Le sous-lieutenant Balima, officier burkinabè, saint-cyrien mort pour son pays

Il a trouvé la mort lors d’une opération de lutte antiterroriste.
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C’est par un sobre post LinkedIn que la Saint-Cyrienne, association des anciens élèves de l’Ecole spéciale militaire, a annoncé le décès d’un officier saint-cyrien. Celui-ci - une fois n’est pas coutume - n’est pas un militaire français : depuis très longtemps, la « Spéciale » forme des élèves venus de pays amis ou alliés qui viennent apprendre, sous le crachin breton, le métier des armes tel qu’on le pratique en France.

Le sous-lieutenant Balima était de ceux-là. Il faisait partie, nous apprend ce message, de la promotion « Colonel Le Cocq » (2021-2024). Il était sorti d’école l’année dernière. Il a trouvé la mort lors d’une opération de lutte antiterroriste, à Soudougui, dans la région centre-est du Burkina Faso.

Ces « cyrards » qui passent de longues nuits à méditer sur le sens de leur engagement

« Il est des hommes dont on ne parle qu’après leur mort. Il est des choses qui meurent d’avoir trop fait parler d’elles. Il est une école dont on ne parle plus mais qui n’est pas morte. » C’est l’un des textes que les saint-cyriens apprennent pendant leur « bahutage », qui n’a rien à voir avec le bizutage, puisqu’il élève au lieu d’abaisser. Tandis que les étudiants en médecine boivent des mojitos-GHB, tandis que les étudiants d’école de commerce boivent du Ricard à la paille et se roulent tout nus dans la peinture, les « cyrards » passent de longues nuits à méditer sur le sens de leur engagement, à la lueur des torches. Le sous-lieutenant Balima venait de ce creuset et a rejoint, à son tour, la longue cohorte des saint-cyriens morts pour leur pays. Peu de « grandes écoles » (ce concept si désespérément français) peuvent se prévaloir d’avoir offert la vie d’un cinquième de leurs anciens élèves pour la défense de ce en quoi ils croyaient.

« Burkina Faso », le nom que s’est choisi l’ancienne Haute-Volta du temps de Sankara, signifie « pays des hommes honnêtes ». Il y a une parenté, pas seulement étymologique, entre l’honnêteté et l’honneur. Ne pas tricher, ne pas faire de compromis, mener la mission à son terme, simplement parce que c’est tout ce qu’il y a à faire et que personne d’autre ne le fera pour vous. C’est ce que comprenait probablement le sous-lieutenant Balima, au moment où la vie l’a quitté.

Cette parenté secrète et indestructible entre les officiers de tous les pays

À l’heure où la France s’est fait sortir, à grands coups de pied dans le derrière, d’une Afrique qu’elle n’a pas fait l’effort de comprendre, ces quarante dernières années, il est amèrement rassurant de constater qu’il existe une parenté, souterraine, secrète mais indestructible, entre les officiers de tous les pays, et que cette parenté s’est incarnée, dans ce cas précis, au sein d’une vieille école impériale dont les journalistes estiment probablement qu’elle ne produit que des petits fachos bas du front qui noient des élèves pour s’amuser (il n’y a qu’à voir comment la tragique disparition de Jallal Hami avait été traitée par les médias).

Comme dans la chanson de Brassens, Les Copains d’abord, il y a fort à parier que la disparition du sous-lieutenant Balima hantera jusqu’à la fin les survivants de sa promotion. « Cent ans après, coquin de sort », il manquera encore. En tous les cas, qu’il nous soit ici permis de saluer son engagement et, plus généralement, de saluer la survie de cet esprit de sacrifice. Mort pour son pays, mort en cyrard (et de quelle façon, puisqu’il quitte la vie en sous-lieutenant !), le sous-lieutenant Balima fait honneur, par sa disparition pleine de sens, à son école, à son pays et, par corollaire, au nôtre, qui lui a remis les galons d’officier qu’il a baptisés de son sang.

