Ce que nous dit l’affaire Jacob Blake des USA

JACOB BLAKE

C’est peu de prétendre que la mort de Jacob Blake, Afro-Américain, frappé de sept balles dans le dos par des policiers de Kenosha (Wisconsin), n’en finit plus d’enflammer les rues et les esprits américains.

Rappelons les faits. Les forces de l’ordre, qui reçoivent un appel téléphonique d’une femme s’inquiétant que son petit ami – Jacob Blake, donc – soit chez elle alors qu’il ne devrait pas s’y trouver, interviennent aussitôt. L’homme de 29 ans refuse de se laisser maîtriser, malgré un coup de Taser™, assure posséder un couteau et se précipite ensuite dans sa voiture. Il est à moitié allongé sur le siège du conducteur et les policiers ne voient que son dos. Sept balles plus loin, Jacob Blake est à l’hôpital, dans un état plus que grave.

Pour qui connaît un tant soit peu le mode opératoire de la police américaine, il ne s’agit malheureusement que d’un banal fait divers. En effet, faut-il savoir qu’en cas de contrôle, le suspect est tenu là-bas de toujours montrer ses mains et de ne jamais tourner le dos à l’uniforme. Aux USA, une majorité de citoyens est armée et une arrestation peut toujours tourner au drame pour les policiers ; d’où cette habitude que ces derniers ont de tirer d’abord au moindre geste suspect. Cela, Jacob Blake ne pouvait l’ignorer.

Pour aggraver son cas, il suffit de le voir en photo, avec dreadlocks et casquette de baseball vissée sur la tête, pour comprendre qu’il ressemble plus à un membre de gang qu’à un expert-comptable. En écrivant cela, il n’est évidemment pas question d’excuser mais d’expliquer pourquoi des policiers, souvent à cran et eux aussi taraudés par la peur, peuvent se comporter de la sorte.

Après, il est un autre fait tout aussi avéré que les USA n’ont jamais véritablement réussi à régler leur question raciale, sachant qu’après l’abolition de l’esclavage, en 1865, la ségrégation a perduré jusqu’en 1965. Une fois de plus, rien de commun avec notre histoire dans laquelle l’esclavage, ne concernant que nos possessions d’outre-mer, n’était que marginal avant d’être une première fois aboli en 1794 et de l’être définitivement en 1848. En ce sens, nos indigénistes sont aux Noirs américains ce que C. Jérôme pouvait être à Frank Sinatra.

Le dernier fait, encore avéré, c’est que Black Lives Matter ne représente qu’une petite partie d’une population noire dont la majorité des membres n’aspire qu’à cette vie tranquille qu’est censé garantir le fameux diptyque « Law and Order ». La preuve en est que les parents de Jacob Blake, qui assurent sur CNN Donald Trump de leur respect, sont les premiers à appeler au calme et à refuser que ce drame soit instrumentalisé. En l’occurrence, le parti démocrate n’adopte pas forcément la meilleure stratégie en collant à ces émeutiers ravageant, sans ordre de préférence, magasins tenus par des Noirs et par des Blancs.

Pis, ou mieux, c’est selon : il est en train de donner un argument massue au parti républicain et à Donald Trump, à deux mois de l’élection présidentielle. Ainsi ce dernier pourra-t-il – il a, d’ailleurs, déjà commencé – se poser en garant de l’ordre public contre une chienlit généralisée qu’il n’hésite pas à présenter comme prémice à une possible guerre civile.

Cela n’aurait rien d’inédit, Richard Nixon étant parvenu deux fois à la Maison-Blanche, en 1968 et 1972, alors que les USA étaient en proie à une agitation gauchiste sans précédent. On rappellera qu’il pulvérisa ses deux adversaires, Hubert Humphrey et George McGovern, alors qu’il avait l’ensemble des médias, des artistes et des intellectuels contre lui. Donald Trump connaît ses classiques. Joe Biden un peu moins, semble-t-il.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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