Affaire Laura Calu : voir le Mal en face

Laura Calu

Un des traits marquants de l’homme contemporain, festiviste et déchristianisé, est son incapacité à hiérarchiser le Mal. L’affaire Laura Calu le démontre une nouvelle fois.
À la suite de sa vidéo virale dans laquelle la jeune humoriste raconte l’agression ultra-violente de son petit ami à Paris dans la nuit de vendredi à samedi, une multitude d’internautes ont préféré pointer les dysfonctionnements des agents du service public lors de la prise en charge de la victime plutôt que d’affronter la question cruciale de l’ensauvagement de nos rues.

Certes, le récit de Laura Calu en dit long sur le délitement moral et financier des services publics. Des pompiers sous-équipés, des policiers blasés ne procédant à aucune ronde, un chauffeur d’ambulance se trompant de service médical, une course en taxi improvisée pour regagner les urgences dentaires à l’autre bout de la ville, la probable mise en danger de la victime, un sentiment d’abandon, la vision cauchemardesque d’un hôpital public désossé – l’horreur le disputant à l’absurde lorsqu’une employée d’accueil de la Salpêtrière demanda à l’humoriste de nettoyer elle-même, avec un chiffon et un peu de produit antiseptique, la dent de son compagnon ramassée sur le trottoir.

Cependant, comme un point aveugle, l’agression en elle-même semble passer au second plan chez ces internautes très politiquement corrects, dont les commentaires nombreux sont tous frappés du sceau du déni le plus complet. Et de ce nivellement des faits et de leur gravité. Alors qu’un millénaire d’Église et de bon sens populaire avait permis de hiérarchiser le Mal – le paroxysme de cet échelonnement étant l’Enfer de Dante –, la société contemporaine paraît incapable de le définir.

Désormais, la non-assistance à personne en danger serait aussi fautive que le lynchage. La prise en charge douteuse aux urgences aussi traumatisante que le passage à tabac d'un homme par trois prédateurs. La réaction désinvolte d’un policier aussi coupable que la tentative de mise à mort de la victime.

Une société qui ne sait regarder droit dans les yeux sa propre part d'ombre ni nommer clairement ce qu'elle voit court le risque de poursuivre durement des délits mineurs et d'absoudre les crimes les plus graves.

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Thomas Clavel
Ecrivain, chroniqueur et professeur de français en éducation prioritaire

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