Le député Aurélien Taché vient de quitter le parti présidentiel à grand fracas médiatique. Un ouragan dans un gobelet de bière tiède ? Pas loin. Certes, le danger pour LREM est de ne plus détenir à elle seule la majorité absolue à l’Assemblée. Mais entre le MoDem et les LR du canal « constructif », il y a de la marge, tant ce marais dispose de ressources humaines a priori inépuisables en matière de figues molles et d’andouilles blettes.

Pour microcosmique qu’elle soit, l’affaire fait malgré tout quelque bruit, tant celui des ricanements peut porter loin. Ainsi, Marie-Christine Verdier-Jouclas, porte-parole du groupe LREM, affirme-t-elle, dans L’Express de ce lundi 18 mai : « Je ne comprend ni son départ, ni la création d’un neuvième groupe dissident. […] Aurélien Taché dit qu’il part car il est de gauche : c’est du grand n’importe quoi ! » Un « neuvième groupe dissident » au Parlement ? Ça commence effectivement à faire beaucoup, même chez les adorateurs du pluralisme roi.

Au fait, qui est cet Aurélien Taché ? À l’origine, une sorte de caution électorale et médiatique de cette fameuse « France d’en bas », jadis théorisée par ce brillant dialecticien qu’est Jean-Pierre Raffarin. Enfant de fonctionnaires et titulaire d’un apprentissage en plomberie - noble métier s’il en est -, Aurélien Taché rejoint tôt l’UNEF, la pouponnière du Parti socialiste, dont il incarne l’aile cool, éprise de diversité avant-gardiste, de multiculturalisme de combat et d’écologie de progrès. Bref, une « belle personne », comme on dit chez nos confrères de Télérama.

Quand Manuel Valls est nommé à Matignon, sous le règne de François Hollande, il frise la crise existentielle. Heureusement, Emmanuel Macron se lance dans la course à l’Élysée. Taché fait partie des premiers ralliés, espérant incarner « les aspirations populaires écologiques et de diversité », même si ces « aspirations » ne sont pas forcément « populaires » dans la majorité silencieuse et invisible. Dommage qu’il n’ait pas persévéré dans la plomberie, il en aurait plus appris sur le sujet que sous les lambris des antichambres du pouvoir. Et cela lui aurait même peut-être permis d’éviter de divaguer sur la question du voile islamique qu’il compare au « serre-tête catholique », ce qui démontre l’étendue de ses connaissances en matière religieuse.

Dans la foulée, il défend la commercialisation du « hijab de running », ce qui est assez logique pour un libéral-libertaire appelant de ses vœux une société de marché dans lequel l’islam a vocation à n’être rien d’autre qu’un simple produit de consommation. Le tout étant évidemment décliné sur l’appel à ouvrir grand les portes aux « migrants », eux aussi réduits à l’état de seules marchandises. Bref, ses revendications n’ayant manifestement pas été assez entendues en haut lieu, Aurélien Taché boude, estimant que l’actuel gouvernement pencherait trop à droite, ce qui est une façon comme les autres de considérer les choses.

Il est vrai que, l’actualité aidant, la Macronie est plus tentée de resserrer les boulons en interne et d’en revenir à ces fondamentaux régaliens, hier bons à jeter aux orties, mais qui paraissent aujourd’hui retrouver quelque lustre, plutôt que de spéculer sur la mondialisation heureuse et la start-up nation, façon France Incorporated.

En ce sens, le départ d’Aurélien Taché est plutôt une bonne nouvelle pour l’Élysée et Matignon, aidant à faire un peu oublier ce passé pas si lointain où notre trublion se félicitait que le programme de LREM pour les élections européennes de 2019 puisse consister à « transférer une grande partie de la souveraineté nationale au niveau européen » tout en proposant que la France puisse abandonner son siège au Conseil de sécurité de l’ONU au profit de la puissante Allemagne.

Cette péripétie de la future ex-majorité parlementaire peut évidemment paraître anodine. Il existe néanmoins des non-événements assez parlants.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 20/05/2020 à 16:20.

5695 vues

18 mai 2020 à 17:18

La possibilité d'ajouter de nouveaux commentaires a été désactivée.