Étrange échange, sur CNews, lundi soir ! Celui d’un monsieur qui laissait parler l’autre contre l’autre qui le coupait et l’invectivait. On aura tout dit, là-dessus

Ce fut, en réalité, l’invective contre le souci du détail et du vrai. Par trois fois, Mohamed Sifaoui dit d’Éric Zemmour qu’il pensait comme un salafiste. Comprendre : qu’il en partageait la vision de l’islam. Selon lui, l’islam n’est pas l’interprétation rigoriste datant du Moyen Âge mais « ce que chaque musulman en fait. [J’ai] toujours été contre l’islamisme et contre l’islam politique. » Zemmour avait répondu par avance par sa belle formule : l’islam, c’est se libérer des lois des hommes (les lois civiles) pour se soumettre à Dieu, la France, c’est se libérer des lois de Dieu pour se soumettre à la loi des hommes ; une sorte de « rendez à César »...

On regretta que les deux interlocuteurs n’aient pas débattu davantage sur la question de Mme Kelly : « L’islam est-il compatible avec la République ? » Éric Zemmour avait déjà donné sa réponse : « La France, c’est la liberté de penser et celle de l’individu, l’égalité homme-femme, la fraternité. L’islam, c’est la soumission à Dieu, l’inégalité homme-femme, la fraternité réduite à la communauté (musulmane). » Las, Sifaoui ne répondit pas et revint dans l’invective.

Qu’en reste-t-il, in fine ?

Un Éric Zemmour tentant de mettre son interlocuteur face à ses contradictions ; un Sifaoui se défendant d’approuver toute interprétation politique de l’islam et fuyant quand une question précise lui était posée (sur le voile). On peut approuver les efforts de ce dernier pour se détacher d’un rigorisme qui viserait à vouloir appliquer quelque charia en France, mais il me semble être là trop décalé de la réalité subie ou approuvé par trop de ses coreligionnaires.

Doublement décalé : l’IFOP publiait récemment un sondage selon lequel 49 % des musulmans de 15 à 25 ans pensent que la laïcité doit s’adapter à la pratique de l’islam. Et que 27 % des musulmans pensent que la charia doit primer sur les lois de la République.

À la remarque de Zemmour lui rappelant que l’interprétation de l’islam est close depuis des siècles, Sifaoui s’en tient à sa réforme personnelle ; une sorte d'« ijtihad » (interprétation des textes) personnelle, laquelle ne vaut pas et ne lui donne pas autorité pour parler au nom de l’islam. Le Grand Rabbin de France avait raison, lui qui invitait récemment ses amis musulmans à en rouvrir les portes afin de « sortir d'une interprétation trop archaïque des textes ».

Parachèvement ou réduction de ces premières observations ? Par trois fois, Mohamed Sifaoui est allé jusqu'à demander à Éric Zemmour de ne pas lui donner de leçon, lui interdisant de s’appuyer sur quelque auteur, comme le professeur Rémi Brague ou Chateaubriand ! Cela, après lui avoir dit, au début des échanges au sujet du classicisme, que « oui, je vais vous donner une leçon, moi, Mohamed Sifaoui ».

Le donneur de leçons n’est pas celui qui fut attaqué, Zemmour, mais l’attaquant : Sifaoui.

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16 octobre 2019 à 22:06

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