C’est devenu un rituel depuis 1927, quand l’aviateur Charles Lindbergh est tenu pour « homme de l’année » par le prestigieux hebdomadaire américain. Une distinction dont seront ensuite gratifiées des personnalités aussi diverses que (liste non exhaustive) : Pierre Laval (1931), Adolf Hitler (1938), Joseph Staline (1939), Winston Churchill (1949), Charles de Gaulle (1958), l’ayatollah Rouollah Khomeini (1979), le pape Jean-Paul II (1994), Vladimir Poutine (2007) ou Elon Musk (2021).

À l’occasion du millésime 2022, le moins qu’on puisse prétendre est qu’Edward Felsenthal, rédacteur en chef du Time, ne lésine pas dans le lyrisme, justifiant ainsi ce choix éditorial : « Pour avoir prouvé que le courage peut être aussi contagieux que la peur, pour avoir incité les gens et les nations à s’unir pour défendre la liberté, pour avoir rappelé au monde la fragilité de la démocratie et de la paix, Volodymyr Zelensky et l’esprit de l’Ukraine sont la personnalité de l’année 2022. » Tout dans la nuance, en quelque sorte.

Il est vrai qu’en plein conflit fratricide entre Russie et Ukraine, l’heure serait plutôt au manichéisme ; même si, de fait, ce premier pays demeure l’agresseur alors que le second est l’agressé. De là à légitimer la furie guerrière d’une Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, ou le patriotisme à la Paul Déroulède d’une Sandrine Rousseau, défilant dans les rues parisiennes, enveloppée d’un drapeau ukrainien alors que le nôtre ne lui inspire finalement que répulsion, un minimum de sang-froid ne serait sûrement pas de trop.

Car au-delà de la rhétorique de l’agresseur et de l’agressé, il faut bien admettre que chacun a ses raisons, bonnes ou mauvaises, mais toutes plus ou moins légitimes.

Moscou ne voulait pas d’une Ukraine de plus en plus inféodée à l’Europe et à l’OTAN ; c’est-à-dire aux USA. Kiev, au moins dans sa partie occidentale, s’est toujours méfiée de la tutelle du Kremlin ; la grande famine orchestrée par Joseph Staline entre 1932 et 1933 a évidemment laissé des souvenirs.

Mais que la rédaction du Time fasse sienne une vision eschatologique qui opposerait « la démocratie et la paix » à la barbarie cosaque, voilà qui paraît à la fois bien léger et passablement irresponsable, même si cette sémantique est aujourd’hui reprise par la grande majorité du monde politico-médiatique. Avec quelques exceptions, toutefois. Ségolène Royal et Marine Le Pen, par exemple, qui appellent à négocier au plus vite et, dans une très très moindre mesure, Emmanuel Macron ; reconnaissons-lui au moins ça.

Pour le reste, une question se pose : qui est vraiment Volodymyr Zelensky ? Un chevalier blanc ayant défié une corruption endémique ? Un héraut devenu héros ? Comme toujours, la vérité se trouve à mi-chemin. Résumons.

Volodymyr Zelensky, c’est une sorte de Cyril Hanouna qui aurait réussi. Il se fait connaître à la télévision, non pour une émission de débats, mais par une série, Serviteur du peuple, dans laquelle il incarne le rôle d’un professeur intègre, Vasyl Holoborodko, parvenant à se faire élire président de la République contre des élites corrompues. La troisième saison est diffusée en 2019, juste avant l’élection présidentielle le voyant parvenir aux plus hautes fonctions de l’État ukrainien, battant largement le président sortant, Petro Porochenko, affairiste pro-européen.

Mais derrière le conte de fées, il y a la réalité. Serviteur du peuple est diffusée par la chaîne 1+1, propriété d’un des plus grands oligarques du pays : le multimilliardaire Ihor Kolomoïsky, personnage plus que trouble. Tout comme paraît tout aussi trouble le train de vie de Volodymyr y, épinglé dans le scandale des Pandora Papers l’ayant obligé à s’expliquer sur l’acquisition de trois propriétés en plein cœur de Londres et d’une multitude de sociétés offshore. D’où l’interrogation, en 2020, d’Atlantic Council, centre d’analyse américain : « Volodymyr Zelensky, serviteur du peuple ou serviteur des oligarques ? »

Dans sa politique étrangère, notons que l’homme sait demeurer prudent. À la fois pour et contre le puissant voisin russe, entendant se rapprocher de l’Europe et de l’OTAN, mais pas trop. Bref, un ludion. Mais qui se révèlera lors des premiers jours du conflit. Alors que les USA lui proposent de l’exfiltrer en lieu sûr, il aura ces mots : « Le combat est ici, à Kiev. J’ai besoin de munitions, pas d’un chauffeur. » Quoi qu’on puisse penser de ce jeune président, que l’anecdote ait été mise en scène ou pas, voilà qui ne manquait pas d’une certaine classe.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/12/2022 à 17:40.

8345 vues

08 décembre 2022 à 17:08

La possibilité d'ajouter de nouveaux commentaires a été désactivée.

