Macron et le Venezuela
Il semble que le Président Macron ait un tropisme particulier qui le rattache au Venezuela.
Il s’est dépêché, comme dix-neuf pays de l’Union européenne, de reconnaître le pouvoir insurrectionnel du président de l’Assemblée nationale, Juan Guaidó. Il tente même d’en rajouter par des tweets controversés. Quoi que l’on pense de l’exercice du pouvoir par le président Maduro, cette prise de position bruyante de Macron constitue une ingérence dans les affaires d’un pays souverain, interdite par l’article 2-7 de la Charte des Nations unies.
Dans ce genre de circonstance périlleuse, ce pays étant au bord de la guerre civile, une certaine retenue nous eût paru préférable.
En d’autres temps, la France aurait pris une position plus nuancée lui permettant, le cas échéant, de proposer sa médiation. Nous en sommes loin : le président de la République s’aligne, une fois de plus, sans nuances sur celle des États-Unis, à la manœuvre pour reprendre le contrôle d’un pays stratégique qui dispose des premières réserves pétrolières du monde. Servilité ou réflexe pavlovien d’assujettissement ? Comme on le dit de plus en plus dans la sphère internationale, la voix de la France est devenue la voix de son maître. Mais qui écoute encore le Président Macron ?
Encore le Venezuela : quand Macron était ministre de l'Économie, il exerça une forte pression en faveur de la vente de la division énergie d’Alstom à General Electric ; ainsi que cela fut rappelé dans les auditions devant la commission d’enquête de l’Assemblée nationale, alors que beaucoup étaient réticents devant cette cession qui devait mettre fin à l’indépendance énergétique de la France, et particulièrement à la pleine maîtrise de notre filière nucléaire civile et militaire, le jeune ministre emportait la conviction, reléguant aux orties toute idée de politique industrielle par cet argument qui se voulait frappant : on n'est "pas au Venezuela".
Défendre ses intérêts, avoir une pensée stratégique sur le devenir de son économie, spécialement de ses industries liées à la défense, serait pour Macron le propre du Venezuela (celui de Chávez et de Maduro), comme si les États-Unis et toutes les grandes puissances d’Europe et d’Asie n’avaient pas le souci de préserver leur industrie, spécialement leurs industries stratégiques. Le malheur est que cet argument débile a emporté la conviction.
À supposer que Nicolás Maduro défende l’intérêt national du Venezuela (ce dont on peut douter), ce serait là, dans la vision de Macron, le crime suprême. Cette algarade lamentable nous fait toucher du doigt ce qu’on reproche au Venezuela de Maduro : non point de mal se gouverner mais de vouloir rester indépendant, de vouloir défendre ses intérêts, voire d’exister. Avec Macron, c’est un reproche qu’on ne risque pas de faire à la France.
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