Indéniablement, elle a du talent, du charme, un faux air de Brune Poirson, en moins malicieuse et plus sérieuse, une capacité à percer l’écran et, peut-être aussi, à convaincre. Olivia Ronen est ce jeune avocat de 31 ans qui a accepté de défendre le terroriste Salah Abdeslam, seul survivant du commando islamiste qui fit 130 morts, le 13 novembre 2015, à Saint-Denis et à Paris.

Jusqu’à maintenant, elle était relativement inconnue du grand public. Les médias la qualifiaient de « discrète ». Depuis son passage sur le plateau de « Quotidien », lundi 6 juin, elle est désormais assurée d’une certaine célébrité. Voulue ou pas, c’est une autre histoire.

Car, c’est le moins que l’on puisse dire, son passage dans l’émission de TMC, alors que, mercredi 8 juin, commenceront les réquisitions de ce procès-fleuve débuté en septembre dernier, ne peut laisser indifférent. Lorsque le journaliste lui demande si elle a hésité avant d’accepter de prendre la défense du terroriste, elle répond : « Je n’ai pas hésité très longtemps, j’ai vu que le contact était bon. C’est quelqu’un de très humain, avec qui on peut discuter. » Une phrase qui pourrait s’appliquer à un banal entretien d’embauche ou à une offre de collaboration pour un projet entrepreneurial ou que sais-je encore. Et c’est sans doute la banalité de ces propos qui a choqué - les réactions sur Twitter ne se sont pas fait attendre – et qui s’entrechoque avec la réalité, pas celle du personnage que peu de gens connaissent finalement, mais de l’horreur de ces attentats.

Certes, reconnaissons un mérite à ce brillant avocat, qui a prêté serment en 2016 et fut élue, la même année, secrétaire de la Conférence des avocats à l’issue du prestigieux concours d’éloquence de sa profession, d’avoir réussi à faire sortir son client de son silence, après des années de mutisme. Mais en plaidant médiatiquement la cause de ce dernier, n’a-t-elle pas commis une erreur ? On notera, d’ailleurs, une sorte de contradiction dans ses propos quand elle dit que son rôle, comme celui des autres avocats, des parties civiles, de la cour, du parquet, est de « s’extraire de ce royaume d’émotion qui est naturel », en quelque sorte, de se garder de tout pathos, alors même qu’elle vient d’en faire étalage en nous révélant « la part d’humanité » de son client.

Lors de son ultime interrogatoire devant la cour, le 15 avril dernier, Abdeslam avait demandé pardon. « Je sais que la haine subsiste… Je vous demande aujourd’hui de me détester avec modération… Je vous demande de me pardonner. » Au fond, quoi de plus humain que la haine : les bêtes ne haïssent pas ! Curieuse demande, en tout cas, que cet appel à la détestation modérée… Une demande, accompagnée de larmes, qui n’avait pas convaincu toutes les personnes présentes à l’audience, d’autant qu’il avait déclaré : « Ce n’est pas humain de tuer des gens, mais eux aussi ils tuent. »

Aujourd’hui, donc, on veut humaniser Abdeslam – c’est la trame de l’intervention à « Quotidien » de son avocat. Or, comment ne pas penser d'abord aux victimes et à leurs familles ? Il y a celles qui affirment se refuser à la haine et puis celles qui confessent cette haine bien humaine. C’est le cas, notamment, de Patrick Jardin dont la fille a été assassinée au Bataclan et qui, par un étrange parallélisme des formes, a, lui, été « diabolisé ». Souvenons-nous du portrait que Le Monde lui avait consacré en octobre 2021. Un article intitulé dans un premier temps « La colère d’un père haineux », puis modifié étrangement en « La colère sans limites d’un père ». On imagine que ce papa, est, lui aussi, « quelqu’un de très humain, avec qui on peut discuter ».

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07 juin 2022 à 20:35

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80 commentaires

  1. Il y a encore plus surprenant que la déclaration de cette avocate. Je veux parler des propos d’une victime, diffusée récemment sur une antenne radio. En réponse à la journaliste qui l’interrogeait sur le procès, cette jeune femme qui a vécu les affres du Bataclan, a avoué qu’elle avait connu « un moment d’humanité avec les autres victimes et les accusés quand le Pdt de la Cour avait autorisé une pause repas dans la salle d’audience » – Une « communion » entre TOUS, a t-elle assuré. Coupables compris

  2. Voilà un nouveau Saint qui manque au calendrier…
    C’est le triste rôle des Avocats…

  3. Qui le reconnaitra, dans ce besoin de vengeance légitime de toute une foule? Qui gardera l’humanité de voir l’humanité chez l’autre? Je trouve cette jeune avocate très humaine elle-même, pour une fois…

  4. Je trouve curieux, depuis le début, que la faute de tous les crimes de cette horrible soirée incombe totalement à celui qui, justement, n’a tué personne. Qu’il se soit dégonflé, qu’il ait eu un sursaut d’humanité, qu’il ait eu peur des sanctions, lui seul le sait.
    Soit, il a préparé les attentats avec les autres, mais la vérité est qu’il n’a commis aucun crime. Je veux bien croire que l’avocate lui ait trouvé une certaine humanité: elle est dans ce volte-face au dernier moment.

  5. Nous n’ en serions pas là si lors de l’ assaut, il aurait été abattu. 9 mois de procès honteux sans les 3 responsables de l’ époque, hollande, valls, cazeneuve. Mes amitiés à P. Jardin et et aux familles autres que celles de « vous n’ aurez pas ma haine »

  6. Nous pouvons donc considérer qu’il a fait la majorité de sa peine, il devrait sortir assez rapidement de prison.

  7. D’ailleurs il était au Bataclan pour bavarder gentiment avec les spectateurs .Ce sont eux qui n’ont pas voulu. Il est vrai qu’ils ne maîtrisaient pas bien leur pensée et leurs paroles
    Ils avaient quand même une excuse ,ils étaient morts ou grièvement blessés .

  8.  » le contact était bon  »
    Forcément entre racailles et racailles à col blanc, à diplômes, le contact passe, ils ont ensemble les bons codes.

  9. On aura tout entendu dans ce cloaque qu’est devenu notre pays. Quel dommage que la police ne l’ai pas éliminé, au moins il nous aurait coûté moins cher. Cet individu tue plus d’une centaine de personnes , quel brave garçon en effet, allez donc expliquer cela aux parents des victimes , maudits avocats.

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