C’est une histoire comme on les aime, de celles qu’on racontait autrefois dans les chaumières, en épluchant les châtaignes au coin du feu. Il faut dire que c’est beau comme une série de Netflix. D’ailleurs, qui sait, l’histoire de « Mambi Diakité qui plongea dans la Seine pour sauver un chien » sera peut-être un jour sur nos écrans.

C’était vendredi dernier, sous les ponts de Paris. Mambi, dit Momo, roule à vélo lorsqu’il entend des cris : un chien dérive au fil de l’eau. Un attroupement s’est formé autour de son maître éperdu. Momo n’écoute que son courage : il pose son vélo et plonge dans l’eau glacée. Le Parisien a déjà écrit le pitch : « Des cris affolés, un chien en train de s’épuiser contre le courant trop fort qui l’empêche de regagner la berge, un homme tétanisé de peur en assistant à la noyade de son animal… et puis soudain, une silhouette qui s’élance, plongeant dans l’eau glacée de ce vendredi d’hiver, nageant les quelques mètres jusqu’au chien affolé, le tenant hors de l’eau, luttant de toutes ses forces contre froid et remous. »

Les pompiers, alertés, arrivent très vite. Leur caserne est une péniche amarrée sur la rive opposée. Ils sauvent le héros, le maître et son chien. Direction l’hôpital : « Momo ne perd pas connaissance mais ses 10 minutes dans l’eau glacée ont fait chuter sa température à 32,8 degrés. » Momo est un gaillard de 28 ans. Il récupère vite. Alors, « quelques jours après son acte courageux, qui lui a valu une hypothermie, quelques heures d’hospitalisation et le vol de son vélo, Mambi Diakité est retourné au quotidien précaire d’un demandeur d’asile déterminé à trouver sa place en France, qui rêvait d’intégrer la Légion étrangère ou la Brigade des sapeurs-pompiers. »

Je ne suis pas scénariste mais je peux écrire la suite : soutenu par « maman Ghislaine », la retraitée qui l’aide dans ses démarches et vient de lancer un appel pour qu’il récupère un vélo, Mambi Diakité sera reçu à l’Élysée et décoré de l’ordre du Mérite civil. À la veille des élections, c’est un petit ruban bleu qui peut rapporter gros à celui qui l’épingle. Il se peut, alors, que le valeureux Momo croise des parents endeuillés, la famille d’un soldat mort au Mali par exemple, car parti sauver ceux que Momo a quittés dans l’espoir d’une vie meilleure à Paris. Ou, mieux encore, peut-être croisera-t-il entre deux portes notre ambassadeur qui vient, lui, de se faire jeter comme un chien ?

Qu’en dit-il, le courageux Mambi Diakité ? Qu’en disent-ils, tous ces gens qui s’émeuvent du sort de « ce jeune Malien recalé du droit d’asile » ? « Il faut faire quelque chose pour lui. Il est courageux, valeureux, honnête, travailleur ! Sa vie est difficile, il est hébergé mais trouve difficilement du travail, puisqu’il est sans-papiers », dit sa bonne fée Ghislaine.

À défaut d’une série télévisée, voilà donc une parabole. C’est l’histoire d’un chassé-croisé où des Français valeureux vont donner leur vie pour sauver des Maliens qui, eux, n’ont qu’une idée : fuir leur pays.

Mambi Diakité est valeureux, lui aussi, cela ne fait pas de doute. Pourquoi, alors, ne se bat-il pas pour son pays ? Il rêvait, nous dit-on, d’intégrer la Légion étrangère ou la brigade des sapeurs-pompiers. Et pourquoi pas l’armée malienne ou les pompiers maliens ? Pourquoi les plus entreprenants de ces jeunes Africains désertent-ils leurs pays ? Pourquoi accourent-ils ici, dans cette France que tant de leurs compatriotes prétendent vomir, la rendant responsable de leur misère ?

En 2020, l’opération Barkhane a coûté 880 millions d’euros aux contribuables français, à quoi il faut ajouter l’aide française au développement dont le Mali est le grand bénéficiaire (206 millions en 2019). Pour quoi faire, tout cela ?

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02 février 2022 à 15:39

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18 commentaires

  1. Les faits-divers ponctuels ne peuvent occulter le drame global que nous vivons et qui se joue sous nos yeux ! D’un coté un ambassadeur qui se fait jeter comme un illégal d’un pays d’où viennent des millions de sans-papiers qui sont reçus comme des ambassadeurs… Cherchez l’erreur !

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