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Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

44 commentaires

  1. Très beau texte pour mettre à la une, un sujet trop méconnu.. Merci pour cela.. Il est des hommes qui servent avec honneur qui font la fierté de la France mais qui restent anonymes. Respect et honneur à ce militaire qui démontre dans son sacrifice ultime toutes les valeurs indispensables à leur passion. Riche de ses convictions pétri d’une saine morale et fier d’un honneur humain il a montré son abnégation et doit devenir un exemple Beaucoup trop d’hommes s’abandonnent à la cupidité à la corruption. Lui par son sacrifice sublime toutes les valeurs la formation et l’excellence de son Ecole. Je souhaite que dans son pays l’hommage qu’il mérite et qui lui est dû retentira dans la tête des plus jeunes et fera leur exemple. Repos à son âme

  2. Grandes écoles oh que oui ! Bien au chaud et bien contentes d’être grandes muettes aujourd’hui pour être également grandes aveugles et d’autant grandes sourdes aux plaintes du peuple francais. La corruption en Afrique ? Que non ! Elle est de ces gens là chez nous grandes gueules mais ne rien faire de leur devoir; voir comment défendre la France sur son sol aujourd’hui; rien à voir avec ailleurs . Depuis 40 ans de gabegie politicienne pas un seul ne bouge et pendant que tout ce beau monde enturbanné de privilèges et de retraites mirobolantes futures, la France meurt et ils restent  » …beaux beaux et …..à la fois.. » non comme Brassens Monsieur Florac mais comme Brel qui chantait lui aussi « … Faut vous dire, Monsieur Que chez ces gens-là
    On n’pense pas, Monsieur On n’pense pas… »

  3. Est ce vraiment que la France n’a pas fait l’effort de comprendre l’Afrique qui nous a menés où nous en sommes avec elle ? N’est ce pas plutôt la politique absurde de Macron, qui n’écoute que lui-même en politique étrangère (comme dans d’autres domaines, mais c’est une autre histoire), vire les diplomates compétents, et donne de plus dans l’incohérence ?

    • Oh là là ! ça remonte plus loin : les diamants Bokassa et les chasses de Giscard; Les fils Miterrand grenouillant dans le pétrole gabonnais; beaucoup de comportements individuels nous ont décrédibilisés depuis 1961..

      • J’apprécie votre commentaire sur les fils Mitterrand au Gabon. Durant le règne de François sur la France, la visite de l’un des fils au Président gabonais. La garde présidentielle à cette époque était assurée, en ce qui concerne l’encadrement, par d’anciens sous-officiers parachutistes français. Un matin, le président appela dans son bureau le patron français de sa garde, et lui remit une mallette en lui demandant de porter celle ci au fils Mitterrand à l’hôtel ou il résidait. Devant la curiosité de l’ancien para, le président lui dit que c’était comme d’habitude, quelques  » liasses » de billets de banque. Disons comme l’affaire Sarkosy / Kadafi. Qui connait l’Afrique sait que les présidents ont certaines relations amicales avec leurs personnels européens et leur font parfois des confidences. Là, au moins, cela se passe en famille, c’est plus discret. Et qui croira les dires d’un ancien sous-officier?

  4. « À l’heure où la France s’est fait sortir, à grands coups de pied dans le derrière, d’une Afrique qu’elle n’a pas fait l’effort de comprendre ». À l’heure où la France s’est fait sortir, à grands coups de pied dans le derrière, d’une Afrique qu’elle a tenté d’engloutir dans le wokisme.

  5. De grâce Mr Florac, n’associez pas uniquement, s’il vous plaît, les étudiants en médecine à des buveurs de mojito. Ma fille a fait sa première année, l’année fameuse du covid et de la réforme universitaire. Je ne vous détaillerai pas la profonde misère psychologique dans laquelle se trouvaient les étudiants d’alors. Noyés au quotidien avec 20 heures d’apprentissage ininterrompu, perdus et malmenés par toutes les incohérences administratives et directionnelles. Une vraie descente aux enfers.
    Personnellement, je félicite cette jeunesse qui s’engage pour 12 années, longues et ingrates juste après leur bac, à 17/18 ans, sans savoir jusqu’au concours de la sixième année, quel sera leur classement et in fine, leur spécialité.
    Vous êtes un grand journaliste Mr Florac, et je lis particulièrement vos chroniques, toujours excellentes.
    Mais peut-être devriez-vous vous pencher avec beaucoup d’objectivité sur ce sujet, cela ferait un excellent dossier. Vous découvririez certainement étonné, que derrière la façade de ce métier il y a beaucoup de larmes et des efforts de guerrier.

  6. Un de mes fils est St Cyrien, et je me souviens, effectivement, de la présence de jeunes Africains dans sa promo. Honneur à ces jeunes gens qui s’engagent avec un idéal magnifique de courage et de patriotisme, afin de servir leur patrie. Idéal souvent déçu, hélas, par la réalité qu’ils découvrent ensuite certaines fois…
    C’est toujours une tragédie, ces morts « tout ça pour ça », mais c’est leur choix. Gloire à ce jeune soldat.

