[ANIMAUX] Fin des coups de cravache en trot: honneur aux vétérinaires militaires

Les docteurs Georges Joly et Adolphe Guénon furent des précurseurs en matière de bien-être animal.
© Pexels / Ulrick Trappschuh
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Depuis début avril, les coups de cravache sont interdits dans les courses de trot. Selon les consignes édictées par l’Union européenne du trot (UET), la cravache est autorisée seulement « pour donner un signal au cheval, seul un mouvement du poignet est toléré, sans mouvement de l’épaule ni du coude. » Lors d’une course attelée, elle « ne peut être utilisée que dans l'axe du cheval, sans déplacement latéral. »

Le baron d'Anchald, un précurseur

« À mon époque, témoigne une cavalière auprès de BV, on partait du principe que les chevaux avaient le cuir dur et qu’ils sentaient à peine la cravache. » En réalité, nous dit une autre cavalière, « les chevaux sont hyper-sensibles, la preuve, ils sentent une mouche se poser sur eux ! ». Lors des Jeux olympiques de l’été 2024, deux cavalières (l’une britannique, l’autre danoise) ont été suspendues à cause de vidéos où on les voyait cravacher indûment leur cheval. Tout récemment, un vétérinaire de Las Vegas a été filmé par la propriétaire d’un cheval alors qu’il le frappait à coups de pied à la tête. Objet de virulentes critiques après la mise en ligne de la vidéo début avril, le vétérinaire a été retrouvé noyé, il y a quelques jours.

Au début du XXe siècle, le baron d’Anchald, vice-président de la SPA, s’était penché sur les effets des attelages, des colliers, des mors, des fouets. Il a publié une étude de dolorimétrie des coups de fouet donnés aux chevaux qui a reçu une médaille d’or de la Société d’agriculture de France. Il s’est intéressé aux inconvénients des œillères. Selon ses observations, rapportait L’Illustration, « les chevaux munis d’œillères reçoivent de trois à huit fois plus de coups de fouet que ceux qui voient les mouvements de leur conducteur ». Un cheval sans œillères anticipe le geste, ce qui dispense du coup dans bien des cas.

Hippologie militaire et bien-traitance

D’autres précurseurs du combat pour les chevaux sont à chercher du côté des vétérinaires militaires. Ils sont à l’origine de toute une littérature hippologique nourrie par leur expérience de de praticiens et de professeurs. Le Traité d’hippologie de Jacoulet et Chomel, publié en 1900 à Saumur (évidemment!) a longtemps été un incontournable de la discipline.

Un des disciples de Jacoulet à Saumur fut Georges Joly (1860-1920). Il a écrit Les Maladies du cheval de troupe et, surtout, pour le sujet qui nous occupe, De l’intelligence du cheval. « Les procédés de domptage qui ont obtenu le plus de faveur sont bien certainement ceux qui furent les plus doux, les plus inoffensifs », y rappelle-t-il (p. 196). « Il est, du reste, bien prouvé que les cavaliers, conducteurs, cochers, charretiers qui sont, comme le voulait l’abbé Rozier, doux, actifs, vigilants, sobres, patients et forts, obtiennent des résultats beaucoup plus pratiques que les brutaux » (p. 193-194). Georges Joly donne en exemple le « Chuchoteur » lord Sullivan, qui, de la main et de la voix, rendait dociles les chevaux les plus rétifs : Sullivan fut un des modèles du célèbre film L’homme qui murmurait à l’oreille des chevaux.

Le roi des solipèdes

À la même génération, Adolphe Guénon (1856-1910), vétérinaire au 15e chasseurs à cheval, a fait lui aussi l’éloge du dressage par la parole. Cela « supprimerait bien des coups de fouet qui engendrent des souffrances inutiles. […] Il n’est pas nécessaire d’insister sur la supériorité de cette méthode humanitaire ; les chevaux obéiraient ainsi à la parole, de bonne volonté », écrit-il dans L’Âme du cheval (p. 329). Ce titre en dit long sur son amour des chevaux ; la dédicace aussi : « À Sa Majesté le Cheval, Roi des Solipèdes. » Guénon a beaucoup observé la psychologie animale. Il a écrit L’animal est-il intelligent ?, mais aussi un traité intitulé Influence de la musique sur les animaux, en particulier sur le cheval.

Loin des discours parfois hors-sol et idéologiques de certains militants animalistes, ces deux vétérinaires militaires - on en trouverait certainement d’autres - mériteraient, de la part des amoureux des animaux, davantage de reconnaissance et de célébrité.

