[TRIBUNE] À propos des 95 ans de Jean-Marie Le Pen

jean-marie le pen

C'était, hier, l'anniversaire du « Menhir », célébré dès la veille au soir en présence de son épouse Jany, de quelques joyeux amis et d’une bouteille mathusalem de six litres d’excellent champagne…

Les dernières alertes médicales avaient fait craindre que l’on ne puisse parvenir jusqu’à cet anniversaire, mais il n’en était rien.

Jean-Marie Le Pen ressent, bien sûr, les atteintes de l’âge, mais il conserve toute sa lucidité. Il jette un regard sans complaisance mais sans regret sur son passé, tel qu’il l’a partiellement narré dans les deux tomes de ses mémoires.

Quel destin ! Fils de patron pêcheur dont le bateau avait sauté sur une mine, venu à 12 ans avec sa mère reconnaître le corps de son père sur la grève, pensionnaire au collège des jésuites de Vannes dans le froid et la faim de la guerre ; vivant la Libération dans l’exaltation de la liberté retrouvée autant que dans la réprobation des excès de l’épuration ; « montant » à Paris pour des études de droit qu’il financera partiellement en travaillant comme pêcheur ou comme mineur de fond, il devient président de la « Corpo » de droit, mais quitte le Quartier latin pour s’engager, comme jeune officier parachutiste, en Indochine, par patriotisme et aussi pour combattre un communisme qui ne s’implante partout que par la subversion, la terreur, la guerre, la violence.

À son retour, il est élu plus jeune député de France dans le cadre du Mouvement poujadiste, un mouvement traité avec mépris aujourd’hui par les politologues « officiels », mais qui n’en reste pas moins l’une de de ces tentatives de sursaut qui jalonnent l’histoire de notre décadence.

Jeune et brillant orateur, il quitte son siège du palais Bourbon pour revêtir à nouveau l’uniforme en Algérie. Si celle-ci doit rester française, alors toutes les populations doivent jouir de l’égalité des droits, plaide-t-il constamment.

Le rêve brisé s’achèvera dans l’affreux abandon des harkis et de tous ceux, chrétiens, juifs ou musulmans, qui ont cru en la parole de la France. En 1965, l’avocat Tixier-Vignancour, dont Le Pen organise la campagne, pourtant active et enthousiaste, ne recueille que 5 % des suffrages.

Battu aux élections législatives, comme tous ceux qui désavouent ces reniements, Le Pen entame une « traversée du désert » et fonde une société d’édition de disques historiques souvent primée.

L’inaction scandaleuse de « libéraux » qui ne libèrent rien et de « conservateurs » totalement oublieux des valeurs qu’ils avaient pour mission de conserver le pousse à rentrer de nouveau en politique. Il cofonde le Front national en 1972. Plus rien ne l’arrêtera, malgré des scores qui en auraient découragé plus d’un : 0,74 % seulement à la présidentielle de 1974. Impossibilité d’obtenir, en 1981, les parrainages, dont le nombre est passé de 100 à 500…

Mais Le Pen voit plus loin. Il a mesuré les dangers qui menacent notre civilisation : dénatalité, explosion démographique du tiers-monde, réveil d’un islam agressif, etc.

La suite est mieux connue. Encore qu’il faudra écrire la longue, l’incroyable série d’épreuves médiatiques, administratives, financières, judiciaires, dont le parcours sera semé. Se souvient-on seulement que, naguère, presque toutes les réunions publiques du Front national - réunions légales, autorisées, pacifiques - faisaient l’objet d’agressions physiques en règle ou de tentatives ? Ou qu’une seule de ses apparitions annuelles à la télévision faisait débat dans les rédactions ? « On prétend que je ne voulais pas du pouvoir », m’avait-il confié, un jour, ironiquement, « comme si on me l’avait proposé sur un plat d’argent, et que je l’eusse dédaigneusement refusé ! »

Aujourd’hui, il jette un regard lucide et un peu amusé sur le monde politique, et constate que ceux qui naguère le vilipendaient s’efforcent à présent de parler comme il le faisait. Même l’ancien (?) socialiste Julien Dray, autrefois leader de SOS Racisme, tient parfois des propos qu’il ne désavouerait pas. Il croit la situation favorable à un sursaut, souhaiterait que se fasse l’union de tous les « patriotes » sans exclusive pour enrayer les maux qui frappent notre société, qu’il fut le premier et longtemps le seul à dénoncer, non comme l’imprécateur que certains décrivent, mais en proposant un programme cohérent et précis pour y remédier : trop de fiscalité spoliatrice, trop de bureaucratie paralysante, trop d’immigration incontrôlée, trop d’insécurité prédatrice. Mais aussi : pas assez d’enfants, de familles, de transmission et de respect des valeurs, du patrimoine, des traditions ; pas assez de liberté d’entreprendre, d’indépendance nationale…

Devra-t-il, comme autrefois Alphonse de Châteaubriant, se qualifier d’« inutile Cassandre » ?

Cassandre peut-être ; inutile, certainement pas. Car il reste, en dépit des « dérapages » réels ou prétendus, des péripéties ultérieures, etc., le fondateur et l’organisateur inlassablement persévérant d’un grand mouvement politique, parvenu aux marches du pouvoir, et considéré comme un précurseur et modèle par ceux qui, en Europe, mais aussi en Afrique, en Asie, en Amérique du Nord et du Sud, ont compris qu’en défendant notre identité, nous défendions aussi, implicitement, la leur.

« Autre celui qui sème, autre celui qui moissonne », dit l’Écriture…

Bon anniversaire, Jean-Marie !

Bruno Gollnisch
Bruno Gollnisch
Ancien député, ancien député au Parlement européen

Vos commentaires

23 commentaires

  1. On peut en effet partager ou pas ses idées (cf. Marine), personne ne peut toutefois contester de bonne foi son courage. Mais on doit également saluer celui de M. Gollnisch, son compagnon de la première heure avec quelques autres.

  2. « pour combattre un communisme qui ne s’implante partout que par la subversion, la terreur, la guerre, la violence » Hélas, cette hydre est toujours d’actualité. Mais aujourd’hui on peut y ajouter ceux qui profitent du sillage et de l’adoubement de cette ultra-gauche, c’est-à-dire les islamistes, les wokystes sous toutes leurs formes et avatars, ainsi que les écolos-terroristes. Jean-Marie Le Pen fut/est un visionnaire, un homme lucide. Bon anniversaire !

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