[STRICTEMENT PERSONNEL] Gaza : la déraison du plus fort

La réalité est qu’Israël n’a jamais été aussi fort mais aussi seul qu'aujourd'hui.
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Tsahal ayant une fois de plus écrasé l’ennemi et Israël triomphé de ceux qui veulent et la mort des Juifs et la disparition de l’État hébreu, le gouvernement de M. Netanyahou a entrepris de nettoyer radicalement Gaza (dont il ne reste plus rien, comme de Brest dans le si beau poème de Prévert). Vaste programme. Mais nettoyer de quoi ? De ses gravats, de ses décombres, de ses ruines, de ses déchets ? Non. De sa population, c’est-à-dire d’environ deux millions d’êtres humains que trop de dirigeants et de démagogues israéliens ont pris l’habitude de qualifier de « sous-hommes » et (qui l’eût cru ?) de les traiter comme tels.

Aux rescapés, ou plutôt aux naufragés de l’ouragan, le Premier ministre israélien suggère et même offre généreusement ce qui ne lui appartient pas. Un asile en Jordanie, pourtant hors d’état d’accueillir un nouveau flux de réfugiés ; un abri dans le Sinaï, alors que, l'Égypte étant incapable de gérer ses innombrables problèmes, elle refuse de leur en ajouter un de plus…

Après le Juif errant, l’Arabe errant ?

Il est vrai que, selon M. Netanyahou, qui ignore ostensiblement d’où est revenu le peuple sans foyer, mais heureusement fort de sa mémoire et de sa fidélité à lui-même, que fut jusqu’en 1948 le peuple juif, les Palestiniens n’ont pas vocation à demeurer au pays de leurs propres ancêtres. D’ores et déjà, le conflit actuel s’est traduit par de nouveaux empiètements en Cisjordanie avant de déboucher sur l’invraisemblable réannexion, en cours, de la bande de Gaza. Il est proprement ahurissant et scandaleux qu’à l’éternel Juif errant, l’homme fort de Sion soit en passe de substituer l’Arabe errant. C’est même aberrant. Le nationalisme israélien ouvrant la porte au nationalisme palestinien tout en lui fermant celles de Jérusalem, il fallait le faire !

Ou, plutôt, il ne le fallait pas. Car le grand déplacement que M. Netanyahou entend imposer aux Palestiniens tombe sous le coup du droit international qui proscrit et condamne la déportation des collectivités, des communautés et des peuples en tant que crime contre l’humanité. Un comble !

Un crime contre l’humanité, quelques griefs que les Palestiniens puissent nourrir contre Israël et quelques excuses qu’ils invoquent, c’est ce dont s’est rendu coupable le Hamas, le 7 octobre 2023, en perpétrant un massacre longuement prémédité, minutieusement préparé et froidement exécuté. Un carnage qui n’épargnait personne, puisqu’il visait indistinctement hommes et femmes, vieillards et enfants au berceau, civils et militaires, dès l’instant qu’ils étaient juifs, donc non pour ce qu’ils avaient fait ou pas, mais pour ce qu’ils étaient.

Les dirigeants et les miliciens du mouvement de résistance terroriste avaient-ils sous-estimé la puissance et la détermination d’Israël ou bien étaient-ils prêts, au prix de leur vie et au mépris de la vie humaine, à affronter et à subir les conséquences de leur agression, parmi lesquelles leur mort probable, voire assurée ? Ou même se réjouissaient-ils d’avance à l’idée que la réponse prévisible d’Israël alimenterait, voire ressusciterait, la haine dont se nourrit leur combat ? Il y a des trois. Quoi qu’il en soit, la configuration la plus fréquente dans les relations internationales lorsqu’elles tournent à l’affrontement voit le fort s’en prendre au faible : l’Allemagne de Hitler et la Tchécoslovaquie, puis la Pologne, la Russie et l’Ukraine… Il est plus rare que le faible attaque le fort, et à peu près sans exemple qu’il ait lieu de s’en féliciter. Les Gazaouis crièrent leur joie, au soir du 7 octobre, dans les rues encore intactes de leur enclave lorsque leurs héros, leurs maris, leurs frères ou leurs fils rentrèrent de la chasse, exhibant sur le capot ou la plate-forme de leurs voitures leurs trophées et leurs otages. Les insensés !