49 commentaires

  1. Qui est Zelinsky ? Un saltimbanque de bas niveau devenu la marionnette du chef Yankee.
    On connait tristement le sort des marionnettes dans l’histoire.

  2. L’argent a remplacé le Sacré. Il ne faut donc pas s’étonner que des marionnettes soient élues en lieu et place de personnes responsables fidèles à des valeurs qui les dépassent.

    1. « élues » terme impropre à mon avis, mis en place serait plus approprié vu l’état de lavette de l’individu.

  3. « de fait, ce premier pays (la Russie) demeure l’agresseur »
    Je rêve?
    C’est la Russie qui bombarde tous les jours ou presque, depuis 8 ans et demi, les civils du Dombass?

    1. Oui, il faut le dire et le redire . Ce sont bien les Américains qui auront tout fait pour « pousser- à- la- faute, » pendant 8 ans. Ils sont très forts pour cela . Les Japonais en savent quelque chose.

    2. Incompréhensible en effet, cette mémoire historique sélective, comme cette unanimité de gauche à droite condamnant « l’agresseur »! Conditionnement, opportunisme, ou…trouille du qu’en-dira-t-on? Lamentable et dangereux.

  4. Il faut reconnaître une certaine ascension à cet éphémère leader Ukrainien. Bien loin l’époque où il jouait du piano à l’aide de ses attributs virils. Moralité, la musique mène à tout mais n’appaise pas toujours les mœurs.

  5. On devrait patienter encore un an. Zelensky a plutôt échoué à déclencher une troisième guerre mondiale au profit de l’Ukraine. Il peut encore mieux faire et Sleepy Joe ne semble pas encore prêt pour le suivre dans ses frappes en Russie.
    L’Europe n’est pas encore totalement à genoux, mais patience, cela vient …

  6. « The Time », c’est ce même magazine qui en 1938 nomma Hitler homme de l’année…
    On sait ce qui suivit, et comment il finit.
    Ça laisse un peu d’espoir !

  7. Être élu fripouille de l’année et assassin des Ukrainiens voilà ce qu’il aurait du revoir comme titres. Homme de paille des USA qui veulent s’approprier les riches tchernozium d’Ukraine et faire de la Russie un état enclavé sans accès au mers (Méditerranée et Baltique), voilà ce qu’il est. A chaque peuple son traître. Nous, nous avons eu les nôtres qui ont sacrifié nos fleurons industriels au profit des Teutons et Yankees. Aujourd’hui nous avons un dirigeant qui préfère soutenir Zelensky plutôt qu’éviter que les Français aient froid et mangent à leur faim. Bien sûr c’est dans notre intérêt et dans celui de la planète….comme Ceausescu affamait les Roumains pour éviter qu’ils soient obèses et aient du cholestérol.

    1. @ Pyrus. Tout à fait d’accord avec votre commentaire et analyse.  » La fripouille de l’année « , ou comment nous faire prendre des vessies pour des lanternes !

  8. Zelenski a trouvé le rôle de sa vie et prouvé qu’il pouvait y être bon. Nul doute que son objectif est d’entraîner un maximum d’occidentaux dans sa campagne et de faire intégrer l’Ukraine dans l’Otan . Une guerre mondiale ne semble pas l’effrayer pourvu qu’il reste dans l’actualité.
    Il serait temps que les diplomates agissent pour cesser l’escalade mais cela demande un examen sérieux de la situation sans les journalistes à propagande qui font dans chacun des deux camps bouillir leur marmite.
    Nous avons depuis le début une vue manicheïste rendue plausible par l’envahissement de l’Ukraine par l’armée russe. Les repousser était parer au plus pressé mais lorsque l’affaire s’enlise cela n’augure rien de bon.

  9. Trahir les siens, les envoyez à la mort en étant le domestique bien rémunéré des USA et on vous décore. Plus ignoble que ce comédien raté ce doit être très difficile à trouver!. Quant à la Russie, elle, ne fait que vouloir protéger sa nation, ce qui gène l’oligarchie mondialiste. Donc à tuer au plus vite pour assouvir quelques cinglés.

    1. Personne ne menaçait la Russie.
      C’est une fable
      Écoutez les vidéos de Mgr Gollnisch, directeur de l’oeuvre d’Orient, sur le sujet!

      1. oui, c’est un peu comme à Cuba… personne ne les menaçait directement, et pourtant…
        Quand l’Otan installe des bases de plus en plus proche des frontières Russes, mettant Moskou à portée de tir potentiel, bah évidemment la réaction d’un Poutine était prévisible – Et au delà de çà, si les accords de Minsk avaient été respecté, RIEN de tout cela n’aurait eu lieu !

      2. ah oui ? et en 1962 les soviétiques ont envoyé à Cuba des missiles « factices » ? ce n’est pas ce qu’à pensé Kennedy qui avait bien compris le danger !!

      3. Mais bien sur!
        Les civils du Donbass ne sont pas morts à cause des tirs de l’Ukraine et c’est Moscou qui tirait.
        Mais peut être écrivez vous du troisième degré.
        Auquel cas, bravo.

