Samedi, sur les Champs, j’ai pensé à la Pologne du général Jaruzelski

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Ce samedi, je me suis rendu sur les Champs-Élysées couverts de gilets jaunes. Ils n’étaient pas 8.000, comme l’affirmait monsieur Castaner, mais bien plus nombreux.

C’était une foule pacifique, joyeuse, diverse en âges et en origines sociales et politiques. C’était une foule spontanée, unie par la volonté de crier la souffrance et la révolte qui montaient au sein du vieux peuple français qu’elle incarnait à ce moment-là.

C’était bien plus que l’une de ces manifestations catégorielles qu’encadrent habituellement des syndicats ringardisés. Et c’était bien plus que les raisons matérialistes généralement avancées, taxes et impôts divers, qui avaient amené ces gens ici. C’était d’abord le cri d’un peuple soucieux de sauvegarder sa liberté sacrée, alors qu’un principat macronien est en cours d’installation, contre son gré.

Dès le début du rassemblement, cette foule pacifique a subi la provocation des forces policières qui l’ont gazée et arrosée, comme si l’on avait voulu faire dégénérer la situation. En courant sous le jet d’eau glacé avec, autour de moi, une grand-mère, deux adolescentes, un homme qui claudiquait et tant d’autres qui ne représentaient une menace que pour la bonne conscience de la classe dirigeante prévaricatrice, j’ai pensé à ces images des années 80 sur lesquelles on voyait le peuple polonais affronter les canons à eau de la police politique du général Jaruzelski.

Ces hommes et ces femmes qui couraient, indisposés par le gaz lacrymogène, étaient scandalisés d’être ainsi méprisés par le pouvoir et ses nervis policiers. « On ne vaut pas plus que des rats ou des cafards... j’ai déjà connu ça », lance une vieille dame qui, enfant, à l’époque de Vichy, dit-elle, avait été parquée à Drancy par les prédécesseurs policiers de ceux qui, aujourd’hui, nous traquaient comme des bêtes.

Les casseurs vinrent ensuite. Des autonomes de l’ultra-gauche dont on dit qu’ils sont instrumentalisés par le pouvoir pour contribuer au discrédit des foules de manifestants pacifiques. Ces casseurs paraissaient d’ailleurs étrangement organisés, pratiquant la destruction avec méthode, comme s’ils appliquaient un savoir-faire appris et à l’efficacité garantie.

Et la police chargeait, gazait, arrosait. Je regardais ces jeunes policiers, probablement pères de famille pour la plupart. Je pensais à cette corporation qui se dit mal-aimée et qui, toujours, pleure sur les moyens qui lui manqueraient ; je pensais aussi à cette jeune policière suicidée, Maggy. Je me disais qu’ils réprimaient aussi contre leurs propres intérêts.

Ce qui m’impressionna le plus, ce fut la détermination des gens à rester, à se battre, à continuer, à ne rien lâcher, parce que beaucoup n’en ont plus rien à faire du système kafkaïen dans lequel ils crèvent au quotidien. Là était la grande force d’un mouvement qui ne fait que commencer et qui pourrait avoir des prolongements révolutionnaires. Car ce petit peuple en gilets jaunes que méprisent tant les médias, c’est le peuple souverain.

Ce que j’ai vu, samedi, aux Champs-Élysées, c’est une atmosphère qui avait un parfum de 1789. Ce que j’ai vu, c’était un peuple reprenant conscience de sa dignité après les décennies de trahison que ses politiciens, valets de l’oligarchie financière internationale, lui ont fait subir.

Samedi, sur les Champs-Élysées, la fière nation française était de retour.

"Aux armes citoyens, formez vos bataillons…"

Bruno Riondel
Bruno Riondel
Docteur en histoire

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