Il était clair qu’Israël ne resterait pas inerte et qu’il apporterait à son habitude une riposte à la provocation. Nul n’en avait prévu la durée, l’ampleur et le bilan. Menées par un chef suprême que l’on peut soupçonner en permanence de confondre son intérêt personnel et celui de son pays dans la mesure où la reprise, la poursuite et l’extension de la guerre lui ont permis, fragilisé, contesté, détesté, de se maintenir au pouvoir, où l’on a pu constater que la survie des otages n’était pas le premier de ses soucis, les légitimes représailles d’Israël, qui se poursuivent depuis dix-huit mois, sont allées plus loin dans le temps et l’espace que lors des conflagrations précédentes. Nul n’ignore que s’il n’avait tenu qu’à M. Netanyahou, la vengeance d’Israël ne se serait pas limitée au Hamas, décapité, décimé et défait, ni même au Liban, hôte forcé du Hezbollah, et à la Syrie, longtemps satellite et complice de l’Iran, mais qu’elle serait allée jusqu’à Téhéran, si les États-Unis avaient donné leur feu vert… Il n’en a rien été jusqu’à présent, mais le sinistre ratio des victimes que la guerre a fait respectivement dans les deux camps indique assez que le plus fort des deux, en poussant le curseur plus loin qu’il n’était raisonnable, qu’il n’était décent et même qu’il n’était humain, a sérieusement aliéné le faible capital de sympathie dont disposait Israël dans le monde et, depuis les accords d’Abraham, jusque dans le monde arabe. Israël a abattu sur ses ennemis le poing de fer de Tsahal, jusqu’à l’excès.

Un Hamas pulvérisé... en apparence

Aux douze cents morts israéliens du 7 octobre, les avions, les missiles, les chars, les snipers de Tsahal et les attentats ciblés du Mossad ont dédié et ajouté quelque cinquante mille victimes, mêlant à leur tour dans la mort les assassins, les combattants et les innocents. Certains amis inconditionnels du peuple juif et, par extension, du gouvernement d’Israël ont clamé leur indignation quand, il y a quelques jours, un bombardement russe a fait à Soumy trente-cinq victimes dont des enfants. Ils n’ont pas eu un mot de compassion pour les plus de quinze mille enfants qui ont perdu la vie sous les coups d’Israël, comme si un enfant palestinien valait moins qu’un enfant juif ou un enfant ukrainien, comme si un enfant palestinien était moins innocent qu’un enfant d’une autre nationalité ou d’une autre religion.

L’apparence aujourd’hui est celle, vérifiée sur le terrain, d’une victoire écrasante d’Israël, après un flottement de quelques jours et une bataille inégale de dix-huit mois. L’apparence, si l’on s’y fiait, est que les Palestiniens, discrédités, vaincus, isolés, fragmentés, ont perdu la partie et sont plus loin que jamais d’une défunte solution à deux États. L’apparence est que le Hamas a été pulvérisé. La réalité est pourtant aussi que, fort de 40.000 miliciens hier, il en a perdu la moitié et en a récupéré autant. La réalité est qu’Israël, en répandant la mort aujourd’hui, a semé les haines de demain. La réalité est que cent cinquante pays, la totalité de l’Asie, de l’Afrique, de l’Amérique latine et un nombre croissant d’États européens ont reconnu la Palestine. La réalité est qu’Israël, embringué dans une guerre où son Premier ministre, inflexible, intraitable et indéfendable, persiste à l’enliser pour ne pas sombrer lui-même, n’a plus qu’un seul soutien sur la planète et n’a jamais été aussi fort mais aussi seul.

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Dominique Jamet
Journaliste et écrivain Président de l'UNC (Union nationale Citoyenne)

Vos commentaires

81 commentaires

  1. Cet article n’est qu’un tissu de sophismes plus insanes les uns que les autres.
    Les arabes ont créés les réfugiés ; qu’ils s’en occupent. Ils ont voulu la guerre ; qu’ils en assument les conséquences en tant que vaincus.

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