Le propre de l’égalité est d’être réciproque. Si A est égal à B, alors B est égal à A. Cela s’appelle une lapalissade. Mais Monsieur de Lapalisse est mort, vive Monsieur de Lamalice, qui tord le bras des évidences.

Ainsi à Pessac était organisé un grand débat « réservé aux femmes ». Une journaliste de Sud Ouest témoigne sur Twitter : « #grandDebat consacré aux femmes. Le service sécurité filtre l’entrée, les hommes ne sont pas autorisés à rentrer #Pessac. »

Imaginons, un instant, la réciproque, débat réservé aux hommes, femmes refoulées à l’entrée : le tollé ! Hommes et femmes sont égaux, surtout les femmes.

Nul n’a relevé que le procédé était insultant : pour les hommes qui ne seraient qu’une bande de rustres incapables de se tenir - étant entendu qu’Emmanuel Macron est le seul mâle suffisamment évolué, policé, bien élevé pour être admis à évoluer dans ce gynécée improvisé - et pour les femmes parce qu’elles seraient trop petites choses pour s’imposer. Au XVIIIe siècle, les salons littéraires étaient mixtes, au XXIe, on ne saurait plus débattre entre gens civilisés des deux sexes ? Si l'idée est de segmenter la société - plan marketing qui s’est avéré payant pendant la campagne électorale -, c’est gagné, mais pour favoriser le liant, le bien commun, l’intérêt général, déjà si abîmé, reconnaissons que ce n’est pas génial.

C’est à cette occasion qu’est réapparue Marlène Schiappa. Qu’a atterri Marlène Schiappa, devrais-je dire.

Dans une tribune sur le fameux hijab Décathlon® dans Le Huffington Post, elle avait, en effet, exhorté "à prendre de la hauteur". Elle-même avait dû précipitamment grimper dans une montgolfière ou une capsule en partance pour la Lune - je ne suis plus qu’un petit point tout là-haut, oubliez-moi ! - pour échapper à tous ceux qui réclamaient d’elle une réaction. C’est sans doute pour cela que sa tribune sur le sujet - étonnamment tardive pour cette communicante compulsive - fut aussi stratosphérique… fustigeant ceux qui ne se préoccupent de féminisme que lorsqu’il est question de voile - et ceux qui ne se préoccupent pas de féminisme lorsqu’il est question de voile, alors ? - et exprimant sa molle désapprobation par une curieuse litote : "Je ne crois pas que porter le voile soit un signe d’émancipation des femmes. Je ne crois pas que porter le voile soit un signe de liberté. C’est ma conviction. Je conçois qu’on en ait une autre."

Au cours de cette séquence, justement, une dame portant un voile s’étant plainte de ne pas trouver à être embauchée, Emmanuel Macron a annoncé que les entreprises seraient soumises à de sévères « testings ». Il avait affirmé, pourtant, il y a près d’un an, que ce voile "n’était pas conforme à la civilité qu'il y a dans notre pays". Il voudrait punir, en somme, les entreprises qui partagent son avis ? Les sanctionner parce qu’elles veulent se mettre en conformité ? On conviendra que c’est assez inusité. L’outil du « en même temps » fonctionne pendant la campagne, mais une fois l’élection gagnée, c’est le citoyen qui se sent en rase campagne. Largué : il pense quoi, en fait, Macron, de ce sujet ?

Le recrutement discriminant est un pléonasme. Celui-ci est, par essence, le choix de l’un au détriment de l’autre, sur des critères - parfois subjectifs - qui doivent rester libres, car il s’agit d’un petit mariage : on va faire un bout de route ensemble, mieux vaut avoir des affinités et ne pas avoir été forcé. Et la façon de se vêtir a toujours été un élément déterminant dans la recherche d'emploi. Dans la finance, on ne tolère pas les mêmes cravates que dans l'informatique. Les tongs passent mal, quel que soit le métier, et si on cherche une vendeuse layette, on va écarter le camionneur tatoué. Le testing va-t-il l’imposer ?

Enfin, si le testing sert l’égalité, il doit être généralisé… aux bars et kebabs de Seine-Saint-Denis : Marie ou Victoire, portant médaille de baptême, ont-elles autant de chances d’être embauchées que si elles étaient un garçon portant un prénom d’outre-Méditerranée ? Encore une fois, pas d'égalité sans réciprocité.

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02 mars 2019 à 18:03

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