Emmanuel Macron a osé laisser supposer, mercredi, que Philippe Pétain, présenté par l’Histoire comme le vainqueur de Verdun, allait être honoré par la République comme les autres maréchaux de la Grande Guerre. Savourons l’instant trop rare où le Président tente de faire autre chose que du révisionnisme teinté d’opportunisme, comme il l’a fait par exemple avec les pieds-noirs. Régalons-nous de ce moment fugace où il essaie de dire une vérité connue de tous, mais désagréable car elle nous renvoie à notre faillibilité personnelle. Gobergeons-nous aussi de cet éclair d’humilité de celui qui admet que même sa pensée complexe ne saurait tout enfermer dans des schémas simples.

Pourquoi ouvrir la polémique ? Jupiter seul le sait. Volonté de déminer après des petites phrases excessives et inopportunes sur les années 30 et le nationalisme ? Ne pas se mettre plus à dos l’armée ? Tenter une diversion à l’affaire Benalla qui persiste ? La liste des hypothèses n’est sans doute pas exhaustive.

Bien sûr, tous les professionnels de l’indignation sur les réseaux sociaux, les fameux « social justice warriors », s’agitent et vitupèrent que l’indignité nationale qui a frappé l’ex-maréchal destitué devrait interdire un tel hommage. La gauche a un os à ronger. Et puis, tant que l’on refait le procès de Maréchal Pétain, on ne s’occupe pas des collaborations ou des trahisons commises par ces irréprochables consciences de l’humanité qu’étaient Maurice Thorez, Pierre Laval ou, plus récemment, Georges Boudarel. Qu’ils s’époumonent ! Ils feignent d’oublier, en outre, que des présidents de la Ve République ont fait fleurir la tombe du vieux maréchal.

Pour ce qui est du tollé suscité par ces propos, même si l’on peut continuer de vouer aux gémonies le maréchal Pétain, il convient de rappeler que le décès d’un prévenu ou d’un condamné éteint, généralement, toute action publique contre lui. L’indignité nationale, après avoir eu l’immense inconvénient d’être en complète contradiction avec le principe fondamental de non-rétroactivité des lois, serait derechef une exception aux principes du droit ?

Une petite anecdote, en conclusion, que je tiens de mon père, un officier français et pied-noir qui, entre 1943 et 1945, a fait campagne comme jeune lieutenant dans un régiment de tirailleurs algériens en Tunisie, en Italie et en France. Oui, le corps expéditionnaire français, devenu ensuite la 1re armée « Rhin et Danube », ceux qui, en se couvrant de gloire au Monte Cassino, ont permis à la France d’accéder à un strapontin comme puissance victorieuse le jour du 7 mai 1945, à la grande surprise des Allemands. Il confiait à ses enfants que lui et ses frères d’armes se battaient pour libérer Pétain. Pas pour le mettre en prison, le juger et le condamner. L’Histoire, c’est compliqué. Sans doute trop pour jouer avec et nourrir des idéologies.

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08 novembre 2018 à 20:00

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