Cyril Hanouna mouche Patrick Cohen : une nouvelle version des Anciens contre les Modernes

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Le « clash » - c’est le nom consacré pour désigner les échanges de gentillesses sur les réseaux sociaux – fait le bonheur des internautes. Au lendemain de l’émission « Face à Baba » de Cyril Hanouna, sur C8, ce 16 mars, l’ancien matinalier de France Inter et (brièvement) Europe 1 Patrick Cohen laissait tomber, du haut de son fauteuil à l’émission de France 5 « C à vous », tout le mépris dans lequel il tient le rendez-vous politique d’Hanouna. « Chez lui, tout est au service du clash, du spectacle et des coups bas, explique Cohen, au Parisien. On zappe d'un thème à l'autre sans approfondir, de façon caricaturale. Hanouna dit lui-même qu'il faut aller sur les sujets les plus clivants car ça emmerde les gens de parler d'économie. Ce n'est pas ma façon de concevoir la politique. » Il reproche, au passage, à l’animateur emblématique de la chaine C8 d’inviter dans son émission « Touche pas à mon poste ! » « des personnalités complotistes ou marginales, sans contrôle journalistique ». La réponse d’Hanouna sur CNews a fusé : « Je peux être en désaccord avec Marine Le Pen mais je respecte les gens sur mon plateau. Je ne suis pas un donneur de leçons. Je suis l'anti-Patrick Cohen. […] Les gens ne veulent plus de ça ! »

Au-delà de l’empoignade médiatique, la prise de bec est révélatrice d’un tournant dans la manière de traiter la politique dans nos médias. Longtemps, l’interview politique, le genre roi sur les ondes et à l’écran, fut réservé à quelques stars du journalisme très conscientes de leur valeur, vite méprisantes vis-à-vis des élus et convaincues que leur métier consiste à leur faire rendre gorge, quelles que soient leurs tendances, mais surtout s’ils viennent de la droite. Pour ceux-là (Marine Le Pen en tête), il était de bon ton d’ajouter un supplément de haine recuite et de mauvaise foi ainsi qu’une solide couche d’agressivité pour ne pas avoir l’air d’un vendu auprès du reste de la profession. Patrick Cohen, Jean-Michel Aphatie et quelques autres appliquent fidèlement cette doxa.

Mais voilà, dans les médias, le public a toujours le dernier mot. L’algarade cache un bras de fer entre les Anciens et les Modernes.

Les émissions politiques font des audiences faibles, si faibles que les grandes chaînes ne se précipitent plus pour les organiser. Faute d’avoir su renouveler le genre, ces émissions politiques traditionnelles ne font ni les affaires des groupes audiovisuels ni celles des candidats. Alors, les animateurs d’émissions de divertissement s’y sont intéressés. Ce n’est pas le même métier : le métier des journalistes politiques consiste à informer et non à prêcher les lois d'airain du politiquement correct, ils l’avaient un peu oublié. Le métier des animateurs consiste à distraire et amuser. Avec « Une ambition intime », lancée en 2016 sur M6, Karine Le Marchand a été la première à renouveler le genre de l’entretien politique : connivence, plaisanteries, vie personnelle, on n’avait jamais vu nos candidats sous ce jour. Cyril Hanouna exploite la même veine. Sur une émission, il alterne les moments d’intimité, les blagues de potache, les instants d’émotion, les conflits violents et les oppositions plus calmes et construites. Invités, opposants, animateur : les questions surgissent partout. C’est un spectacle fait pour saisir le téléspectateur sans le lâcher. On peut trouver le show vulgaire, gros sabots, facile, non équitable ou mélange des genres. Mais il plaît. Les candidats adorent cette manière d’exposer leur personnalité et les téléspectateurs suivent… Hanouna le dit dans son langage fleuri : « Patrick Cohen, il est chez lui. Il est tranquille. Il va tous les soirs poser son cul dans “C à vous” pour dire deux mots et pour prendre un salaire qui doit être confortable. Il ferait mieux de balayer devant sa porte et d'arrêter de donner des conseils aux Français. Les donneurs de leçons, on n'en veut plus ! »

Mercredi, « Face à Baba » a séduit en première partie de l’émission, jusqu'à 22 h 40, une moyenne de 1,42 million d'individus pour une part de marché de 6,8 % sur les 4+. Pas si mal, pour une émission politique sur une des petites chaînes du paysage audiovisuel français, même si Marine Le Pen a fait moins d’audience que Mélenchon (1,84 million et 8,9 %) et Zemmour (2,21 millions de téléspectateurs et 10,5 % d’audience en moyenne). Valérie Pécresse sera à son tour sur le grill d'Hanouna le 23 mars, elle débattra notamment contre Marion Maréchal.

Marc Baudriller
Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

42 commentaires

  1. J’avoue avoir bien changé d ‘opinion sur Mr Hanouna depuis le débat avec Zemmour .
    On ne peut que lui reconnaître une impartialité qui est tout à son honneur !

  2. Je ne regardais plus Hanouna, et le face a baba m’a étonné de son honnêteté, cela ne m’étonne donc pas des remarques de ce sois-disant journaliste qui n’a que la haine pour ceux qui ne sont pas de son bord.

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