[Point de vue] Démissions en cascade : le grand malaise des forces de l’ordre

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D'habitude, le ministère de l'Intérieur est plutôt friand de chiffres. Cette habitude peut être datée de la période Sarkozy, et ce n'est pas son clone à petit budget Gérald Darmanin qui risque d'y mettre un terme. On aime annoncer, Place Beauvau, les chiffres des revalorisations, les taux d'élucidation, les statistiques (quand elles sont bonnes)... Mais cette fois, ce sera compliqué : selon un récent rapport de la Cour des comptes, les démissions de policiers et de gendarmes ont connu une très forte augmentation, ces quatre dernières années (respectivement +33 % et +25 %). Pire : les nouvelles recrues demanderaient de plus en plus un détachement ou une résiliation de contrat afin de se tourner vers les métiers de la sécurité ou les sapeurs-pompiers, quand ce n'est pas carrément pour changer de vie.

Évidemment, on peut se poser, avec un étonnement feint, la question du pourquoi. Ça, alors ! Les gendarmes et les flics sont déçus par leur métier ! Mais pourquoi donc ? Les grilles indiciaires ont pourtant été revalorisées, avec force argent magique. On a sans doute cru, en haut lieu, qu'un peu d'argent suffirait à calmer la grogne. C'est le problème, voyez-vous, quand on confie le destin de son pays à des ambitieux sans âme, qui sont là pour se remplir les poches : ils ont tendance à croire que tout le monde est comme eux et qu'avec trente deniers, on achète n'importe qui. Il semble que le malaise des forces de l'ordre soit bien plus profond : beaucoup des démissionnaires dénoncent un décalage entre leur idéal et la réalité du métier. C'est le propre du passage à l'âge adulte, pourrait-on dire avec un brin de cynisme. C'est surtout le propre des métiers que l'on choisit par passion et, vous le croirez si vous voulez, flic ou gendarme, contrairement à coach en bonheur ou manager d'open space, est de ces métiers dont on rêve quand on est petit.

Et le réel, alors, il ressemble à quoi ? Pas de moyens, pas de considération, pas de concrétisation des arrestations, des remises en liberté pour des agresseurs sauvages qui se moquent de vous le lendemain matin, des horaires pénibles, la peur au ventre quand on rentre chez soi, les représentants du peuple qui vous traitent d'assassin, des juges gauchistes qui démolissent ce que vous faites : la vie d'un policier ou d'un gendarme n'est pas amusante. C'est ce que l'on appelle un métier de sacrifice. Et des sacrifices comme ceux-là, peu de gens veulent les faire.

Quand les policiers ou les gendarmes ne démissionnent pas, c'est parfois pour se suicider. Aucune profession ne connaît ces sinistres taux, et la détention d'une arme de service n'est pas seule en cause. Alors que la France s'apprête à accueillir, en 2024, les Jeux olympiques et la Coupe du monde de rugby, le ministère de l'Intérieur peine à recruter. Et, si ce n'est guère surprenant, comme on l'a dit, ce n'en est pas moins alarmant.

À la différence des professeurs, les flics n'ont pas renoncé à faire leur métier. On peut penser ce que l'on veut des éborgneurs de gilets jaunes, de certains nervis de la BRAV-M ou de ceux qui, à la nuit tombée, avec un extraordinaire courage, contrôlent systématiquement les passants bien élevés des beaux quartiers. On peut détester le côté procédurier et légaliste du poseur de radars, on peut fustiger ce corps d'État éminemment politique et parfois suspect de collaboration avec un pouvoir méprisable. Tout cela est vrai, mais il n'empêche : les forces de l'ordre méritent le respect des gens ordinaires. Les policiers, les gendarmes, sont des gens ordinaires. Et comme si cela ne suffisait pas à leur malheur, on ne cesse de leur dire que tout le monde les déteste.

Quand on donnera aux serviteurs de l'État - les vrais, pas les fonctionnaires territoriaux ou les inspecteurs des impôts - de la considération et de l'empathie au lieu de billets de Monopoly™ et d'insultes à peine voilées, on recrutera. En attendant, force et courage à ceux qui restent.

Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

43 commentaires

  1. On aimerait aimer les FO, mais quand on se prend un pv parce qu’on roule à 90 sur une route dégagée, sans trafic, au lieu de 80, limitation maintenue dans un département mais pas dans le voisin, on se dit qu’elles pourraient faire un peu moins de zèle. Idem lorsqu’elles verbalisent les passants lors de la manifestation interdite de la Fierté Française, des militaires en retraite ou d’active qui n’étaient là que pour défendre la France. Se cacher derrière la loyauté due au gouvernement de la France est un peu facile.

  2. Que dire ? Rien sinon que tout est fait pour les décourager et faire en sorte que leur engagement ne soit ni reconnu ni utile vu le peu de considérations qui leur est généralement dévolu avec « en prime », mais pas celle de Macron, une justice qui, dirigée par un mis en examen et avocat de la racaille de sont état civil, n’a qu’un objectif dans bien des cas, sanctionner les représentants de l’ordre et cacher, comme le sein de de Tartuffe, toute délinquence derrière un rideau de mansuétude inique. On serait découragé à moins, c’est sûr !

  3. Policiers et gendarmes n’ont pas assez de pouvoir. Ils ne font plus peur. Il faut leur redonner des armes avec autorisation de s’en servir après sommations ou en cas de danger pour eux-même ou des autres. Il y a plus « d’enquêtes » et de « sanctions » contre eux que contre les voyous. Les démissions vont malheureusement continuer comme dans l’enseignement et la santé.

  4. Si le bras armé se retourne contre son maitre au lieu de le défendre, alors la révolution sera évidente !

  5. Oui !!! en fait, c’est ça la vraie bonne idée, que tous, gendarmes, policiers nationaux, intercommunaux, communaux, etc. … que tous démissionnent. Et c’est à ce moment d’un grand vide sidéral des systèmes de sécurité de cet état qui nous prend pour ce que nous sommes presque, c’est là que macron et sa bande réfléchiront différemment, et partiront vers d’autres horizons d’où nous n’iront pas les chercher.

  6. Police et gendarmes sont le bras armé de la République, quand celle-ci est méprisable….

  7. Pour un Arnaud Beltrame, combien de zélés pandores et flics se conduisent de manière détestable ? que penser des sagouins qui ont verbalisé des patriotes interdits d’honorer notre sainte nationale se week-end ? comment peuvent-ils se regarder dans une glace après leurs infames exploits dont été victimes les anciens soldats venus exprimer leur fierté d’être français samedi ? Cette attitude écoeurante (et je ne détail pas les épisodes Gilets Jaunes, La Manif Pour Tous … etc …) est devenue trop fréquente pour être mise sur le compte de quelques brebis galeuses. Les FDO sont le principal soutien sur lequel s’appuie un pouvoir ennemi de notre pays et de notre peuple. Les démissions en masse de certains de leurs meilleurs membres en sont une démonstration éclatante.

    • Tout à fait d’accord avec vous. Quand j’ai vu samedi toutes ces FDO encercler et nasser les patriotes venus à la marche des fiertés de Place d’Armes, j’avais vraiment honte pour eux et je me demandais comment ils pouvaient accepter, sans broncher, de tels ordres stupides de leur hiérarchie, quand dans le même temps les manifestations violentes d’extrême gauche ne sont pas interdites, ni réprimées. Donc pas étonnant que ceux qui veulent remplir leur mission honnêtement, mais qui constatent que leur code de déontologie est constamment bafoué par le gouvernement, finissent par démissionner, voire pire par se suicider.

  8. Se faire insulter par les manifestants, caillasser par les voyous, vomir par nombre de journalistes et devoir rester maître de soi en toutes circonstances, y’a pas à dire ça motive un max !

  9. Le délitement dont parlait il y a peu les militaires se poursuit. Il s’est accéléré avec la réélection des Macron, que les Français ne vont pas tarder à maudire (la réélection). L’école et la justice, l’Assemblée Nationale, les discours de Macron qui ne mènent nulle part et partout en même temps, tirent le pays au fond du gouffre. Les mots n’ont plus de sens, la « communication » Pap N’Diaye, Tondelier &C° donne la nausée et provoque le courroux et l’indignation. Seul un miracle peut désormais sauver la France. Parce que cet article, c’est le récit du dernier rempart qui s’effondre. La guerre de tous contre tous, elle est là.

