Le président de la Commission européenne a déclaré sa volonté de nous octroyer une « heure d’été éternelle », c’est-à-dire d’abolir le changement d’heure annuel. Ces déclarations font suite à un vote du Parlement européen, le 8 février 2018, et aux résultats d’une consultation (qualifiée pompeusement et abusivement de « référendum » par M. Juncker), les deux se prononçant à une forte majorité pour une heure unique toute l’année.

Ceux qui se félicitent de cette volonté d’abolir le changement d’heure ne devraient pas se réjouir trop vite car, si l’on n’y prend garde, les décisions en cours d’élaboration peuvent conduire, pour les Français, à un remède pire que le mal : le maintien de « l’heure d’été » toute l’année !

Les Français ont été très peu nombreux à participer à la consultation. Et pour cause, personne ne les ayant informés de sa tenue ! La France a pourtant, beaucoup plus que les autres pays, intérêt à l'abrogation de « l'heure d'été ». La plupart de nos concitoyens ignorent que nous nous trouvons, à cet égard, dans une situation totalement extravagante : alors que les voisins allemands, britanniques, italiens, etc., vivent en hiver à l'heure réelle de leur méridien et ne connaissent donc, en été, qu'une heure de décalage par rapport à cette heure réelle, les Français, quant à eux, subissent un décalage de deux heures. La place manque, ici, pour éclairer les tenants et aboutissants du changement d’heure depuis son instauration en 1976, que les données concrètes du réquisitoire contre son maintien. On en trouvera un exposé exhaustif dans l’ouvrage de Léonor Gabarain-Echevarria, Au musée des erreurs : l’heure d’été, Édilivre, 2015, ainsi que sur le site de l’association Contre l’heure d’été double. On soulignera seulement que les effets négatifs en sont, de ce fait, beaucoup plus prononcés chez nous que chez les voisins.

Etant donnés le confusionnisme qui règne dans les esprits (notamment médiatiques !) sur ce sujet et le « suivisme » auquel la France nous accoutume depuis des décennies, on peut craindre que se dessine chez nous un courant d'opinion favorable au maintien, toute l’année, de l'heure d'été actuelle (heure réelle + deux heures). Or, cette solution serait dix fois pire que le mal présent. L’avancement de deux heures, déjà néfaste en été, ferait connaître en hiver toute l’étendue de sa malfaisance. Peu de gens sont conscients de ce que notre heure officielle d'été est décalée de deux heures par rapport à la réalité et sont donc en mesure d'en imaginer les effets en hiver. Ils voient seulement que la nuit tomberait une heure plus tard, sans se représenter les conséquences de ce que cette heure leur soit volée le matin : cela signifierait qu'ils se lèveraient (en moyenne) à 5 heures réelles, dans la nuit noire, et que jusqu'à 10 heures du matin (soit 8 heures réelles) au moins, il faudrait affronter l'obscurité et le froid : éclairages allumés, circulation aux phares ; les écoliers entreraient à l'école à 6 h 30 (6 heures, en Bretagne) et passeraient la matinée à y attendre le lever du jour, les travaux d’extérieur seraient quasiment impossibles avant 10 heures, etc. ; et quand ils quitteraient leur travail, il ferait nuit de toute façon… Bonjour les dégâts pour la santé publique et la consommation d’énergie !

L’heure d’été toute l’année, pourquoi pas ? Mais à condition que ce soit la vraie, celle de notre fuseau horaire, c’est-à-dire celle qu’on nomme actuellement « heure d’hiver », qui n’est pas notre vraie heure d’hiver mais celle de l’Europe centrale.

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18 septembre 2018 à 13:06

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