Défilé du 9 mai en Russie : derrière les Etats, une guerre de points de vue

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Ce 9 mai, Vladimir Poutine fête la fin de la Seconde Guerre mondiale et la victoire des troupes soviétiques sur leurs homologues nazies. Pourquoi le 9 pour Moscou et le 8 pour nous ? Tout simplement parce que la reddition de l’Allemagne a eu lieu le 8 mai, à 23 heures 01, mais qu’à l’heure russe - décalage horaire oblige -, il était déjà demain. Comme quoi chacun a ses raisons qui lui sont propres et un point de vue qui n’est pas toujours celui de l’autre. Pour résumer, on dira que les deux premières et principales victimes de ces guerres médiatisées – hormis les populations civiles, il va de soi – sont la vérité historique et les plans d’états-majors.

En effet, Vladimir Poutine affirme que ses aïeux ont éradiqué le nazisme. Voilà qui n’est pas faux : c’est l’Armée rouge qui a subi le plus de pertes humaines. Mais c’est aussi oublier que l’URSS, de 1939 à 1941, fut l’alliée du même diable ensuite combattu. Quant à l’Ukraine, victime d’une terrible famine orchestrée par l’oncle Joe – allié tardif de l’Oncle Sam –, rien d’étonnant à ce qu’elle se soit alors en partie ralliée aux envahisseurs nationaux-socialistes.

Aujourd’hui, Vladimir Poutine assure contribuer à la « dénazification » de ce pays frère. Voilà qui fait s’esclaffer l’ensemble de la presse occidentale devant une aussi grossière manœuvre, mais la presse oublie qu’en matière de reductio ad hitlerum, elle ne fut pas la dernière à en rajouter. En matière de violon et flonflons, elle a vu de possibles Führer derrière des personnalités aussi diverses que Gamal Abdel Nasser, Slobodan Milošević, Saddam Hussein, Yasser Arafat, les Le Pen père, fille et nièce, Donald Trump, sans oublier Éric Zemmour, tant qu’à faire.

Pour ce qui relève des mêmes « plans d’états-majors », on sait bien, avec tout le recul nécessaire, que rien ne se passe vraiment tel que les officiers supérieurs à plumes et galons l’avaient tout d’abord prévu. De la Première Guerre mondiale à celle du Vietnam, des conflits menés en Afghanistan par les USA et l’URSS, tout en passant par nos guerres coloniales, telle celle d’Algérie, à l’origine simple opération de pacification, on sait généralement comment ça commence, mais rarement comment ça finit.

Après, il y a l’événement, factuel, et l’idée qu’on peut s’en faire ; ce « point de vue » plus haut évoqué. Dans la psyché européenne, c’est donc la puissante Amérique qui a mis fin au conflit, avec son fameux débarquement en Normandie. Résultat ? En 2019, Emmanuel Macron « oublie » de convier son homologue russe lors des festivités du D-Day ; ce que même son prédécesseur François Hollande n’avait osé faire. Mais il est vrai que l’imaginaire collectif a auparavant été façonné par Hollywood, avec ses films à la gloire de l’héroïsme américain, comme Le Jour le plus long (1962). Il faut attendre 2001 pour que, enfin, un film révèle, pour la première fois à l’écran, la vaillance des soldats russes : le Stalingrad de Jean-Jacques Annaud. Contre Hollywood, la guerre reste asymétrique.

Pourtant, d’autres analyses mériteraient d’être entendues pour retrouver un semblant de raison. Celles du général Christophe Gomart, ancien directeur du Renseignement et des Opérations militaires, par exemple. Interrogé par le mensuel Technikart d’avril dernier, il confirme : « Les méchants sont les Russes et les Ukrainiens les gentils. Ce n’est jamais vraiment comme ça, dans la vie. […] On bombarde Belgrade, on accepte l’indépendance du Kosovo, pour laquelle l’OTAN se bat et intervient, mais on n’accepte pas celle du Donbass. »

Et il donne cette leçon de sagesse, pour finir : « Il ne faut pas uniquement regarder l’histoire du monde avec nos jumelles, mais aussi avec celles des autres, afin de mieux comprendre. […] Nous sommes dans une guerre de communiqués, de désinformation et d’intoxication. » C’est également à cette aune qu’il faut aussi juger ce défilé militaire russe.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

Vos commentaires

24 commentaires

  1. Biden est gaga, mais mouillé jusqu’aux os dans les affaires sales de l’Ukraine. Les Américains ne voient pas plus loin que le bout de leur nez et de leurs dollars. Les Démocrates sont des idéologues woke de la pire espèce. Dans tous les cas, et pas plus qu’en Irak, cette guerre n’est pas notre guerre. Quant à la Crimée, elle est Russe. Et Tout le monde doit savoir que les Russes se feront hacher jusqu’au dernier pour qu’elle le reste. Il vaudrait mieux discuter et négocier.

  2. Une des rares analyses objectives des évènements historiques faie par le général GOMART. Merci mon général. Combien de faux juges ont écouté l’allocution de Poutine le 9 mai, sans l’entendre? La panurgisation des cerveaux m’effare toujours davantage! Kennedy contre Kroutchev en 62 étaot un héros, Poutine contre Zelensky en 2022 est un monstre…Il faut dire que Kroutchev n’était pas pianiste;;;virtuose!

  3. Bravo, Mr Gauthier! Enfin une analyse de bon sens en dehors des délires médiatiques hexagonaux….. si notre triste Jupiter pouvait vous lire, rien qu’une fois….