  7. Honneur et respect envers ce heros discret…..ils s’instruisent pour vaincre…..lesm ilitaires ou anciens militaires connaissent bien cette maxime. qu’i lrepose en paix , à la suite de la longue cohorte des anciens qui sont morts pour que vive leur pays….Honneur et respect.

  8. RIP Balima. Je ne vois pas comment sa mort peut honorer, également, notre Pays, la France. Le sous-lieutenant saint-cyrien Balima va rejoindre son Pays, qui, durant sa formation, subit deux coups d’État en 2021 et 2022 et qui en 2024, fait appel aux Russes de Wagner. Dans ce type de formation militaire,la France prend le risque de former nos futurs ennemis. Il faut réfléchir sérieusement à tous nos accords passés avec nos anciennes colonies, beaucoup ne sont plus nos amis, les exemples ne manquent pas, l’Algérie, le Niger, le Mali et bien entendu le Burkina Faso, en font partie. Dans les années soixante les Écoles de l’air Françaises, ont formé la future Aviation Tunisienne, depuis 65 ans d’indépendance et beaucoup d’aide et d’investissements français, la Tunisie a acheté des avions Suédois, Italiens, Américains, pas un seul avion Français. Il faut savoir évoluer avec la réalité, j’espère que la formation militaire du sous-lieutenant était payante. Désolé d’être, terre à terre et de penser à quoi servent mes impôts et les vôtres.

    • Désolé d’être en contradiction absolue avec vous. Je suis heureux d’apprendre qu’un pays africain envoie encore de ses officiers apprendre leur métier chez nous et je considère que c’est une excellente dépense. Pour rester terre à terre, il y a des liens qui se tissent et si l’on ne voit pas que l’immédiat, ils finissent toujours par refaire surface. J’ai travaillé assez longtemps en Afrique pour pouvoir vous en assurer. Oui nos ex-colonies se sont émancipées. Oui l’instabilité y règne souvent et les coups d’état y sont nombreux. Mais pour ce qui est de la distension de nos liens avec elles il faut avoir l’honnêteté d’admettre que via une nouvelle classe de politiciens la faute nous en incombe entièrement. Pas le temps de développer…

      • L’Afrique, je connais un peu, j’y suis né, tout comme mon père et mes grands-parents maternel et paternel, A l’époque de jacques Focart, on pouvait encore répéter, une phrase que l’administration Américaine, aimait faire connaitre (bien que peu valorisante pour eux comme pour nous) « Oui, mais ce sont nos dictateurs », Aujourd’hui, comme hier, la majorité des dictateurs africains ont tous été formés en URSS d’abord et en Russie Poutinienne ensuite, hélas très loin de l’éthique de l’armée Française et du respect du droit militaire ou civil international. Il est donc du devoir de nos dirigeants politiques de réfléchir à qui, ils transmettent nos valeurs militaires françaises. Le peuple africain s’est peut-être émancipé, mais pas leurs dictateurs, leurs populations continuent de fuire leurs pays massivement.

      • J’ai vu, il y a longtemps, un élève officier algérien dans une école militaire francaise, il était imbuvable d’arrogance et de mépris, allant jusqu’á dire qu’il n’obéissait pas aux officiers d’une armée de vaincus. On a fini par le virer (à l’époque, on avait encore une colonne vertébrale). Et l’Algérie l’a repris. Les temps changent!

  9. Honneur et respect à ce jeune officier. J’ai connu un autre Balima, peut-être de la même grande famille, ancien de l’école de la France d’Outremer, directeur de l’Ecole internationale de Bordeaux, qui était un grand homme, respectable et respecté, une forte personnalité, toujours en grand boubou blanc, qui, lui aussi, faisait honneur à son pays aux temps bénis où nos pays étaient amis.

  10. Cet officier burkinabé a pu bénéficier d’une formation militaire d’excellence qu’il a, pour son malheureux destin, mise au service d’une junte militaire putchiste qui s’est elle-même jetée dans les bras de l’ours russe, à l’agressivité expansionniste.
    Le Burkina Faso lutte aujourd’hui sur son sol contre les bandes islamistes, s’appuyant pour cela sur l »Akrika Corps » russe ex-Wagner, réputé pour sa brutalité aveugle sur les populations civiles.

    • Les bras d e l’Ours russe = La nature a horreur du vide. Les Africains – comme d’autres, n’aiment pas être méprisés mais écoutés avec amitié. Dans bien des pays ce sont les liens avec l’URSS qui se réactivent. La voisine est souvent plus belle que sa femme d’autant que celle-ci ne fait plus guère attention à vous…

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