Vincenzo Sofo : « Nous sommes très optimistes »

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Agé de 35 ans, Vincenzo Sofo est un des hommes politiques qui montent en Italie. Député européen depuis le 1er février 2020, l’époux de la Française Marion Maréchal a quitté la Ligue en 2021 pour rejoindre Fratelli d’Italia (Frères d’Italie), le parti national-conservateur de Giorgia Meloni, bien placé pour emporter les élections législatives qui se dérouleront le 25 septembre prochain. À dix jours de cette échéance majeure pour l'Italie mais aussi pour l'Europe, il nous livre en exclusivité son analyse sur les enjeux du scrutin, sur ses espoirs ainsi que sur les similitudes et les différences entre les deux paysages politiques français et transalpin.

Marc Baudriller. Qu’attendez-vous des élections législatives italiennes qui se dérouleront le 25 septembre ?
Vincenzo Sofo. Nous sommes très optimistes, car les sondages sont très clairs. Sur le terrain, nous voyons que les Italiens ont envie d’avoir un gouvernement de droite. En Suède, il est intéressant de voir la montée du parti conservateur à 20 %. Ailleurs en Europe, il y a aussi cette demande. Aujourd’hui, si on écoute les Italiens, le vote devrait être assez clair : ils disent vouloir un gouvernement de centre droit.

M. B. Combien espérez-vous de députés ?
V. S. Selon les sondages, nous aurons une large majorité à la Chambre. Mais nous ne faisons pas de pronostics précis des députés sous l’étiquette Fratelli d’Italia, car nous ne raisonnons pas en logique de parti mais en logique de coalition. Giorgia Meloni veut dépasser son propre parti. C’est une grande différence par rapport à la France. Les sondages disent que la coalition de droite en Italie aura la majorité.

M. B. Quelles sont les raisons du succès annoncé de Giorgia Meloni ?
V. S. Il y a trois raisons de fond. La première, la plus immédiate, c’est qu’elle préside le seul parti d’opposition au gouvernement Draghi et qu’elle a refusé de faire des alliances contre-nature. Elle a refusé de gouverner avec la gauche. Elle tient un discours clair : elle n’a rien à partager avec la gauche, dit-elle. Elle entend seulement créer une coalition de droite pour gouverner.
Deuxièmement, la Lega [la Ligue du Nord de Matteo Salvini, NDLR] a commencé à s’allier avec le Mouvement cinq étoiles [mouvement favorable à la démocratie directe de Giuseppe Conte, NDLR], puis au final avec le Parti démocrate [centre gauche, présidé par Enrico Letta, NDLR]. Or, les gens ont besoin d’une vision cohérente. Aujourd’hui, la seule vision cohérente, c’est celle de Giorgia Meloni. Les gens veulent un parti de droite. La Lega a eu des positions plus proches de Forza Italia [le parti de Silvio Berlusconi, NDLR]. Salvini avait arrêté la bataille pour l’Italie du Nord et, maintenant, il repart sur le thème de l’autonomie en proposant de déplacer certains ministères de Rome à Milan. Il reprend les codes de la Lega des origines. Cela laisse, du coup, un espace à la droite nationale, un espace que Meloni occupe.

M. B. Et le troisième point ?
V. S. Troisièmement, Giorgia est la seule, à droite, à avoir toujours défendu une logique de la coalition. Elle s’est battue pour préserver la solidité de cette alliance. Au moment du choix des candidats dans certaines élections régionales ou municipales, elle a toujours assumé la volonté de s’allier avec les autres partis du centre droit. Elle ne se pose pas seulement en leader d’un parti mais aussi comme le leader du camp national. Au moment des négociations entre partis, elle a renoncé en partie à certaines circonscriptions qu’elle aurait pu gagner : elle les a laissées à des candidats de partis mineurs. Ceci, afin de préserver la coalition. Car nouer une alliance, c’est la seule façon pour la droite de parvenir au pouvoir. Les Italiens ont apprécié cette démarche. Ils ont vu quelqu’un qui voulait créer une harmonie entre des forces aux valeurs communes à la base, traversées de quelques divergences. Lors de l’élection du président de la République, le seul leader politique qui ait gardé cet esprit de coalition, c’est Giorgia Meloni.

M. B. Elle a donc réussi à constituer un pôle solide face au reste du spectre politique divisé ?
V. S. Oui, la gauche s’est déchirée. Le centre droit n’était pas très uni non plus. Seule Meloni a gardé sa ligne.

M. B. En termes de programme, Giorgia Meloni est-elle plus proche du Rassemblement national, de Reconquête ou de LR ?
V. S. C’est trop tôt pour faire une comparaison avec le parti d’Éric Zemmour. La campagne électorale n’est pas un moment de construction politique, donc il faudra voir comment Reconquête s’installe sur la scène politique, et pas seulement sur la scène électorale. On comprendra alors quel est son projet. Le projet de Fratelli d’Italia est assez différent de celui du Rassemblement national. C’est un projet de droite conservatrice, plus patriotique que populiste. Il n’y a pas de lutte des classes, plutôt une recherche d’harmonisation entre les différentes catégories sociales qui composent un peuple. Elle met un accent assez marqué sur les principes éthiques, civilisationnels et identitaires. Sa vision économique est plus libérale que celle du RN mais elle demande quand même un rééquilibrage en faveur des plus faibles.