  4. La réalité est toujours plus complexe qu’on ne le dit. La teinture rouge sur un ambassadeur de Russie, à Varsovie, rappelle que ce cimetière militaire est aussi le cimetière de l’insurrection de Varsovie où sont enterrés des centaines de scouts de moins de vingt ans, et le lieu du monument de Katyn où est commémoré la mort de milliers d’élites Polonaises (ingénieurs, militaires, professeurs -on sait maintenant 21000), exécutés par l’armée rouge d’une balle dans la nuque. Qui le sait encore ?

  5. « En effet, Vladimir Poutine affirme que ses aïeux ont éradiqué le nazisme. »

    Et c’est vrai

    Par contre, tenter d’amalgamer l’URSS avec la Russie sur le plan de l’idéologue et de la politique est grave, me semble t-il

    • Oui, vous avez raison mais pour des raisons évidentes les USA ont tendances à rappeler l’URSS plutôt que la Russie pluriséculaire.

  6. N’oublions pas la déception marquée des média pour un discours très calme de Poutine qui met pourtant les pieds dans le plat, en expliquant les raisons factuelles de déclenchement de l’opération pour défendre la Fédération de Russie contre l’Otan… Et qui ne déclare pas la guerre! Tellement promise par nos Gamelin va-t’en guerre de plateaux! Et le fait que l’Ours n’est toujours pas menacé du nucléaire… Quelle déconvenue!

  7. Hollywood fut et est encore un précieux allié de l’OTAN…
    La haine US contre la Russie est endémique et puise ses racines loin dans l’histoire. Le fait que les Américains se soient entendus avec Staline pour se partager l’Europe ne change rien à l’affaire…

  8. Très beau défilé ,très bon discours et agréable concert .j’ai remarqué comme chaque année beaucoup de gens âgés dans les tribunes .voilà qui est réconfortant pour les russes .chez nous on reparle d’euthanasie ´contrôlée «  toutefois ..bravo .

  9. L’occident monopolisait entre 20 et 30% des forces de l’ Allemagne nazie. L’Amérique a fourni du matériel à Staline. Avions de 2 ère choix camions etct… Staline a fourni la chair à canon pour épuiser l’allemagne Les pertes américaines en Normandie ne représentent pas grand chose à côté de celles de la seule raf pendant le conflit Les soviétiques ont payé très cher cette victoire. Seule l’industrie américaine en a tiré bénéfice. Jusqu’en 44 Rockfeller a vendu du pétrole aussi nazis.

    • ne pas oublier non plus que c’est IBM qui a fourni durant toute la guerre des cartes mécanographiques au service de renseignements et de la SS (pour les statistiques et les transports de la Reichbahn ) en passant par la Suisse. qui ose en parler (lire IBM et l’holocauste de Edwin BLACK°

  10. Les guerres finissent toujours par l’action des politiques, du moins celles que la France a mené depuis quelques décennies.Encore faut il le vouloir .Les dernières déclarations de notre reconduit à Strasbourg ou à Berlin sont éloquentes de son incapacité à choisir une voie qui ne soit pas une voie de garage pour nous.

  11. Concernant le pacte germano-soviétique, il pouvait sembler logique au départ. Que les républiques SOCIALISTES-soviétiques s’allie à l’Allemagne nationale-SOCIALISTE est cohérent. C’est d’ailleurs une des causes de la défaite française en 39, le PCF (avec Thorez) ayant reçu la consigne de Staline de ne pas trop contrarier Hitler et beaucoup de jeunes soldats conscrits français devaient être communistes. Mais ensuite, nul doute que l’URSS a plus fait pour abattre Hitler et délivrer les camps.

    • Il est juste de dire qu’Hitler et Staline étaient SOCIALISTES, et s’ils ont rompu le pacte germano-soviétique c’est parce qu’Hitler a dit je veux être le maître du continent européen et que Staline a dit non, moi je veux être le maître du continent européen. Quant à Hitler il N’A JAMAIS ETE NATIONALISTE, De Villiers le dit bien dans un de ses livres. Le socialisme par essence est MONDIALISTE.

  12. Très bon article
    La culture historique permet de nuancer le jugement
    Il n’en reste pas moins que si les provocations, milices et fausses nouvelles sont bien venues de part et d’autres il y a un pays qui envahit, détruit, tue. Et à Paris un petit homme, signataire et garant des accords de Minsk et président de l’UE, pendu au téléphone, qui a été incapable d’empêcher puis de mettre fin au désastre. Un incapable en tous domaines, réélu par la droite d’affaires et le gauchisme en peau de lapin

  13. Lu dans une histoire mondiale du communisme de Thierry Wolton qu’à la fin de la guerre 39/45, les français pensaient majoritairement que l’Urss avait très le national socialisme. Cette majorité s’amenuisait tant la propagande cinématographique us avait été puissante.

  14. Tout à fait !
    Nous sommes dans un tourbillon médiatique de désinformation pour nous faire tourner la tête et perdre tout repère sur l’exacte situation dans laquelle nous sommes.
    Covid, pandémie, Ukraine, situation économique, élections, tout est fait pour que l’on y comprenne rien.
    Ouvrons les yeux et informons nous !

  15. Ce qui m’a frappé dans ce défilé militaire à Moscou, c’est sa beauté. Il était beaucoup plus beau que notre 14 juillet.

    • à propos de défilé, que je n’ai pas regardé, j’ai coupé, tant ce n’étaient que commentaires anti russes, commentaires notamment d’Ukrainiennes, ou fausses Ukrainiennes vivant depuis des générations dans les beaux quartiers parisiens. Bref, à propos de commentaires, notamment celui du 14 juillet :

      imagine t-on les télés françaises inviter des anti militaristes pour commenter le défilé du 14 juillet ? Non
      c’est ce qu’elles ont fait pour commenter le défilé de Moscou, inviter de Ukrainiennes

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