      4. Très récemment l’ancienne Chancelière Angéla Merkel aurait avoué dans une intervention que le processus de paix de Minsk en 2014/2015 n’était qu’une ruse pour renforcer les capacités militaires offensives de Kiev. Ses paroles font écho à celles de l’ancien président ukrainien Porochenko qui avait dit exactement la même chose plus tôt dans l’année. C’est donc un piège qui aurait été tendu à Poutine.

        Vous pouvez interroger Mrs Gollnisch de votre côté. Nous en France il est important que la presse interroge Hollande notre représentant dans ce processus et ces accords.

        Ensuite chacun pourra apprécier les fables des uns et des autres.

  10. Je pense qu’il est dans la même catégorie que ce « Pepe Grillo » qui fut brièvement un élu populiste et de tendance poujadiste en Italie. Comme les Américains n’avaient pas besoin de Pepe Grillo, sa carrière s’est arrêtée là, quant à Zelenski, elle durera le temps de consolider le régime pro-américain en Ukraine à la fin de la guerre, de vendre aux fonds de pension américains les dernières terres agricoles et autres fleurons que ce pauvre pays possédait.

    1. Encore une fable de la propagande russe!
      Les fonds de pension américains ne possèdent pratiquement aucune terre en Ukraine!

      1. FB nous dit « de vendre… » en aucun cas il n’est fait mention que les fonds de pensions posséderaient des terres ukrainiennes…
        Attention à l’interprétation…

    2. Je ne sais pas qui des Russes ou des occidentaux otaniens , sont les plus respectueux de l’âme ukrainienne mais force est de constater que, nous, occidentaux avons utilisé ce pays avec beaucoup de « légèreté » un peu comme un pays conquis . C’est peut être paradoxe de dire cela, après l’agression des troupes de Poutine .Mais jusque là ce pays a été considéré par les occidentaux comme le nouvel eldorado agricole de par la superficie de sa plaine et aussi un pays soumis à tous les fantasmes occidentaux que ce soit les dons d’organes , l’organisation de filières pour la GPA , le trafic d’ agences de matrimoniales qui fournissait de belles ukrainiennes à des hommes qui ne trouvaient pas chaussures à leur pied dans leur propres pays . Est ce que Zelensky est l’homme capable de protéger son pays militairement mais aussi identitairement de toutes ces turpitudes ou de l’enfoncer un peu plus dans la dépendance occidentale ?Parce qu’aujourd’hui, il me fait plutôt penser à un Mussolini sachant hausser du menton pour réveiller le romain qui sommeillait en chaque italien, mais qui ,dans la réalité, a entrainé son pays dans le chaos !

  11. Quand un assassin qui massacre le Dombass reçoit ce titre on se rend compte que l’on est tombé bien bas , quand il appelle les pays de l’UE à s’allier à lui pour faire la guerre à la Russie qui n’a jamais été notre ennemi on se dit que oui les fous , les malades sont au pouvoir .

    1. Comme ce fameux « Time » » avait mis à l’honneur l’année dernière Assa traoré , Greta Thunberg !
      Zelensky, un corrompu , un résistant grâce à l’aide des EU et de l’Europe, rejetant la négociation de paix et qui n’hésite pas à sacrifier son peuple ne mérite aucune compassion
      En effet , la Russie a toujours admiré, aimé notre pays, je soutiens le peuple russe sans oublier le peuple ukrainien victime de leur dangereux va t-en guerre !

      1. Un jour nous finirons par savoir combien ce saltimbanque a engrangé avec ses shows larmoyants permanent…
        Le missile tiré sur la Pologne à dessein est déjà oublié, tout comme le sabotage du gazoduc !
        En attendant nous savons combien cela nous coûte…

  12. Quand les fous sont au pouvoir , on a vue dans le passé ce dont ils ont été capables et pourtant on continue et on en remet au pouvoir , aujourd hui grâce à ces cingles on est à l Aube de la 3e guerre mondiale et personne ne réagit , on devrait être massivement dans les rues et faire entendre notre désaccord tous les jours contre toutes les mesures debiles qui nous mènent au chaos

  13. M. Gauthier, dans les « nominés » de Time que vous listez, curieusement, vous faites l’impasse sur la cuvée 2020 où Assa Traoré plastronnait en première de couverture. Pour ce qui est de l’histrion Macron, il n’a jamais appelé sérieusement à « négocier au plus vite ». Tout au plus s’est-il ridiculement poussé du col et s’est, de ce fait, totalement griller. Dans cette affaire, la France est, une fois encore, la risée du monde entier. Donc, non, je ne lui reconnais même pas ça ! Quant à trouver une « certaine classe » au bouffon archi-corrompu Zelinski, les bras m’en tombent.

    1. ++++! Vous avez totalement raison, non seulement la France, ce qui l’en reste, est moquée, surtout à cause d’un guignol qui brasse de l’air, mais plus grave, qui nous le fait payer cher.

Les commentaires sont fermés.