Qui a dit : « Le tribunal a une nouvelle fois prouvé qu’il est un organe politique et pas une institution judiciaire »  ? Benyamin Netanyahou, Premier ministre israélien, qui manifeste son agacement pour crime de lèse-souveraineté contre une décision de la Cour pénale internationale (CPI), sise à La Haye, en Hollande méridionale, qui est, comme chacun sait, le pays du gouda. Mais pourquoi en fait-il un fromage ?

En janvier 2015, l'Autorité palestinienne est devenue officiellement le 123e État membre de la Cour. Tout en s’exposant lui-même, du fait de son adhésion, au même type de poursuites pénales, « l’État palestinien » allègue que des crimes de guerre ont été commis par les Israéliens dans les territoires occupés pendant la guerre de Gaza en août 2014. Un rapport d’Amnesty International (29 juillet 2015) accuse cette campagne de l’armée israélienne d'avoir engagé des « attaques disproportionnées » et « aveugles » sur Rafah, ayant entraîné la mort « de dizaines de civils dans leurs maisons », précisant que « dans certains cas, il semblerait qu'ils aient directement tiré sur des civils et les aient tués, y compris des personnes en fuite ». En mai 2018, le ministre des Affaires étrangères palestinien, Riyad Al-Maliki, a officiellement appelé la CPI à l’ouverture « immédiate » d’une enquête sur des crimes présumés envers les Palestiniens, de guerre et d'apartheid : crime contre l’humanité, donc !

Les juges de la CPI ont tranché, ce vendredi 5 février, comme le révèle Le Monde : la procureure gambienne, Fatou Bensouda, pourra enquêter sur les crimes éventuellement commis dans les territoires palestiniens occupés par Israël. On comprend la crispation de Bibi qui estimait, dès jeudi soir, que cette décision relevait d’un « acharnement judiciaire » et qui pestait que le tribunal s’en prenait à Israël « par pur antisémitisme », tout en « refusant d’enquêter sur les dictatures brutales d’Iran et de Syrie, qui commettent des atrocités presque chaque jour ». Certes, parmi les 18 juges actuels de la CPI figurent un Allemand, un Japonais, un Italien et un Hongrois. Ce cher Bibi les prendrait-il pour des suppôts d’un axe Rome-Berlin-Tokyo qui renaîtrait de ses cendres ?

Outrances et colère d’un héritier sioniste, certes ; mais réaction logique selon son idée qu’Israël reste la citadelle assiégée. Alors que son pays même n’a pas adhéré à la CPI, Bibi sait, sans doute, que son argumentation est vaine : qu’auraient à faire la Syrie et l’Iran, qui n’en font pas non plus partie, des leçons de moralité politique d’une CPI arguant du respect des droits occidentaux de l’homme ? Seulement voilà, Israël est une démocratie ; « défaillante » peut-être ; par pragmatisme ; mais démocratie quand même, tenue au grand écart permanent entre les principes d’un État de droit occidental en Orient et les réalités de la guerre.

Alors que les Palestiniens sont les grands perdants moyen-orientaux de la recomposition géopolitique de la zone, depuis la mise en œuvre d’un axe stratégique Jérusalem-Abou Dabi associant l’État hébreu et les émirats sunnites, mais aussi l’Arabie wahhabite, contre le croissant chiite déployé depuis Téhéran jusqu’au Liban-Sud, qu’ils n’ont d’autre recours politique, pour exister, que d’accepter la protection de l’Iran et de la Turquie, qui instrumentalisent leur « cause » pour mieux déstabiliser les régimes arabes et récupérer un leadership régional, la décision des juges de la CPI ne serait-elle pas un ultime ballon d’oxygène pour sauver ce qui peut encore l’être de leur espoir national moribond ? Quitte à nuire, par sa décision légaliste, à la conception opportuniste du « droit des démocraties à se défendre contre le terrorisme » d’un Benyamin Netanyahou.

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07 février 2021 à 20:45

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