[Satire à vue] Que ce mot-là à la bouche : bonne journée !

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Une question hante les clients des boutiques, des marchés et autres commerces : pourquoi tiennent-ils tant à ce que nous passions une bonne journée ? La boulangère nous le souhaite, la caissière l'espère, le poissonnier y tient absolument. Leur vœu n'est pas de nous revoir, ni bientôt, ni plus tard... Seul notre bien-être du jour occupe leurs esprits. Ils ne sont que bonté désintéressée, humanistes du négoce, distributeurs de viatiques à la chaîne. Si l'on en croit le mal qui gagne, plus grand monde ne caresse l'espoir de croiser à nouveau notre chemin. Le constat est accablant, le « au revoir » n'a plus cours.

Dès le lendemain, certains pourraient être tentés de venir rendre compte de cette journée de la veille dans laquelle les diverses personnes rencontrées avaient fondé tous leurs espoirs. Raconter comment, aux alentours de seize heures, le coup de fil d'un employé du fisc fut ponctué d'un « bonne journée » terrifiant. Expliquer au charcutier que l'amoncellement de « bonne journée » n'a pas amélioré notre condition. Rien n'y ferait. Le citoyen a laissé tomber le « au revoir » au profit de l'affichage de ses sentiments les meilleurs. Peu lui chaut que l'on revienne, il veut notre bonheur à tout prix. Au moins jusqu'à la tombée de la nuit. À 18 heures, il n'en démord pas. À 19 heures, il espère encore. Le barman le veut aussi, le serveur, le gendarme qui dresse contravention, le médecin qui annonce la maladie, l'anesthésiste : aucun corps de métier n'est épargné par cette nouvelle manie. Et bonne journée !

Malheur à celui qui s'apprêtait à vivre un après-midi dénué de toute réjouissance. La perspective de se complaire dans les emmerdements est gâchée, foutue d'avance. La rumeur publique s'est liguée pour que nous passions une bonne journée. Le complot ne fait aucun doute. Sur les écrans, les multinationales s'engagent à nous sauver du réchauffement, les grandes banques sont éprises d'environnement, les marchands de lessive sauvent la planète, le gouvernement traque les virus... L'overdose de bonheur nous guette.

Face à cette avalanche de bons sentiments, le résistant lutte sans relâche, redouble de « au revoir », relativise les températures, multiplie les opérations rabat-joie. Perte de temps. Le téléspectateur chronique s'est laissé entraîner dans un tourbillon de positivisme et de sucreries idéologiques. Derrière ce rideau de fumée parfumée se cache un mondialisme des plus impitoyables. De ceux qu'on ne souhaite voir ni revoir.

Jany Leroy
Jany Leroy
Chroniqueur à BVoltaire, auteur pour la télévision (Stéphane Collaro, Bêbête show, Jean-Luc Delarue...)

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