait d’écraser les autres par son bling bling et celui de les humilier en prétendant les copier pour se mettre à leur hauteur, il y a un juste milieu celui du tact et de la bonne éducation mais ces qualités appartiennent à tous les étages de la société et on constate malheureusement que ce n’est pas en haut de l’échelle qu’on montre l’exemple .

  4. Beau parallèle entre Rabelais et Hugo, maîtres incontestés de l’exagération tonitruante . Je pense encore aux promesses de la TV -lors de sa création- pour l’amélioration culturelle du populus . Magnifique programme auquel j’ai cru. Pourtant c’est le vulgus qui l’a emporté haut-la-main et rapidement. Pauvre de nous, le parler qu’on y subit désormais nous aurait empêchés de rentrer en classe de sixième en 1945 . Charlie a de beaux jours devant lui !

  5. Je ne suis pas un intellectuel, mais quand je vois ces bourgeois s’extasiaient devant des âneries, alors que ça ni queue ni tête. J’estime que BREL avait raison dans sa chanson .les Bourgeois, c’est comme les cochons.. Quand je ne comprends pas un artiste, je m’interroge, suis-je tellement bête que cela n’éclaire pas mon âme, peut-être. Mais je me refuse à moutonner.

    • Je vous approuve . Cette mode du bas et du vulgaire pour faire « celui qui sait tout « et qui est « dans le vent du progrès », à l’image d’officiers ou toubibs se vautrant dans le stupre via un langage de charretiers en même temps que dans le mépris et la moquerie – finalement bête- : ça me révulse…

    • J’approuve largement. Je n’ajouterai qu’un merci à monsieur Jean-Pierre Pélaez pour cette excellente remise au point.

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