[Entretien] Cédric Beltrame : « Mon frère a, je pense, réconcilié une partie de nos concitoyens avec l’engagement des forces de l’ordre »

Cédric et Arnaud Beltrame ©Cédric Beltrame
Cédric et Arnaud Beltrame ©Cédric Beltrame

Le 23 mars 2018, le colonel Arnaud Beltrame était tué par un terroriste islamiste à Trèbes. Ayant fait le sacrifice de sa vie en prenant la place d'un otage, il est devenu la figure du héros en France mais aussi à l'étranger. En ce cinquième anniversaire, Boulevard Voltaire a demandé à Cédric Beltrame d'évoquer la figure de son frère. 

Gabrielle Cluzel. Cinq ans se sont écoulés depuis l'attentat de votre frère à Trèbes. Dans quel état d'esprit est votre famille aujourd'hui ?

Cédric Beltrame. Le temps passe mais les souvenirs persistent, bien sûr. Arnaud nous manquera toujours, cependant nous nous efforçons de profiter des moments heureux que la vie nous offre et qui nous permettent de « tenir » lorsque ce type de tragédie surgit. Habitant à Singapour, ma famille m’informe régulièrement des demandes et sollicitations pour des hommages ou des cérémonies.

G. C. Plusieurs rues aujourd'hui, en France, portent le nom de votre frère. Sont-ce des initiatives que vous encouragez ? À quel autre type d'hommage seriez-vous sensible ? Quelles marques de sympathie, depuis cinq ans, vous ont spécialement touché ?

C. B. Toute la famille a été très touchée par les nombreux hommages et les célébrations, ainsi que tous les monuments, rues, écoles, promotions, stèles, etc., qui portent le nom d’Arnaud Beltrame. Récemment, un timbre à son effigie a été mis en service. 

L’album photo regroupe la plupart de ces hommages et je remercie toutes celles et ceux qui participent à sa mise à jour régulière.

Même si cinq ans se sont écoulés, les sollicitations sont régulières et la famille présente ses excuses de ne pouvoir assister à toutes les cérémonies. Chaque geste de soutien, de compassion (une inauguration, un dessin ou même un simple mot), est apprécié et le sera toujours. Pour la famille, c’est important de constater que les Français n’ont pas oublié Arnaud et qu’en tant que représentant des forces de l'ordre/gendarmerie, il a - je pense - réconcilié une partie de nos concitoyens avec l’engagement de ces hommes et femmes pour remplir leur mission.

G. C. Êtes-vous en contact avec la jeune femme initialement otage de l'islamiste, dont il a pris la place au prix de sa vie ?

C. B. Non, j’espère qu’elle va bien et que la vie se présente de façon positive, et surtout qu’elle a pu tourner la page (je conçois qu’oublier ces événements tragiques doit être difficile). 

G. C. Où en est l'enquête, aujourd'hui ? Et le procès des complices de Radouane Lakdim ? Pensez-vous que la leçon a été tirée de cette affaire en matière de lutte antiterroriste ?

C.B. Le procès aura lieu du 22 janvier au 23 février 2024 à Paris pour les attentats de Trèbes et de Carcassonne. Sept personnes, une femme et six hommes, seront jugées devant la cour d'assises spéciale de Paris.

Cela démontre qu’il faut du temps pour identifier les suspects, mais cela prouve aussi que nos institutions n’abandonnent pas et assignent les ressources nécessaires pour punir les coupables. Je pense que la lutte contre le terrorisme s’inscrit malheureusement dans la durée, les sources étant nombreuses (politiques, religieuses, culturelles, etc.) et qu’il est difficile d’anticiper des actions du fait de petits groupes d’individus radicalisés et leurs complices. Néanmoins, il faut continuer le combat sans relâche, comme l’aurait fait Arnaud. 

G. C. Ne croyez-vous pas que si votre frère était américain, un film sur lui serait déjà sorti ?

C. B. Plusieurs projets de films ont été discutés. Néanmoins, la famille d’Arnaud ressent le besoin d’attendre encore quelque temps… Les livres nous ont permis de cristalliser certains souvenirs avant qu’ils ne se fadent, des reportages et documentaires ont été réalisés, ainsi qu’une bande dessinée. Je pense qu’un film se fera, car l’action héroïque d’Arnaud a interpellé de nombreuses personnes, et pas seulement en France.

Bibliographie :
- C'était mon fils, Nicolle Beltrame avec Arnaud Toush, Éditions Albin Michel
- Arnaud Beltrame, gendarme de France, Christophe Carichon, Éditions du Rocher
- Au nom du frère, Cedric et Damien Beltrame, Éditions Grasset
- Arnaud Beltrame : le don et l’engagement, Laurent Bidot et Arnaud Delalande, Éditions Plein Vent

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 24/03/2023 à 18:55.
Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

16 commentaires

  1. Dans ma ville dans les BDR, la rue de la gendarmerie porte son nom. Dès que je passe la porte d’un supermarché, je pense à lui. Son sacrifice n’aurait pas dû être. Tous les jours en France nous lisons des horreurs et peu de sanction appliquée faute de prison en conséquence. Et surtout l’absence de volonté du gouvernement qui fait et laisse tout pourrir. Voilà le résultat du choix de certain lors de l’ élection présidentielle.

