Lutter contre les délocalisations, qu’il disait, le candidat Macron : raté !

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C'était écrit noir sur blanc dans son programme économique : pour lutter contre les délocalisations, il fallait « baisser le coût du travail » et « baisser les charges pour les entreprises ». La main sur le cœur, Emmanuel Macron souhaitait « une Europe qui développe nos emplois et nos entreprises » : sur ce sujet comme sur tant d'autres, c'est (encore) raté ! Bic prend ses cliques et ses claques pour se délocaliser en Tunisie.

Les décennies passent, les gouvernements se succèdent, les mêmes promesses sont réitérées, rien ne change : les délocalisations se poursuivent, et celle de Bic se trouvait dans les tuyaux des actionnaires depuis longtemps.

En 2012, il achetait un terrain de trois hectares à Bizerte (nord de la Tunisie), rapportait, la même année, La Tribune. Coût de cet "investissement sur le moyen terme" ? Douze millions d'euros. En 2015, il rendait la chose publique en annonçant seulement « envisager le transfert d'une partie de son activité à Bizerte ». En janvier 2019, les 39 salariés de Bic Sport, située à Vannes, ne digèrent pas que leur usine prenne le large au motif que le groupe n'a trouvé aucun terrain sur place pour déménager 80 % de sa production ! À croire, en plus, qu'il s'avérait impossible, en France, de créer une "usine verte" : elle a bon dos, l'écologie...

L'entreprise connaît-elle la crise - et quand bien même - qu'elle se verrait contrainte d'employer des Tunisiens payés 338 dinars par mois, soit environ 112 euros pour 48 heures de travail par semaine (SMIC et horaires tunisiens, chiffres de 2015) ? Pas vraiment. Avec deux milliards de chiffre d'affaires en 2017 pour un bénéfice net de 288 millions d'euros, elle a pu distribuer 161 millions d'euros à ses actionnaires. Alors, on comprend la colère des salariés en grève illimitée, bientôt licenciés : sur un total de 39, seuls 6 pourraient être « reclassés » à Marne-la-Vallée, selon Le Parisien. Quelle chance pour eux, comparés aux premiers, de devoir déménager…

En fait, il y a une autre raison à ce plan de licenciement dû à une délocalisation sous des cieux plus avantageux. À l'origine, la filiale Bic, souhaitant recentrer ses activités sur ses productions historiques (stylos Bic, rasoirs, papeterie), a vendu au groupe Tahe Outdoors sa filiale Bic Sport (domaine du surf) qui lui louait ses locaux. Et alors ? Alors, le géant estonien voulant acquérir la totalité afin d'augmenter sa propre production, Bic n'avait plus qu'à laisser place nette. Appât d'encore plus de profits grâce à des salaires tirés vers le bas d'un côté et, de l'autre, attrait financier en ne prenant pas le risque de rater la vente, voilà à quelle sauce sont mangés les ouvriers.

Et, pour couronner cet empilement, non pas d'illégalité, mais d'absence de moralité qui jette les salariés dans leur propre pays comme de vieilles chaussettes, devinez ce qu'ose leur imposer le géant financier, sans aucun scrupule ? De former, jusqu'au mois de juillet, les ouvriers tunisiens qui, en Tunisie, vont les remplacer !

Que de promesses en diverses « priorités » depuis des décennies de la part des gouvernants qu'ils savent pertinemment ne pouvoir honorer ! Lutter contre le chômage ? Une priorité. Lutter contre la baisse du niveau des écoliers ? Une priorité. Lutter contre l'immigration illégale, contre la délinquance ? Une priorité. Lutter contre les délocalisations ? Encore une priorité. Et pour tout cela, quels magnifiques résultats !

Que pourrait bien susurrer Emmanuel Macron aux 33 Vannois éjectés de leur emploi ? Qu'ils n'ont qu'à se former à d'autres « compétences ». Et à ceux balancés à 500 kilomètres de chez eux, de gaiement déménager ? Dans les deux cas, n'est-ce pas, il n'y a qu'à traverser la rue…

Caroline Artus
Caroline Artus
Ancien chef d'entreprise

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