  10. D’accord sur le fond de votre article mais, pas sur la forme.
    Les FO se plaignent de ce gouvernement (énumération des raisons et constats dans votre article) ???
    Au lieu de démissionner, râler, accepter les avantages financiers et sociaux (accordés pendant la crise des GJ) de ce gouvernement, pourquoi, lors de la prochaine manif, ils ne déposent pas, tout simplement et un unanimement, les armes ???
    Là, 48 heures après, ce gouvernement de guignols n’existerait plus.
    Je comprends surtout, qu’il est plus agréable pour eux de verbaliser via leurs contrôles de villages ou radars de route les honnêtes citoyens.
    Par contre, aller dans les banlieues où assurer l’ordre dans les manifs ou 80% de travailleurs expriment leurs désaccord sur la loi retraite, là, les rats quittent le navire.
    Ben oui, d’une mer calme, elle devient agitée.

  11.  » les forces de l’ordre méritent le respect des gens ordinaires  » = ce respect la leur est acquis …. Elles mériteraient également et même prioritairement la considération des politiques, le chef de l’Etat y compris, qui préfèrent relayer de forts médiatiques violences policières plutôt que de dénoncer les violences faîtes quotidiennement aux policiers …

  12. Cette crise de la vocation ne touche pas seulement les FDO, elle touche toutes les professions de service en contact direct avec le public. Les enseignants, les soignants, tous les personnels chargés de l’accueil. Pour une raison simple, c’est que la société Française a sombré dans l’irrespect, la violence et la délinquance. Ce pays devient invivable. Et pour couronner le tout, tout ces personnels ont à leur tête des gens de la même espèce que ceux qui nous gouvernent. Ce sont les mêmes, ils viennent du même milieu et ont fait les mêmes écoles.
    Ce pays ressemble à un train à vapeur qui se dirige vers un précipice. Et au lieu d’actionner les freins, les crétins qui le dirigent, rajoutent du charbon dans la chaudière pour qu’il arrive plus vite.

  13. Article très pertinent Mr Florac, retraité depuis deux ans de la Gendarmerie j’ai mené une belle carrière et n’ai aucun regret et n’ai aucun regret d’avoir changé de vie. Maintenant je suis passé chez Place d’Armes et je rends hommage à mes camarades militaires et policiers qui au quotidien font un travail exceptionnel et ingrat sans aucune considération de la hiérarchie, de l’état et d’une certaine partie de la population.

    • Vos anciens collègues auraient eu une attitude digne ce week-end en s’abstenant de verbaliser les membres de Place d’Armes. Il y a toujours la possibilité de « tourner la tête » au moment opportun. Beaucoup d’anciens des FDO ne se reconnaissent plus avec ce qu’est devenue la fonction principale de leur ancien métier : servir de milice privée à un gouvernement soucieux de faire taire ceux qui sont ses vrais opposants tout en laissant impunément la racaille islamo-gauchiste saccager la France.

  14. J’ai entendu 5 sur 2O pour le recrutement des derniers gendarmes ça craint un peu coté réflexion sans doute. J’admire ceux qui font leur travail correctement mais avec un gouvernement de collabos, lâche et vendu, des magistrats laxistes dont beaucoup se dégonflent, des prisons encombrées par des étrangers qu’on aurait dû refouler comment voulez être motivés !! Bon courage

  15. Le Drame causé par l’incompétence Darmanin restera une catastrophe à gérer durant plusieurs décennies.

    • Darmanin n’est qu’un pion manipulé par un président omnipotent qui contrôle tout et ne délègue rien. Comme tous les autres ministres, d’ailleurs. Le pauvre Darmanin est plus à plaindre qu’à blâmer, sauf sur un point : il aurait dû démissionner depuis longtemps, comme tous les autres ministres. Qu’aurait fait un président seul, sans gouvernement ? Mais pour cela, il faut du courage, une denrée rarissime de nos jours chez nos dirigeants.

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