  2. Ce gendarme ne devait avoir en tête que ce qu on lui a appris dans les écoles d officiers, mais il n avait pas dû connaître la loi de la rue et des cités sinon il n aurait pas pris les risques qu il a pris , il a risqué sa vie pour rien

  3. Combien d’Arnaud ont déjà payé de leur vie dans ce pays face aux terroristes , par la faute de ces conquérants sournois et bien déterminé à nous soumettre à leurs lois et coutumes .Trop beaucoup trop par la faute de ces élus qui les accueillent et qui ne sont pas capables de protéger leurs peuples qui subit au quotidien les agressions de ces barbares .

  4. Remarquable conférence en ce moment sur KTO par le moine de l’abbaye de Lagrasse qui devait célébrer le mariage d’Arnaud Beltrame deux mois après son assassinat, portant sur les derniers instants de sa vie et sur ce que son sacrifice a engendré.
    On découvre un homme profondément croyant, qui a donné sa vie pour autrui, et est source actuellement de conversion et de guérison inexpliquée, après qu’on l’ait prié.
    Il mériterait d’être béatifié !

  5. Je respecte la décision d’Arnaud Beltrame. Mais qui sait si là où il est il ne regrette pas son geste? En tout cas, ceux qui exploitent le geste de cet homme, que ce soit son frère ou quiconque pour en déduire une pensée bienpensante dénature la dimension individuelle de son acte. Ce qui est sûr c’est que notre société ne mérite pas son sacrifice. Le plus grand respect qu’on peut lui démontrer c’est de s’incliner et de ne pas commenter son acte qui reste, je le répète, sa propre décision.

  6. @Jacques DARRICARRERE
    J’abonde dans ce qu’a écrit JdesSaules. Le « traitement » de la Manif Pour Tous il y a dix ans, celui des manifestations d’infirmières et de pompiers, les exactions envers les Gilets Jaunes, la lamentable prestation des FDO dont ont été victimes les supporters anglais, les pinailleries quotidiennes dont sont l’objet les automobilistes et aujourd’hui les violences gratuites dont se rendent coupables certains gendarmes et policiers (etc…) témoignent d’une dérive qui éloigne tous les jours un peu plus le peuple de ceux qui sont censés le protéger. Il n’est pas question d’être « anti-flic » mais le constat est bien réel. Vue de l’étranger l’image de la France est déplorable et les abus répressifs y contribuent.

  7. Malheureusement, le courage et l’héroïsme d’un homme ne peuvent suffire à faire oublier ce que sont le plus souvent les forces de l’ordre. Quel Français ordinaire peut aujourd’hui déclarer honnêtement que police et gendarmerie sont davantage à son service qu’il n’a à les redouter au quotidien ? Même si les individus qui composent les forces de l’ordre n’en sont pas les premiers responsables, on a à peu près tous compris qu’elles ne nous protégeaient en rien des vols et agressions et que tenter de déposer une plainte était plus une perte de temps qu’autre chose. En revanche, on sait tous désormais que le simple droit à manifester peut nous exposer à des mutilations, que les moyens ne manquent pas quand il s’agit d’aller débusquer le promeneur isolé à plus d’1 km de chez lui en cas de confinement et que les usagers de la route sont bien plus étroitement surveillés et sévèrement sanctionnés que ne le sont les délinquants « bien connus des services de police ». Si gendarmes et policiers ne définissent pas eux-mêmes leurs missions, ils ne s’en déshonorent pas moins quand ils acceptent de se comporter indignement en exécutant sans broncher les basses besognes d’un pouvoir haï.

    • Vous commentez à charge l’action des policiers et des gendarmes. Les évènements actuels démontrent que lors de manifestations encadrées il ne se passe rien alors que lorsque la violence des blacks blocs et autres groupuscules déferle dans les rues on ne regarde que les actes des forces de l’ordre. Je vous engage à venir avec les policiers et les gendarmes pendant les bombardements avec des pavés, des mortiers et autres mobiliers urbains, alors vous changerez d’avis.

      • Et l’épisode des Gilets Jaunes, ça ne vous rappelle rien? La plupart d’entre eux aussi manifestaient pacifiquement !

      • Les Black Bloc et autres Antifas ont jusqu’à présent joui d’une impunité évidente, sur ordre certainement, de la part des FDO. Tous ceux qui ont assisté de près aux manifestations qui ont dégénéré ces dernières années peuvent en témoigner.

      • Mais les policiers ne s’en prennent pas à ceux qui jettent des pavés. Ils se défoulent sur les inoffensifs de la manif pour tous, sur le quidam qui passe (vue une vidéo aujourd’hui scandaleuse où le flic veut taper sur les simples passants) ou celui qui n’a pas son auto-attestation. Oui j’ai changé d’avis car avant je les soutenais systématiquement. Ils ont perdu ma considération et bien plus que ça.

  8. Comme beaucoup de gens à l’époque je suis venu anonymement déposer un bouquet à la gendarmerie la plus proche de mon domicile pour honorer le geste et la mémoire de l’authentique héros qu’était Arnaud Beltrame. Sa conduite a effectivement contribué à réconcilier une partie des français avec les forces de l’ordre. 7 mois plus tard hélas, les événements qui se sont déroulés au moment de la crise des Gilets Jaunes ont largement contribué à revoir à la baisse cet à-priori favorable. L’impunité dont ont bénéficié certains gendarmes et policiers, les brutalités et le manque de professionnalisme dont se sont rendus coupables une part non négligeable d’entre eux ont contribué à réinstaurer la défiance pour le plus grand bénéfice d’un pouvoir qui redoute certainement une trop grande proximité entre les FDO et le peuple.

  9. Voilà 5 ans que Arnaud Beltrame nous a quitté dans les conditions que l’on sait.
    Il faut toujours se souvenir et respecter sa mémoire.

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