[UNE PROF EN FRANCE] On ne leur donne pas les règles ?

On m'a envoyé une vidéo en me disant qu'il fallait absolument que je la regarde. Comme je suis une gentille fille, je m'exécute. C'est un long entretien dans lequel un journaliste interroge Aude Denizot, professeur de droit privé à l'université du Mans et auteur de Pourquoi nos étudiants ne savent-ils plus écrire ? (Éd. Enrick B).
Le titre du livre vous donne le sujet de la discussion. Bien évidemment, dans les grandes lignes, je ne peux qu'être d'accord avec les propos de cette dame, malgré mon envie de l'écouter en accéléré. Elle déplore l'effondrement du niveau en orthographe et signale qu'il est aujourd'hui corrélé à un désastre syntaxique qui entrave à la fois la communication et la compréhension de propos un peu construits et exigeants. À part quelques idéologues furieux et quelques lâches, personne ne conteste ce constat.
Mais là où mon sang de méridionale n'a fait qu'un tour, c'est quand elle a affirmé que si ses chers étudiants de l'université ne savaient pas distinguer « a » de « à », c'est qu'on ne leur avait jamais appris la règle. Heureusement, elle a eu l'idée de leur donner la règle, cela a été une révélation pour eux et, pleins de gratitude, ils ont cessé de faire la faute.
Guerre des polices
Tant que durera cette guerre des polices et que chacun tapera sur le niveau d'en dessous en pensant que personne, à part soi, ne fait correctement son travail, on n'avancera pas et les élèves continueront à passer entre les mailles du filet. L'effondrement du niveau est multifactoriel. Mais les élèves y participent très activement. On ne peut nier qu'il existe, aujourd'hui, un pourcentage conséquent de mauvais profs. Mais, d'abord, je ne suis pas sûre que tous ceux qui enseignaient avant 1980 étaient des premiers de cordée, de bons pédagogues et de fins éducateurs. Ensuite, il existe encore nombre d'excellents professeurs, qui font un travail remarquable... et qui, dans l'ensemble, n'obtiennent guère de meilleurs résultats.
Un exemple. J'ai fait copier à mes élèves (de 3e) une règle leur permettant de savoir quand on doit mettre un « s » à la fin de « leur ». Ils devaient l’apprendre par cœur pour la semaine suivante. Une semaine après, je les interroge. Presque personne n'a fait le travail, hors mes six ou sept biquets. Je renote la règle au tableau ; elle ne fait que trois lignes. Nous appliquons sur une dizaine d’exemples. À apprendre pour la semaine suivante. Je fais alors une dictée, à la fin de laquelle je demande de réciter la règle. Seuls sept ou huit élèves en sont capables. Nous renotons la règle lors de la correction. Un mois après, je leur dis de revoir leur leçon et, quelques jours après, je les interroge. Six réponses satisfaisantes sur une classe de vingt-cinq. Ai-je insuffisamment donné la règle ?
En réalité, ces six élèves forment les 25 à 30 % d'enfants qui faisaient auparavant des études supérieures. Les autres sont, étaient et resteront des PNJ (personnages non joueurs) par rapport aux enseignements abstraits sur lesquels l'école s’est malheureusement concentrée. Et si les professeurs d'université roumèguent aujourd'hui, comme aurait dit ma grand-mère, c'est que leurs classes sont constituées à 70 % de gens qui n'ont rien à y faire et qui ont passé les dix années précédentes à ne rien comprendre à ce qui se passait autour d'eux et à ne guère travailler. Mais si ces élèves n'étaient pas là, ces professeurs n'auraient pas le loisir de se plaindre, parce que leur poste n'existerait pas non plus : l'inflation des recrutements dans le supérieur a suivi l'inflation du nombre d'élèves. Là aussi, il y a fort à penser que le niveau général s'en soit ressenti.
C'est absolument tout le système qu'il faut remettre à plat. Et tout le monde doit assumer sa part de responsabilité, parents et enfants inclus.
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36 commentaires
POUR ARRIVER a 95% de réussite au Bac il fallait bien baisser le niveau ! n est ce pas meme Belcacem ! c est fait aujourd hui ce diplome ne vaut plus rien un ami patron de PME me dit qu il n en tient aucun compte pour embaucher !il a remarqué que chez les jeunes ukrainiens réfugiés en France le niveau est bien plus élevé c est donc eux qu il embauche en priorité ! CQFD
Il est tout à fait possible qu’on ne leur ait jamais appris la différence entre a et à. J’ai enseigné le français en collège pendant 37 ans, et chaque fois que je recevais des « spécimens » (livres offerts pour encourager le professeur à les faire adopter par l’établissement), ils me tombaient des mains quand je voyais cette confusion et cette absence de pédagogie.
