Que le responsable du parti doive, au premier échec, démissionner sans délai est assez caractéristique de la culture de l’ancien RPR, devenu UMP puis LR. C’est arrivé à Juppé, puis à Séguin. On y a la « culture d’entreprise » ; on se veut hommes de décision, dans le style brusque imprimé par Jacques Chirac.

Est-il utile de dire que de telles méthodes ne facilitent pas la continuité politique, ni les desseins de long terme ?

Laurent Wauquiez a résisté quelques jours. Mais il a dû céder aux pressions des uns et des autres. Un sondage est tombé à pic pour précipiter sa démission.

Ses opposants pensent que c'est la droitisation qu’il a imprimée, symbolisée par la désignation de François-Xavier Bellamy en tête de liste des européennes, qui serait responsable de l’échec aux européennes. Rien ne le prouve.

Un parti ne peut subsister sans une identité claire. Le moins qu’on puisse dire est que ceux qui ont critiqué la droitisation de Wauquiez, si d’aventure ils venaient à lui imposer un successeur, auront du mal à la rendre aux Républicains. Beaucoup se demandent, d’ailleurs, ce qui les distingue de Macron et du macronisme. À la rigueur, Retailleau a encore un peu de couleur.

Les Républicains ont commis de graves erreurs. Wauquiez a brièvement enfilé un gilet jaune pour, aussitôt, s’en excuser. Il a eu tort – de s’excuser. Si l’on décrypte leurs principales déclarations, leurs dirigeants n’ont trouvé à reprocher au gouvernement rien d’autre, sinon qu’il n’allait pas assez loin dans les réformes saignantes qu’il fallait imposer au peuple, celles-là mêmes qui ont suscité la colère des gilets jaunes. C’est là la sanction de l’adhésion à l’euro qui ne laisse qu’une marge de manœuvre sociale proche de zéro. Mais c’est aussi l’effet d’un singulier dessèchement politique. Chirac, Sarkozy, pris dans le même dilemme, avaient au moins tenté de sauver les apparences, au risque de paraître démagogues. Comme le dit justement Henri Guaino, perdant une partie de la bourgeoisie, « macronisée », Les Républicains auraient dû aller au peuple ; ils ne l‘ont pas fait.

L’autre erreur de Wauquiez est d’avoir manqué sa cible. Les Britanniques, qui pratiquent le bipartisme depuis trois siècles, le savent : le rôle de l’opposition est de s’opposer. À qui ? Au pouvoir, et rien qu’à lui. Ignorer le reste, RN compris. Concentrer son tir sur Macron présentait le double avantage de jouer le rôle attendu sans avoir besoin de courir après le RN et, donc, en restant politiquement correct. Wauquiez serait alors apparu comme le seul chef de l’opposition. Il aurait, certes, perdu en route les « Constructifs », mais quel que soit leur poids politique, séparés de la maison mère, ils se seraient vite marginalisés - disons « lagardisés ». Préservant son identité, le parti, même rétréci, aurait pu servir de base à une reconquête.

L’autre inconvénient de ne pas assez s’opposer est d’apparaître comme le tiers parti entre le pouvoir et le Rassemblement national, bref, le nouveau MoDem, mais la politique est binaire, pas ternaire.

L’occasion de prendre la tête de l’opposition a été manquée par Les Républicains. Dans le contexte actuel, le successeur de Wauquiez, quel qu’il soit, aura du mal à rendre une identité au parti. Comme disait Edgar Faure, Wauquiez était irremplaçable, c’est pourquoi, dans le rôle qu’il a malgré tout tenté de tenir, il ne sera pas remplacé.

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06 juin 2019 à 11:30

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