M. B. Sur le poids de l’État, quelle est sa position ?
V. S. Par rapport au Rassemblement national, nous sommes moins étatistes et centralisateurs. Nous mettons l’accent sur l’importance des territoires, toujours dans un cadre d’unité nationale. Fratelli d’Italia défend enfin les intérêts des pays dans le cadre européen. On constate que ce cadre européen ne marche pas et ne valorise pas l’Europe, mais on a besoin d’une vraie Europe malgré tout.

M. B. Il n’y a donc pas d’opposition de principe à l’idée de l’Europe ?
V. S. Non, il y a une opposition sur le modèle qu’ils ont voulu donner à l’Europe. Meloni répète que le problème de l’Europe, c’est qu'elle est un géant bureaucratique et un nain géopolitique. Nous voudrions que ce soit le contraire ! Autre différence, en Italie, il n’y a pas de discussion sur l’OTAN. L’appartenance à l’OTAN est claire. Le sujet est plutôt comment l’Europe doit agir pour mieux valoriser ses intérêts au sein de cette alliance. En somme, Giorgia Meloni essaie de mettre en place une droite réaliste, pragmatique. Elle veut avoir les valeurs de la droite conservatrice sans idéologiser la politique, ce que fait la gauche. Elle veut remettre les propos dans le cadre du réel et trouver des solutions réalistes.

M. B. Fin août, Giorgia Meloni a retweeté les images d’un viol dans la rue en Italie : la gauche a crié au scandale. Était-ce une erreur ?
V. S. Cette vidéo a d’abord été relayée par les médias. C’est une pratique courante. Par exemple, il y a quelques années, tous les médias avaient publié la photo de cet enfant migrant mort sur la plage. La gauche a utilisé pendant de nombreux mois cette photo et elle se scandalise de cette vidéo qui parle de viol. Dans cette campagne, la gauche n’a pas de contenu ni d’arguments, donc elle lance des attaques personnelles. Cela ne marche pas, car même les médias neutres disent que la gauche exagère.

M. B. Giorgia Meloni propose de délocaliser en Afrique du Nord les demandeurs d’asile. Est-ce réaliste ?
V. S. Oui. En accord avec les pays de la Méditerranée, il faut mettre en place là-bas des centres de filtrage de demandeurs d’asile, vérifier sur place qui est réfugié, qui doit être accueilli et qui est un migrant clandestin.

M. B. On a l’impression qu’une vague européenne de conservatisme est en train de naitre. Peut-elle changer le visage des pays européens ?
V. S. Cette vague est née voilà quelques années. La question est de savoir comment faire pour qu’elle se solidifie. En Italie, on voit des vagues monter très vite puis redescendre, on l’a vu avec Renzi, puis avec le Mouvement cinq étoiles, puis avec Salvini. La politique est de plus en plus influencée par les réseaux sociaux et par l’émotion du moment. Il y a de moins en moins de construction traditionnelle, plus lente mais plus solide. Et l’opinion est malheureusement influencée par cette consommation quotidienne d’informations. Dans les années passées, le populisme n’a pas su transformer les besoins de changement de système en force politique de gouvernement solide. Cela a été sa limite. Tout s’est cristallisé dans une opposition forte qui, finalement, est presque utile au système. Parfois, les populistes sont arrivés au gouvernement mais n’ont pas été préparés et ont explosé en peu de temps. Giorgia Meloni, elle, travaille la qualité de son offre politique et veut construire une droite prête à gouverner.
C’est le bon moment. En Europe, il y a une demande d’un système plus équilibré, plus harmonieux entre les peuples et les territoires. Il y a une demande énorme d’identité née des dérives des sociétés occidentales. L’enjeu, c’est de créer une force politique qui apporte une réponse solide et concrète à cette demande. Il faut tenir sur la durée. Nous avons déjà expérimenté cette vague en 2018 [Matteo Salvini fut ministre de l’Intérieur du gouvernement Conte du 1er juin 2018 au 5 septembre 2019, NDLR]. Après un an, rien n’est resté de cette expérience.

M. B. La droite nationale peut-elle l’emporter en France ?
V. S. La France est difficile à comprendre. On se demande comment il est possible qu’il y ait plusieurs forces à droite qui ne se parlent pas entre elles et n’arrivent pas à construire des coalitions. En Italie, lorsque nous nouons des alliances, nous arrivons au pouvoir le plus souvent. Sinon, c’est toujours la gauche qui l’emporte. La division est le plus beau cadeau qu’on puisse faire à la gauche.