Mais qui va peupler les facs de lettres si l’on sélectionne ceux qui doivent faire des études supérieures ? Que vont devenir ces profs qui soutiennent les blocages récurrents , qui va militer à l’UNEF et plus tard dans les partis de gauche ?
C’est vague, dit le marin.
Attention, il ne faut pas toucher à nos têtes blondes…
nos enfants ont ils acquis la lecture ?
ont ils acquis la grammaire ,vocabulaire ? la comprehension des textes ? et Eloquence
déjà très difficile à mon époque 1954-1964
ils vivent à la facilité ils perdent tout cela
la rigueur ,autorité, exigence voilà mon point de vue .Rien ne remplace ce fait
constat d une Grand-mère
BRAVO à Virginie Fontcalel pour son courageux et indiscutable témoignage.
Bonne journée quand même …
La loi Haby a décidé il y a 50 ans de mélanger tout le monde dans les collèges et de cesser la discrimination entre ceux qui auraient dû faire des études courtes puis passer en apprentissage et ceux qui étaient aptes à faire des études longues.
Résultat, on a maintenu des tas de jeunes dans un enseignement long qui ne leur convenait pas en leur faisant miroiter qu’ils allaient devenir avocats et médecins et maintenant on manque de mains dans les métiers manuels où ils auraient dû être orientés.
Résultats encore, ils sont à la traîne en classe et perturbent.
Et en plus on aura fabriqué des frustrés qui pensaient que l’ascenseur social était un tapis roulant.
Bonjour merveilleuse Virginie. Vous avez le don de mettre le doigt là où cela fait mal. En anecdote, « rouméguer »…. râler, ronchonner ? Expression méridionale ? Pas dans le Larousse, le Robert, Le Quillet. L’orthographe ? Une kiné adresse un message à ses patients « Mme X me renplace de … ». Un patient a corrigé en plaçant le M au-dessus du N. La honte… fait divers.
Mais c’est bien sûr! C’est tout le système qui est à reconditionner dans un seul objectif, redonner de la dignité aux enfants de 7 à 77 ans. Tout commence avec l’enfant chéri . Doué il comprendra sans menace. Sous-doué il lui faut des épées de Damoclès au-dessus de la tête, voire des sanctions de la plus légère à la brutale si nécessaire. Notion qui fait dresser les cheveux sur la tête, sous surveillance de juges. L’enfant roi, sans contraintes, vogue selon son bon plaisir, dans tous les compartiments de sa vie. Des parents aux enseignants, de l’obésité au joint, du laisser aller à l’impertinence. En milieu scolaire, l’autorité applique sans trop se poser de questions. Et pour cause, le ministre attend son successeur. Pourquoi se fouler, s’engager alors que ce sera chamboulé. Pas d’examens, de contrôles de niveaux intermédiaires, redoubler quelle horreur « financière » pour l’Etat. Dans la classe, un méli-mélo de potentialités à décourager ces doués et sous-doués. Les examens de transitions amenés aux niveaux des élèves, surtout pas de sélection au mérite sous prétexte d’égalité des chances ( le bac, un exercice d’écriture, certaines transitions au faciès : cf Sciences Po). Vous le dites très bien , si des profs ne sont pas à la hauteur, il en a toujours été ainsi. L’évolution de la proportion reste à rechercher.
Bien gentille fille, je note, je n’en doutais pas, cela se lit dans vos textes équilibrés. Vous n’évoquez pas une étape qui me semble majeure dans l’instruction , dans le déniaisement de l’enfant, la période primaire, la confrontation avec l’instituteur. J’en suis resté à ce vocabulaire élémentaire. Ces premiers pas me semblent essentiels dans la découverte de l’instruction. Ce fut mon ressenti. Ils participent activement aux premières motivations qu’il suffit d’entretenir. Facile à dire… là réside toute la difficulté. Le reste n’est qu’appel à la mémoire.
Oui Virginie, selon l’expression populaire « nous sommes dans de beaux draps », la France est …. Et s’il n’y avait que dans l’Education Nationale ! Certains étudiants me font mal au ventre. Les voilà apeurés, affolés, par un climat qui se réchauffe, le tracas essentiel qui leur vient en priorité en tête. Ainsi formatés, caractère affaibli, réflexion à court terme, ils en négligent l’essentiel, tout leur environnement lequel conditionne leur existence, de la formation à l’hébergement, de l’emploi à la famille. Le climat ne fait que coiffer, l’humain en devoir de s’adapter depuis la nuit des temps.
Bon. Virginie, trop bavard, je dois cesser, dommage. Bonne semaine, bon courage et ne désespérez pas. Demain, le soleil brillera.