Quand les Chinois jouent au go et les Européens aux andouilles…

jeu de go

Le président chinois Xi Jinping est en visite officielle en France. Ce lundi 25 mars, après un crochet à Monaco, il est arrivé à Paris. C’est dire en quelle estime protocolaire la France est tenue. Nul doute qu’Emmanuel Macron l’alertera, avec vigueur démocratique et mine d’humaniste indigné de circonstance, sur les droits de l’homme dans l’empire du Milieu ; tout comme, à l’occasion d’une récente rencontre avec Vladimir Poutine, sa principale préoccupation semblait se résumer au sort des homosexuels de Tchétchénie.

Tel qu’il se doit, Xi Jinping écoutera poliment : pendant que l’Europe joue aux andouilles, la Chine joue au go, ce jeu d’encerclement que Pékin pratique à échelle planétaire. Traditionnellement, les autres puissances jouent aux échecs ; Russie et USA, principalement. C’est un art de l’affrontement à l’occasion duquel on avance ses pions pour chercher la confrontation. Les Américains instrumentalisent l’islamisme de combat pour contrer l’intrusion russe en Afghanistan, chemin de ces mers chaudes que le Kremlin guigne depuis la nuit des temps. Les Russes font de même de l’irrédentisme sud-américain pour défier la Maison-Blanche jusque dans son arrière-cour caribéenne.

Du temps de leur puissance, les Français agissent de manière similaire, en investissant Maghreb, Proche-Orient et Afrique noire. Il s’agit d’une stratégie frontale, susceptible de déboucher sur des affrontements militaires, guerres de libération généralement, et autres pays tiers devenus terrains de jeux des grandes puissances. Les Chinois, en revanche, pratiquent une autre forme de combat, rarement guerrier. Ils placent juste des pions, comme au jeu de go. Des pions qui, en apparence, n’entretiennent aucun rapport les uns avec les autres. Jusqu’au moment où, de pion en pion, l’ensemble finit par dessiner les contours d’une zone d’influence devenue incontournable. Aux échecs, on est là pour tuer l’autre. Au go, on se contente de se répartir le terrain ; à son avantage, évidemment.

Ainsi, nombreux sont ceux à se demander pourquoi Pékin achète des réseaux électriques (au Portugal) et des ports en Grèce (Le Pirée) et, désormais, en Italie (Gênes et Trieste), tout en investissant massivement dans ceux de l’Afrique septentrionale et en remettant à niveau routes et chemins de fer dans le continent noir. Tout simplement parce que ces pions épars sont en train d’aujourd’hui restaurer ce que l’on nommait jadis la route de la soie, axe économique synonyme de suprématie géopolitique. En Europe, les seuls à l’avoir pour l’instant compris semblent être les populistes italiens. Las de l’impuissance et de l’hostilité de la technocratie européenne, pourquoi ne pas renouer avec la puissante Chine, par ailleurs découverte par l’un des leurs (Marco Polo) du temps de la splendeur italienne ?

D’autres nations - Iran, Israël, Algérie, Hongrie, Serbie, Turquie et d’autres -, de plus en plus nombreuses, ne sont pas loin de faire le même calcul. La puissance américaine est déclinante. Et, donc, de plus en plus agressive. Pis : non content de pratiquer un impérialisme à la fois militaire et commercial, Washington entend, de plus, imposer ses mœurs, ses valeurs et sa culture au reste du monde. Quand l’American Way of Life était incarné par John Wayne et Elvis Presley, cela pouvait demeurer supportable. La Gay Pride et les théories du genre le sont déjà beaucoup moins. "Après avoir été des Gallo-Romains, nous voilà en train de devenir des Gallo-Ricains", note Régis Debray.

Emmanuel Macron sait cet état de fait, en appellant à "une prise de conscience et la défense d’une souveraineté européenne". Mais est-ce en tapant comme un forcené sur les mouvements souverainistes européens qu’il parviendra à cet objectif, évidemment louable ?

En effet, les Occidentaux persistent à raisonner sur ce temps court que viennent ponctuer des élections à répétition, empêchant ainsi toute stratégie à long terme, tandis que Xi Jinping, lui, poursuit un objectif reposant sur un temps autrement moins court : fêter, en 2049, le centenaire de la République populaire de Chine et son accession au rang de première puissance mondiale.

À côté, la dernière fête élyséenne de la Musique avec Kiddy Smile ne paraît pas être tout à fait à la hauteur des enjeux à venir.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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