Jeff Koons condamné en France pour contrefaçon ; le Centre Pompidou complice

jeff koons

C’était en 1985 - il y a des siècles de cela -, la marque de prêt-à-porter Naf Naf lançait sa campagne sur le thème « Naf Naf, le grand méchant look ». Le publicitaire Franck Davidovici déclinait des saynètes, dont Fait d’hiver, mettant en présence une jeune femme et un charmant petit goret tout rose, le cou ceint d’une écharpe noire et portant quelquefois sur le groin une paire de lunettes noires façon Lagerfeld.

Un thème qui plut beaucoup à l’ineffable Jeff Koons puisque, trois ans plus tard, en 1988, il présentait au monde ébahi une œuvre en porcelaine, intitulée elle aussi Fait d’hiver, mettant en scène une femme et son petit cochon de compagnie, le cou ceint d’une écharpe noire… Un hasard.

L’affaire se serait peut-être arrêtée là si ce monument de l’art contemporain n’avait été exposé par le Centre Pompidou dans la rétrospective consacrée à l’artiste en 2014.

Une rétrospective très contestée, nombreux étant ceux dénonçant alors une pure opération de marketing destinée à gonfler encore un peu plus les chiffres de vente de « l’artiste le plus coté du marché ». C’est d’ailleurs dans cette optique qu’il faut aussi considérer le « cadeau » fait par Jeff Koons à la France en 2016, à savoir un gigantesque bouquet de tulipes en acier aux couleurs acidulées. Officiellement, Jane Hartley, alors ambassadrice des États-Unis en France, voulait, « par un geste spectaculaire, marquer les liens profonds entre les deux pays » après les attentats de novembre 2015. Le nom de Jeff Koons fut alors suggéré par… ses galeristes parisiens.

Un cadeau empoisonné, en vérité, puisque la réalisation de ces fleurs du mal (12 m de haut, 8 m de large, 10 m de profondeur) était à la charge des Français, Anne Hidalgo, maire de Paris, envisageant même de défigurer le site de Chaillot en les y installant. Elles sont aujourd’hui ancrées derrière le Petit Palais, heureusement invisibles depuis l’avenue des Champs-Élysées quand les arbres sont feuillus. Le coût de réalisation (3,5 millions d’euros) de cet « emblème d’un art industriel, spectaculaire et spéculatif », a été pris en charge par le mécénat privé. Autant dire que le retour sur investissement pour ledit Jeff Koons et ses marchands est incalculable…

Ses équipes se sont creusé la tête pour trouver un message bidon à coller sur leurs tulipes. Censé commémorer les attentats du 13 novembre, le bouquet de 12 tulipes n’en contient que 11 « pour signifier la perte de la France face à la barbarie ». Quand on manque d’imagination, il faut savoir baratiner.

Manque d’imagination, en effet, et Jeff Koons ne s’en cache pas, revendiquant même une démarche d'« appropriation » dans son travail, chose que les mauvais esprits appellent trivialement « plagiat ».

Un plagiat, c’est exactement ce que lui reprochait Franck Davidovici et la Justice lui a donné raison. Après un jugement en première instance, en novembre 2018, condamnant Jeff Koons et le Centre Pompidou à verser conjointement 135.000 euros de dommages et intérêts au publicitaire de Naf Naf, l’affaire vient d’être rejugée en appel. On apprend, dans Le Figaro, que la cour « interdit à l'artiste d'exposer cette sculpture en porcelaine de 1988 qui porte le même nom et de la reproduire, notamment sur Internet, sous astreinte de 600 euros par jour, à compter d'un mois après la décision ». Le montant des dommages et intérêts a été porté à 190.000 euros et la société de Jeff Koons a également été condamnée à « payer 14.000 euros pour avoir reproduit la sculpture sur le site Internet de l'artiste (11.000 euros en 2018) ».

Si l’Histoire doit retenir le nom de Jeff Koons, ce n’est certes pas pour ses œuvres reproduites à des millions d’exemplaires et vendues dans les bazars mais bien parce qu’il est l’emblème d’un temps où le monde de l’art est totalement perverti par le marché.

Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

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