Entretien réalisé par téléphone le 12 septembre 2022

Marc Baudriller
Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

18 commentaires

  1. La France est difficile à comprendre. On se demande comment il est possible qu’il y ait plusieurs forces à droite qui ne se parlent pas entre elles et n’arrivent pas à construire des coalitions. Oui, tout est dit dans cette phrase qui résume cette arrogance des dirigeants de partis qui refusent d’oeuvrer ensemble pour détrôner le roi. Malheureusement les egos de ces gens là contraignent les français à payer pour des politiques qu’ils ne veulent pas.

    • Voyez ce qui se passe en Suède: la droite nationale a obtenu plus de voix que la droite modérée, l’union des deux est majoritaire au parlement, mais c’est la seule droite modérée qui donnera tous les ministres, dont le Premier. La droite nationale n’aura aucun maroquin. C’est suivant ce schéma que LR accepterait (peut-être) un alliance avec le RN, mais un tel arrangement est inacceptable pour MLP, dans la mesure où elle entend renverser la table des traités, conventions et accords qui saucissonnent le pays et le paralysent. Voilà pourquoi il ne peut y avoir d’alliance entre LR et RN.

  2. M. SOFO devrait savoir que chez nous il s’agit, d’abord et avant tout, d’élire le chef du gouvernement qui fera office de président de la République, ce qui n »est pas le cas en Italie!
    Ensuite, on essaie de lui mettre des bâtons dans les roues et, pour la 1ère fois, on a réussi le peuple étant parvenu à contrarier les médias et, surtout, ayant mal jugé le piratage d’Eric Zemmour qui ne pouvait que contrarier une alliance comme vous les souhaitez chez vous! Question d’éthique!

  3. Tout est résumé dans le dernière phrase, la division est le plus beau cadeau que l’on puisse faire à la gauche. Tant que les partis de droite ne comprendront pas ça, il est inutile de continuer.

  4. Salvini, avec son alliance avec le gouv. européiste, s’est coupé l’herbe sous les pieds…
    Pour ma part, loin de partager l’opinion de Méloni sur l’OTAN par exemple, et son Europe n’est pas assez indépendante :des USA !

    • Les Italiens sont toujours très liés avec les Etats Unis et ne veulent pas en sortir. Comme l’Union Européenne est américaine, les italiens restent européistes et Otaniens.

    • Sauf que si l’on peut imaginer une autre Europe, il est impossible à la France d’accepter la domination totale de l’OTAN et des EU dans le concert des nations. L’Italie est un nain militaire et entend le rester, c’est là l’origine des options Meloni. Quant à changer l’Europe, il faudrait que l’Italie arrive à drainer dans son sillage la totalité des 27, l’affaire requérant l’unanimité. Sans oublier que la puissance de l’OTAN et de ses tuteurs américains empêchera l’émergence d’une autre Europe. La position Meloni conduira donc Giorgia à s’accommoder de l’Europe telle qu’elle est, et cette Europe-là lui fera une guerre sans merci car elle en peut tolérer un nationalisme. L’issue du conflit ne fait pas de doute.

  5. La droite nationale en France peut-elle l’emporter ?
    Elle est trop bête, ne pense qu’à son égo, alors que l’alliance serait la chance. Tant qu’ils regarderont leur égo, rien ne se fera.

  6. Allez voir ce qui se passe réellement sur le terrain et ce que prétendent tous ces « politicards » européistes. Il n’y a qu’une seule volonté de ces gens: prendre la place pour bénéficier de la gamelle … Des « mélanchon » en puissance sans aucune volonté de prtéger le peuple , la Nation mais bien l’intérêt d’un groupe politique par rapport à un autre. L’individualisme est devenu la seule idéologie des locaux face à une invasion mortifère.
    La vonderlayen « en jaune et bleu » vient accentuer le fracas géopolitique de l’Europe en toute volonté d’imposer une récession qui va déferler AUSSI en France. Les « élus » sont minoritaires du fait d’une abstention record mais la pire est cette « va en guerre » qui n’a aucune légitimité démocratique.
    Que macron ait l’honnêteté de faire un référendum sur: continuer à dilapider nos armes aux ukrainiens ou pas, à continuer à démanteler notre capacité énergétique nucléaire ou pas, à accepter la dictature européenne régentée par vonderlayen ou pas. N’est pas le Général DE GAULLE qui veut ! Cet autoproclamé « premier de cordée » a démontré depuis très longtemps ( 17 juillet 2017 ) qu’il n’était qu’un pitoyable et dangereux « chef d’Etat » … Stop ou encore: voilà la seule question aux français qui doit les « interpeller » avant qu’il ne soit trop tard daans tous les pans régaliens de la FRANCE

  7. Le plus important étant qu’au sein de l’UE , il y ait un maximum de pays dirigés par une Vraie Droite. J’entends par vraie droite des partis proches du RN ou de Reconquête.Nous avons vu avec les LR ce que ça donne , beaucoup de promesses sur la limitation de l’Imigration et au final Rien. Et quand je vois que Mme Van der Leyen veut se repésenter , cette va t -en guerre , qui veut encore plus de sanctions contre la Russie; consternant .

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