C’est déjà assez le bordel comme ça…

Philippe Martinez

« Le gouvernement organise le bordel », accuse le patron de la CGT, Philippe Martinez, dans Le Journal du dimanche du 29 décembre. Toujours la même question : qui a fait l’œuf, qui a fait la poule, dans cette histoire ? On sait, de toute façon, pour qui sera l’omelette.

C’est curieux, comme un mot peut signifier une chose et son contraire. C’est le cas du mot « bordel ». Les bordels étaient, dit-on, une institution très organisée avec sa hiérarchie, ses règles, ses tarifs, ses horaires, ses réseaux aussi. Ça filait droit comme au régiment. Du reste, les armées en organisaient en campagne. Ceux qui défendent la réouverture de ces maisons, interdites en France depuis 1946, diront même que depuis leur fermeture, c’est le bordel le plus complet. Plus de bordels en France, mais le bordel est partout : sur le périph, dans mes papiers, mes comptes, sur mon bureau, dans ma vie, ma tête, ta chambre. Quel bordel, ce pays, cette administration, ce carrefour ! Le bordel peut être doux, ambiant, total, de m... Vous allez vite me le ranger, sinon… « Et la tendresse ?... Bordel ! », s’exclamait-on au cinéma des années Giscard. Les bidasses traversaient la ville nuitamment, du quartier de la gare à celui des casernes, en hurlant « La quille, bordel ! »

Mais maintenant que nous sommes devenus un peuple évolué et policé, ne faudrait-il pas réfléchir très sérieusement à bannir définitivement ce vilain mot de notre « espace sociétal » ? Un mot qui entretient dans son ambiguïté l’idée que la soumission de la femme, dans ce qu’elle a de plus abject, avait un côté sympathique, léger et délicieusement… bordélique. On dirait quoi, alors ? Le bazar ? Par exemple. « Le gouvernement organise le bazar », s'exclamerait M. Martinez. Mettons que c’est moins vulgaire. Mais, là aussi, c’est pareil : est-ce qu’un bazar est forcément le bazar ? Allez à celui de l’Hôtel de Ville et vous verrez que c’est le contraire, que tout est à sa place, bien comme il faut. Qu’au rayon bricolage, on ne trouve pas de porte-jarretelles, même si on peut trouver de jolies bricoles au rayon lingerie féminine. Et Michel Fugain vous dirait peut-être que son Big Bazar, sous ses airs foutraques, ça tournait comme à la parade.

Alors, le souk ? Ça se dit aussi, le souk. Oui, mais non. On va dire qu'on risque de stigmatiser, et tout ça. C’est déjà assez le bordel comme ça.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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