Le roman de l’été : La Reconquête (11)

reconquete

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Patrick Buisson attendait depuis quelques minutes dans l’un des larges fauteuils imitation club du restaurant, il était intrigué par ce rendez-vous avec Alexandre, le coordinateur des Natifs, la jeune Marion et ce vieux roublard de Bannon. Quel étrange mélange, vraiment ! Il aimait ça. Il avait toujours estimé la jeune femme. Du temps de son soutien à Jean-Marie Le Pen, elle n’était encore qu’une enfant, mais l’enfant était devenue un animal politique doté de beaucoup de talent. Il avait quitté Le Pen pour Sarkozy, conscient que seul le second était présidentiable, mais il était toujours resté proche du vieux lion - sur le plan des idées, en tout cas. Sarkozy avait fait une campagne parfaite en 2007, parfaitement conforme à ses préconisations. Mais il n’avait pas la moindre conviction, il avait déçu son électorat et la droite ne s’en remettait toujours pas. Son problème était qu’il voulait plaire à tout le monde, en particulier aux bobos et aux médias. Un jour, on avait vu l’homme du Kärcher™, le lendemain celui qui épousait Carla. Deux facettes, irréconciliables. Et puis, Sarkozy l’avait trahi en 2012, le vouant aux gémonies alors qu’il lui devait tout, et ça, Buisson ne le pardonnerait jamais. Il s’était délecté de la chute du nabot à la primaire des Républicains en 2017, l’humiliation avait été violente : il avait voulu faire du Buisson sans avoir la moindre idée de ce sur quoi reposait sa ligne. Fillon et Juppé l’avaient battu. Il sourit à ce souvenir, il avait sorti le champagne pour l’occasion.
Il vit le jeune Alexandre arriver, il le reconnut facilement, il avait fait son enquête, accompagné de Marion.
– Bonjour, Monsieur, honoré de vous rencontrer. Vous connaissez déjà Marion, Steve ne devrait pas tarder.
– Je suis très heureux de cette rencontre, je suis attentif, depuis ses débuts, au parcours de Marion. Quant à vous, je n’ai pas l’honneur de vous connaître.
– Je m’en doute. Disons que je suis l’un des fondateurs du collectif des Natifs, chef d’entreprise de profession, passionné de politique, apartisan et, surtout, amoureux de la France. Je ne pense pas avoir besoin d’en dire plus.
– Cela a le mérite d’être concis, et quel est l’objet de notre rencontre ? J’avoue que votre courriel a attisé ma curiosité.
– Si j’ai pensé à vous contacter, ce n’est pas tant pour ce que vous avez fait sur le plan politique que parce que j’ai lu votre ouvrage La Cause du peuple, ouvrage que je tiens pour l’une des plus grandes références en ce qui concerne l’analyse politique et sociologique de notre pays. Si on évacue les anecdotes sans intérêt concernant Sarko et son pitoyable mandat, le reste est proche du chef-d’œuvre. C’est donc votre compréhension des enjeux de ce siècle et votre capacité d’analyse des attentes des Français que je viens vous demander d’apporter à Marion.
Patrick Buisson crut avoir mal entendu.
– À Marion, dites-vous ?
– À Marion, oui, il est probable qu’elle se présente à l’élection présidentielle.
Buisson se tourna vers elle, ses yeux pétillaient de malice, il se régalait de toutes ces confidences et un petit espoir monta en lui.
- Face à votre tante ? Je ne vous en aurais pas crue capable.
– Et vous aviez raison, je ne me présenterai que si elle se retire de l’élection et qu’elle m’apporte son soutien de façon officielle.
– Il n’y a aucune chance que cela arrive ! C’est peine perdue. Je la connais, elle ne lâchera pas la poule aux œufs d’or qu’est le RN pour elle et ses proches.
Alexandre reprit la parole.
– Nous avons lancé une pétition d’envergure à ce sujet, soutenue par des pontes du RN et des Républicains, ainsi que par un gigantesque collectif d’associations qui dispose d’une belle force de frappe.
– Les Natifs, j’imagine ?
– Bien entendu. Nous espérons atteindre 500.000 signatures d’ici quelques jours, cela devrait suffire à convaincre Marine Le Pen et Laurent Wauquiez de se soumettre, d’autant que nous avons des alliés parmi leurs plus proches collaborateurs et que nous leur offrirons des places de choix dans le gouvernement que nous constituerons.
– Habile.
– De leur offrir des places ?
– Non, ça, c’était une évidence. Je parlais du fait de passer par le biais d’une pétition. Dans le contexte actuel, entre l’effondrement des deux partis et la précipitation dans laquelle tout le monde se trouve du fait des délais courts avant la présidentielle, la pétition était probablement le meilleur moyen d’agir vite. Si elle rencontre le succès espéré, les médias se régaleront de l’information et les partis de droite n’auront pas le temps de contre-attaquer. La stratégie pourrait fonctionner si les places sont suffisamment attractives pour les deux partis.
– Les trois : je compte Dupont-Aignan, il pèse un certain poids depuis 2017, il est assez bien vu des Français depuis qu’il a osé soutenir Marine. Son côté anti-système plaît.
– C’est assez juste, même s’il manque de charisme.
Patrick Buisson commençait à avoir une vision plus claire de la situation, et elle lui plaisait. Et en quoi puis-je vous être utile ?
– Intégrez l’équipe de campagne. Soyez notre Monsieur Sondage, ouvrez-nous vos réseaux, apportez votre soutien à la pétition - publiquement, j’entends.
– Moi ? Mais je suis un pestiféré sur le plan politico-médiatique !
– Je ne le crois pas. Oui, votre réputation a été mise à mal avec l’affaire des écoutes, mais vous avez une aura auprès des électeurs de droite, et vous le savez très bien. Henri Guaino, Camille Pascal et Madeleine de Jessey annonceront, dans quelques heures, qu’ils soutiennent l’initiative et se rangeront derrière Marion. Et un collectif de 130 chefs d’entreprise également.
– Vous avez fait les choses en grand !
Il était convaincu depuis longtemps que Marine n’avait plus la moindre chance. Il sauta sur l’occasion de reprendre les armes.
- Eh bien, c’est d’accord, je suis prêt à vous soutenir. La seule condition est que vous me laissiez décider des verbatims à utiliser.
– C’était l’une de mes demandes.
– Entendu, je crois que notre rendez-vous est arrivé.
Steve Bannon était en effet en train d’attendre au comptoir du bar. Alexandre se tourna vers lui et lui sourit.

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