Assemblée nationale : les députés RN évitent le piège grossier des vrais-faux appels téléphoniques

© Geoffroy Antoine
© Geoffroy Antoine

Elles sont au moins trois députées RN, Anaïs Sabatini (Var), Laurence Robert-Dehaut (Haute-Marne) et Christine Engrand (Pas-de-Calais), à avoir reçu, hier soir, dans la soirée, des appels des plus inquiétants. « Un de vos proches est actuellement aux urgences de l’hôpital de X, merci de bien vouloir venir au plus vite... » Des appels malveillants avec a priori un objectif : forcer les signataires de la motion référendaire (les députés du RN, donc) à quitter l’Hémicycle avant l’appel de la motion.

« L’objectif était de pousser une ou deux députées signataires de la motion à ne pas être présentes au moment de l’appel de la motion et, donc, à en entraîner la chute », a réagi Marine Le Pen dans la salle des Quatre-Colonnes, ce matin, à l’Assemblée nationale. En effet, si un ou plusieurs signataires d’une motion référendaire est absent au moment de l’appel, le règlement de l’Assemblée nationale prévoit un rejet complet du texte sans passer par un vote. « C’est d’une bassesse inimaginable », réagit la députée de Haute-Marne Laurence Robert-Dehaut, dont l’équipe a fait le tour des hôpitaux de la région pour vérifier l’information. Rassurée, l’élue haute-marnaise est retournée en séance et a appris que deux autres de ses collègues avaient vécu la même mésaventure.

La manœuvre a choqué jusque dans les rangs de la majorité. La présidente de la commission des affaires sociales, Fadila Khattabi (Renaissance), a pris la parole dans l’Hémicycle hier soir pour soutenir Marine Le Pen : « Nous sommes plusieurs députés à avoir reçu des lettres d’intimidation porteuses de menaces contre notre famille et nos enfants, ce qui est absolument scandaleux !, s’est exclamée l’élue de Côte-d'Or. Dans une République libre et démocratique, les parlementaires n’ont pas à subir de telles pressions au sujet des textes qu’ils examinent. » Un député du groupe RN ironise : « En plus, c’est très sexiste de s’imaginer que seules les femmes seraient sensibles au sort de leurs enfants. Je constate que mes collègues pères de famille n’ont pas été appelés. » L’élue du Pas-de-Calais Caroline Parmentier note « une opération bien montée puisque les prétendus hôpitaux étaient ceux des lieux d’habitation des (députées) concernées ».

Dans l’entourage de Marine Le Pen, on annonce vouloir saisir le procureur de la République et on prévient qu'un dépôt de plainte au nom du groupe du RN sera fait dans la journée. Il s’ajoutera « aux plaintes individuelles des députés concernés », précise l’élue pyrénéenne du RN Anaïs Sabatini. « L’Assemblée nationale sera aux côtés de chaque député menacé. C’est gravissime, honteux et indigne », a réagi, pour sa part, la présidente Braun-Pivet, qui a aussi déploré les tags d’un portail et de la statue sur la place du palais Bourbon par les militantes Rosies d’Attac emmenées par… l’eurodéputée LFI Manon Aubry.

Mais qui est l’auteur de ces appels ? Un canular extérieur à l’Assemblée ? Une manœuvre de la majorité ? De la gauche ? « Je constate que les appels ont eu lieu pendant la suspension de séance, pendant laquelle seule la NUPES avait déserté l’Hémicycle », pointe Anaïs Sabatini.

Si les manœuvres politiques et la tactique cynique ont toujours régné dans les coulisses de l’Assemblée nationale, celle-ci est particulièrement basse. Dans un contexte parlementaire tendu, alors qu’ont débuté hier les débats sur la réforme des retraites, la présidente de l’Assemblée nationale a eu bien de la peine à calmer les esprits d’une NUPES surchauffée. Une ambiance qui avait forcé le ministre du Travail Olivier Dussopt à s’y reprendre à cinq fois avant de commencer son discours. Paradoxalement, le calme était revenu au moment du vote de la motion référendaire du RN qui devait intervenir après une suspension de séance demandée par la NUPES… Laquelle n’est pas retournée siéger. Ainsi, si la motion référendaire du RN a pu être défendue du fait de la présence de tous les députés signataires, elle aura été massivement rejetée par 272 voix contre 101. Outre les voix du RN, la motion a bénéficié du soutien de quelques députés du groupe LIOT emmenés par leur président, le député de la Meuse Bertrand Pancher.

Une défaite comptable plus aigre-douce qu’amère pour le Rassemblement national qui aura finalement réussi sa démonstration : lorsque les députés de Marine Le Pen votent les textes sans se soucier de l’origine de l’émetteur (ils ont, ainsi, voté la motion de rejet préalable portée par la NUPES), la réciproque n’est jamais vraie. Ainsi, le vice-président de l’Assemblée Sébastien Chenu a vivement critiqué « les députés fantômes de la NUPES », absents au moment du vote de la motion référendaire. Pareils à ces invités gênants dont chaque convive se renvoie la responsabilité de l’invitation en oubliant qu’ils sont là et entendent tout, ils laissent la majorité et la NUPES se renvoyer la responsabilité de celui qui fait le jeu de l’extrême droite. Le RN n’ignore pas qu’en entretenant ce débat, ses adversaires font précisément son jeu.

Marc Eynaud
Marc Eynaud
Journaliste à BV

Vos commentaires

38 commentaires

  1. Quand la République a une politique assez délétère, parfois écrasant la constitutionnalité (les confinements), laissant en liberté des criminels même récidivistes, n’appliquant pas strictement la Loi, le Code Civil et Pénal, ayant des prisons surchargées sans que l’U.E. condamne et oblige la France, quand les statistiques de sécurité, d’agressions et crimes contre des femmes sont en hausse jamais atteinte, comment voulez vous que les plus indisciplinés, insoumis, ne se laissent pas aller à ce type d’actions extrêmes

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois