Patrimoine : le monastère de la Visitation (Paris VIe) et son étable menacés

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Encore un morceau du Vieux Paris appelé à disparaître ? Notre patrimoine ne manque pas de prédateurs. Quand ce n’est pas l’appétit spéculatif privé, c’est l’État qui menace ; quand ce n’est pas l’État, c’est la ville ; et quand ce n’est pas la ville, c’est… le diocèse. S’étant vu remettre le couvent de la Visitation Sainte-Marie (VIe arrondissement) par les religieuses il y a une dizaine d’années, le diocèse de Paris entend le transformer en lieu de colocation solidaire. Y seront accueillis des polyhandicapés, des femmes enceintes en situation difficile et des personnes en situation de grande précarité. « L'ensemble - explique le diocèse à BV - sera complété par un immeuble de logements proposés dans les conditions habituelles du marché, et d'une crèche, qui serviront à financer le volet social sur le long terme. » La respectabilité du projet est conforme à la volonté des religieuses : l’endroit garde sa vocation chrétienne d’accueil.

Un ensemble conventuel unique en son genre

Le problème est que les aménagements du bâti existant et la construction de quatre bâtiments d’habitation aboutiront à la dénaturation totale d’un ensemble très original qui combine l’hôtel de Clermont-Tonnerre (XVIIe siècle), une aile bâtie au XIXe, un jardin de 4.000 m2 et même une étable qui accueillait encore des vaches dans les années 1970. Pour Julien Lacaze, président de Sites & Monuments, le projet architectural est « brutal », avec cette destruction d’une partie des bâtiments conventuels – boulangerie, blanchisserie, infirmerie, étable et, victimes collatérales, des pilastres Louis XVI sur la rue du Cherche-Midi – et la parcellisation du jardin qui entraînera l’abattage d’une cinquantaine d’arbres. Tout cela pour construire des bâtiments « sans qualité architecturale, exploitant au maximum les facultés densificatrices du PLU (plan local d’urbanisme) », explique le site de l’association.

De son côté, la Commission du Vieux Paris, fidèle gardienne de l'architecture de la capitale depuis... 1897, s’était penchée sur la question en 2018. « Le site, dans sa configuration actuelle, écrivait-elle, témoigne encore de l’occupation monastique et de la vocation contemplative des sœurs de la Visitation Sainte-Marie, qui ont habité ces lieux plus d’un siècle et demi. » La commission notait que le projet immobilier allait entraîner la destruction de plusieurs caves, dont l’une du XVIIIe, et diverses modifications d'un ensemble patrimonial important où, hélas, rien n’est classé aux monuments historiques. Tout ne peut pas être classé. Mais est-ce pour autant un blanc-seing offert à toute soif d’exploitation urbaine ?

Le diocèse défend son projet

L’association Sites & Monuments a adressé au ministère de la Culture une demande d’instance de classement du monastère, procédure utilisable lorsqu’un bien est menacé de disparition ou d'altération imminente. Si la demande est acceptée, le monument est protégé pendant un an (article L621-7 du code du patrimoine : « Lorsque la conservation d'un immeuble est menacée, l'autorité administrative peut notifier au propriétaire par décision prise sans formalité préalable une instance de classement au titre des monuments historiques. ») La même démarche avait été tentée sans résultats début 2021, avec six autres associations.

Mais pour le diocèse de Paris, interrogé par BV, « les bâtiments historiques, dont les experts ont estimé qu'ils présentaient un intérêt patrimonial, et qui sont aujourd'hui très dégradés, seront intégralement restaurés. D'autres bâtiments, beaucoup plus récents (datant pour l'essentiel de la fin du XIXe siècle), n'ont pas été considérés par ces mêmes experts comme comportant un intérêt patrimonial justifiant leur conservation. » Quant au jardin, il sera lui aussi restauré et une partie sera ouverte au public. À notre question sur l'opportunité d'installer ces logements éventuellement ailleurs, le diocèse nous répond que le choix de ce lieu correspond à la volonté d'«accueillir ces personnes dans les meilleures conditions, au cœur de Paris et non en périphérie ».

De son côté, le président de l’association Sites & Monuments Julien Lacaze botte en touche. « Je ne peux pas vous faire de déclaration exclusive, sûrement pas, au contraire, tente-t-il d'expliquer à BV. C’est ce qui a été tranché en bureau. Nous sommes apolitiques... » Souhaitons à ce courageux président et à son bureau de bons combats, apolitiques surtout, bien qu’une défense du patrimoine soit toujours politique, sous un aspect ou un autre. D’ailleurs, par le passé, Julien Lacaze avait répondu à des journaux aussi apolitiques que... Libération.

Samuel Martin
Samuel Martin
Journaliste

Vos commentaires

15 commentaires

  1. Quand l’Eglise parle de « lieu de colocation solidaire » j’ai peur. il ne manque que les termes « collaboratif » ou « inclusif » pour être toute à fait gaucho-progressiste.

  2. Le patrimoine français actuellement le plus menacé est sa culture. Cela semble moins visible mais c’est pourtant une triste réalité.
    Quant au patrimoine immobilier public ou privé il constitue un témoignage de notre histoire et à ce titre se doit d’être protégé, dans la limite du possible pour un pays désargenté comme le notre.

  3. La honte avec un grand H. Merci à la racaille qui est au pouvoir dans notre pays. Des destructeurs et des traîtres. La France appartient au peuple français et non aux bobos qui nous gouvernent.

    • Eh oui,comme d autres brocanteur,, qui ont acheté une ancienne eglise comme dirait « l autre affaire conclue »!

  4. Ne doutons pas que le bureau d’architecture « apolitique » retenue, a ses entrées à l’Hôtel-de-Ville de Paris et probablement l’Élysée, deux lieux classés, mais dont les occupants sont loin d’être garants du bon goût !

  5. La destruction de notre patrimoine bâti est, hélas, irréversible. Il ne faut jamais l’oublier. Quand je pense que l’Etat donne plus d’argent à « la télé » que pour notre patrimoine, c’est consternant !

  6. Tout n’est qu’un début ou prétexte pour importer la mixité sociale dans ces arrondissements centraux de la Capitale. Faut-il y voir l’entreprise de démolition de MME Hidalgo et son équipe ? Dans cet arrondissement comme dans le 5eme jadis dévolu aux étudiants, ne serait-il pas plus judicieux d’en faire des foyers d’accueil pour tous ces jeunes qui peinent à se loger? La charité chrétienne ne peut se permettre de choisir les bons méritants et les autres…, aussi il est à craindre d’y voir un grand « remplacement «  même si le Paris était jadis à l’image de ces images d’Epinal un Paris qui mixait nobles, bourgeois et pauvres, Haussmann à peut-être faits quelques erreurs, détruit ce qui n’aurait pas dû l’être, mais il a eut le mérite d’assainir certains quartiers et de faire de PARIS ce que le monde entier nous a envié, mais c’était avant, car depuis Malraux sous le Général de GAULLE, exception faite de Giscard d’Estaing avec le musée d’Orsay, Chirac et celui du quai Branly, peut-être Mittérand et le grand Louvre, encore que … force est de constater que ce PARIS est en grande voie de démolition !

    • Il est à craindre qu’au nom de l’égalité, puisque ce lieu resterait à vocation chrétienne, un lieu de prière pour musulmans y soit réservé, nous en avons bien dans les aéroports, peut-être un des rares pays sinon le seul à en disposer.

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