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Samuel Martin
Journaliste

Vos commentaires

40 commentaires

  1. Je me réjouis de cette interdiction des coups de cravache lors des courses de trot ! Pourquoi seulement le trot ? D’autre part, je salue BV qui publie régulièrement des articles portant sur la cause animale (l’affaire Rillette entre autres) démontrant ainsi que celle-ci n’est pas l’apanage des pastèques ! Enfin, j’approuve totalement les propos de Xavier de FÜRST ci-dessous !

  2. Au siècle dernier les péniches étaient tractées par des chevaux , les mariniers avaient la (mauvaise) de frapper
    les chevaux jus-qua ce que la péniche prenne de l’ère ,c’était tellement violent , que la SPA fut crée .

    • Vous semblez avoir des idées toutes faites sur « ces associations ».
      Les avez-vous seulement connues de près ?
      Mon point de vue : on n’est pas obligé d’aimer les animaux, mais on se doit de les respecter.
      Vous l’aurez deviné, je les aime et les respecte.

    • Exactement, j’ai des animaux depuis ma jeune enfance et actuellement encore deux chiens et trois chats. Je ne suis en aucun cas pastèque mais je suis pour la cause animal et a font. j’aime les animaux et j’ai toujours voté pour le RN mais je pense que je vais voté pour reconquête. Juste pour dire on peut aimer les animaux et être a font pour la droite. Pour moi les écolos c’est jute du pipo.

      • @Christian B.
        Je suis « RECONQUÊTE » mais je suis peinée qu’Eric Zemmour soit en faveur de la corrida.
        Pour la chasse à courre, je ne sais pas quel est son point de vue.
        Pour moi, il n’y a pas de raison de faire souffrir des animaux au nom de la tradition.

  3. C’est évidemment une avancée qui mérite reconnaissance. Malheureusement, il reste à faire dans la maltraitance animale… Les chasses à cours entre autres. Ne parlons pas des abandons jamais sanctionnés ni de l’abattage « rituel », comble de l’horreur. Il faut dire que dans un pays où l’individualisme est devenu la règle, l’attention à l’autre, surtout si il s’agit d’un animal, n’a plus de place.

    • @ Deffy70 : les courses de chevaux ne sont pas nocive pour l’animal, comme toujours ce sont les humains qui s’en servent pour assouvir leurs différents vices : argent, gloire, troc etc… En Mongolie le cheval est une « religion » et la complicité humain animal est la base de leur vie. Pas nécessaire d’aller si loin pour le constater, dans nos campagnes cette complicité existe encore et nombre de travaux sont de nouveau effectuer avec cette dernière. Le secret réside vraisemblablement dans l’amour et le respect de la nature et surtout l’absence de course au fric.

  4. On pourrait aussi supprimer les courses de chevaux. Un cheval, comme tout animal, n’a pas à subir une vie de servitude et d’épuisement pour le plaisir égoïste de quelques-uns. Qu’on se contente de faire courir les humains, on pariera là-dessus.

    • @Jef : la course des humains est déjà en vigueur et les « drivers » sont les politiques et autres fonctionnaires, nul besoin de les inventer. Par contre tout reste à faire côté respect de la nature dans son intégralité : l’humain, le végétal, l’animal… peut être faudrait il reconvertir l’être humain responsable en grande partie de la dégradation.

  5. Les sévices contre les chevaux de compétition et autres sont à la mesure d’une civilisation qui ne se respecte plus. Quand on maltraite les plus faibles et qu’on a peur en permanence de ses semblables vouloir plaider pour les animaux relève de l’utopie.

  6. « Loin des discours parfois hors-sol et idéologiques de certains militants animalistes »… vous auriez pu développer en une ou deux phrases ce que vous considérez hors-sol ! Je suis heureuse que la cause animale touche aussi le milieu hippique, car on sait depuis longtemps que la peau des chevaux est hypersensible et non un cuir dur. C’est certes une avancée, mais je n’en reste pas moins anti courses hippiques à cause des très nombreuses souffrances endurées par les chevaux. Par exemple, pour les poulains, l’accoutumance au mors est un vrai supplice. À l’entraînement, qui va vérifier si le cheval — poulain ou adulte — est cravaché ou subit d’autres mauvais traitements ? Personne. Mais merci, Samuel Martin, pour cet article qui fait quand même un peu de bien.

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