C’est un parti en mille morceaux qui s’avance en claudiquant vers les élections régionales. Jean-Vincent Placé, Barbara Pompili et autres cadres échaudés par les « dérives gauchistes » sont allés voir ailleurs si l’herbe y est plus verte, à défaut d’être en vente libre. Une initiative inattendue risque de semer encore un peu plus la zizanie dans les rangs : l’organisation d’un contre-référendum pour faire la nique aux socialistes, initié par Julien Bayou, porte-parole EELV, avec Christine de Haas, ex-PS qui fut conseillère de Najat Vallaud-Belkacem, et Elliot Lepers, autoproclamé « activiste numérique ».
Obsédé par l’irrépressible ascension du Front national, Jean-Christophe Cambadélis avait annoncé, quinze jours plus tôt, la tenue d’un référendum du 16 au 18 octobre, appelant les militants à se prononcer pour l’union des forces de gauche. Objectif : ramener au bercail les brebis égarées d’EELV, bien décidées à présenter leurs propres candidats, voire tentées de pactiser avec le diable Mélenchon. La question posée est limpide : « Face à la droite et à l’extrême droite, souhaitez-vous l’unité de la gauche et des écologistes aux élections régionales ? » Et on n’a pas lésiné sur les moyens : un million de tracts, 100.000 affiches, 5.000 urnes, 2.000 points de vote, un site Web. La manœuvre est habile, EELV a de quoi trembler, d’autant plus que ses déserteurs ont fondé un nouveau parti, « Écologistes ! », qui fait, lui, allégeance au PS.
En réaction, le contre-référendum mitonné par le trio Bayou-Haas-Lepers se veut une riposte potache, avec un petit côté impertinent qui la rendrait presque sympathique si l’avenir de la France ne pesait pas dans la balance. Reprenant exactement le même graphisme que l’affiche du « vrai » référendum et se déroulant le même jour, mais uniquement par voie électronique, il ironise : « Face à la droite et à l’extrême droite, souhaitez-vous que la gauche mène une politique de gauche ? » ; allusion appuyée à la macronisation des esprits qui sévit en Hollandie ces derniers mois. À Solférino, la plaisanterie ne fait pas rire à gorge déployée ; le rassemblement du « peuple de gauche » préconisé par Cambadélis se fissure de toutes parts, sous la pression des luttes de pouvoir et des chamailleries politiciennes, avec, en toile de fond, le spectre d’une victoire du grand méchant FN, tellement plus alarmant à leurs yeux que le chômage, l’insécurité ou la déferlante migratoire - qu’Emmanuelle Cosse appelle d’ailleurs de ses vœux, c’est dire si elle est coupée de la France périphérique.
Mais y a-t-il encore un « peuple de gauche » ? De quelle gauche François Hollande est-il lui-même le dépositaire ? Celle de l’assujettissement à Bruxelles, des emplois précaires, des revendications communautaristes, du matraquage fiscal, de la dette publique pharaonique ? Celle qui « n’aime pas les riches » au point de fabriquer des pauvres à la chaîne et de les faire travailler le dimanche en prime ? La gauche en tant que concept n’est plus qu’un mythe. La gauche bobo européiste, qui ignore même parfois la signification du mot « peuple », n’a plus grand-chose à voir avec la gauche souverainiste et antilibérale de Michel Onfray. Les Verts constituent la plus remuante incarnation de cette rupture. Les ferveurs référendaires qui en résultent ne manqueront pas de polluer le débat public durant les prochaines semaines. Tous les coups sont permis pour survivre, au moins médiatiquement.
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