Impuissance de l’État : les citoyens peuvent-ils se faire justice eux-mêmes ?

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Il était tôt, ce dimanche matin, dans cette commune du Nord, quand résonnaient déjà les crissements de pneus et les rugissements des moteurs.

À 6 heures du matin, il était décidément beaucoup trop tôt pour une vingtaine de riverains. Après avoir appelé et attendu la police, ces riverains en ont eu assez. Ils se sont saisis de battes de baseball et ont mis fin, eux-mêmes, aux nuisances, molestant un des auteurs du rodéo urbain. La police, une fois arrivée sur place, n’a pu que constater que son travail avait été fait. Aucune interpellation n’a eu lieu.

Justice d’hier et justice de demain ?

L’histoire de la justice est une lente délégation de la violence privée des citoyens à l’État. Avant l’an 1000, à une époque où il n’y avait pas d’État, la justice était une affaire privée. Si vous ou quelqu’un de votre clan subissait une attaque, vous répondiez par la vengeance en attaquant l’auteur de l’offense ou un autre membre de son clan. Mais progressivement, la justice publique a offert un mode pacifique de règlement de ces conflits. Les citoyens acceptaient de ne pas se faire justice eux-mêmes et, en échange, la justice promettait d’offrir des règlements équitables.

De cette évolution a résulté une pacification inédite dans l’Histoire, et c’est une très bonne chose. Le nombre d’homicides a drastiquement diminué, passant d’environ 20 pour 100.000 habitants à moins de 2, aujourd’hui, dans tout l’Occident.

Mais, depuis quelques décennies, la Justice ne remplit plus sa part du contrat. Trop pauvre et surtout trop idéologue, trop hors-sol, la Justice ne punit plus les délinquants et les criminels. C’est un sentiment diffus au sein de la population, difficile à prouver par d’éventuels chiffres, mais partagé par 81 % des Français qui estiment que la Justice est laxiste.

Pire : alors qu’elle ne tient plus sa promesse de faire respecter la justice, la Justice est impitoyable avec ceux qui tentent de pallier ses insuffisances. Il y a quelques jours, à Mayotte, un quinquagénaire a été condamné à 12 mois de prison ferme pour avoir tiré sur deux voleurs recherchés pourtant par la police… C’est à marcher sur la tête !

L’inexécution d’un contrat entraîne sa caducité

Depuisquarante0 années, la Justice ne remplit plus sa part du contrat et, donc, son cocontractant, c’est-à-dire le citoyen, souhaite de moins en moins remplir la sienne. Et comment l’en blâmer ? Le Code civil lui-même dit, en son article 1217 : « Une partie à un contrat peut refuser d’exécuter son obligation, […] si l’autre n’exécute pas la sienne. »

Cette affaire de Neuville-en-Ferrain illustre cette réaction des citoyens, mais elle n’est pas la seule, ces dernières années. À Roanne, en 2022, un père de famille a retrouvé lui-même l’homme qui a agressé sexuellement sa petite fille. À Nantes, une milice de quartier a organisé des rondes en octobre 2022 après le meurtre d’une femme. Cette milice a même mené une enquête parallèle, interrogeant les riverains et fouillant les poubelles. Cette milice en est même arrivée à arrêter le suspect, à l’interroger rudement puis à le remettre à la Justice…

Pour le citoyen ordinaire, ces épisodes de justice privée sont indéniablement vécus comme un soulagement et agissent comme un exutoire. Mais en réalité, faut-il s’en réjouir ? En effet, que des citoyens soient obligés de se faire justice eux-mêmes acte la fin de la tranquillité à laquelle nous aspirons et pour laquelle nous payons nos impôts.

Mais, in fine, ce n'est pas aux citoyens de se remettre en question. Mais bien à la Justice, en rupture avec ceux au nom desquels elle remplit sa mission et dont découle toute légitimité : le peuple français.

Pierre-Marie Sève
Pierre-Marie Sève
Directeur de l'Institut pour la Justice

Vos commentaires

65 commentaires

  1. II serait souhaitable qu’il y aie (comme dans le film de 1974) un justicier ou plusieurs dans chaque quartier des grandes villes et dans chaque village de France ainsi, le Gouvernement finira peut-être par comprendre qu’il faut rétablir la peine capitale et redonner à notre JUSTICE et à notre POLICE les coudées franches comme autrefois pour qu’ils puissent remplir leur fonction normalement et appliquer à la lettre les règles du DROIT afin d’éviter toutes récidives et pour tenir en respect les potentiels prédateurs.

  2. Quand l’état ne rempli plus ses fonctions, il ne faut pas être surpris par ces situations où le ras le bol l’emporte.

  3. En tous les cas, même si les juges laissent ressortir le coupable, celui qui aura reçu une correction hésitera sans doute à recommencer. La seule question que je me pose est : Comment se fait-il que ces riverains aient des battes de baseball ? Ce serait des pelles, des bêches des balais ça ne m’étonnerait pas mais des battes de baseball ??

  4. Entièrement d’accord avec vous, Pierre-Marie. Le problème n’est pas tant de l’intervention des forces de l’ordre mais c’est l’absence totale de la justice. Chacun a pu constater que les juges sont là pour protéger les coupables et non pas les victimes.
    L’exemple des citoyens de Neuville-en-Ferrain est à suivre sans hésiter. La peur doit changer de camp et tant pis pour les conséquences ! Il nous faut entrer en lutte et cela ne se fait pas sans conséquence.

  5. Les citoyens n’ont pas vocation – et vous le savez très bien, Pierre-Marie SEVE – à se faire Justice eux-même. Et d’ailleurs dans le présent cas, ils ont remis le(s) délinquants(s) à la Police, pas à la Justice; laquelle se fera un plaisir de rappeler ses prérogatives, en cherchant le vice de forme qui remettra le justiciable en liberté… Comme vous le dites si justement, c’est à elle de se remettre en question, et c’est bien la vocation de l’IPJ!

  6. Se rendre justice soi-même va devenir la norme. Le monde de décadence qu’on nous impose nous y contraindra.

  7. Impuissance de l’État : les citoyens peuvent-ils se faire justice eux-mêmes ?
    ##
    Bien sûr que non! Ils n’ont même plus le droit de se défendre quand c’est légitime.

  8. Les institutions et derrière elles, l’État, les politiciens, sont incapables de se remettre en cause. Il en est de la Justice, mais également de tous les autres secteurs. Un exemple : qu’ont-ils appris de la crise du COVID? Rien qui n’ aille dans le sens du bien commun. L’hôpital est toujours par terre. Des lits et services entiers continuent d’être supprimer. La médecine libérale, toujours méprisée est rendue responsable et légitimerait une logique comptable. Les citoyens abandonnés quand ils ne sont pas réprimés se défendent. C’est dans la logique des choses.

  9. Comment ne pas comprendre ces gens excédés par tant de laxisme officiel? Que l’on ne s’y trompe pas, face à la stupide impéritie gouvernementale, de plus en plus de citoyens seront tentés d’assurer par eux-mêmes leur propre sécutité! Rosser des petits voyous n’est qu’une première étape, plutôt réjouissante…Puissions-nous en rester là!

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