En 2017 – c’est devenu un marronnier journalistique de l’écrire –, le Parti socialiste de Mitterrand issu du congrès d’Epinay rejoignait le cimetière des éléphants. On se disait et se répétait que le tour de LR allait venir. LR, qui se revendique « parti de gouvernement », alors même qu’il sort de dix ans d’opposition, va pourtant renouveler le bail pour cinq ans. Non qualifié au second tour de l’élection-reine pour la seconde fois et avec le score que l’on sait, son tour semble effectivement venu, d’autant que, contrairement à sa tradition bonapartiste, ou tout du moins ce qu’il en reste, il a été dans l’incapacité de faire émerger un leader naturel de ses rangs. Certes, LR a son réseau d’élus locaux. Du reste, Christian Jacob, patron des LR, faute de mieux en magasin, a misé là-dessus pour ces élections législatives. Mais un réseau qui va forcément s’affaiblir dimanche prochain et, comme le faisait justement remarquer Éric Zemmour, lorsqu’il faisait avec bonheur de l’analyse politique, lorsqu’un parti met en avant comme seul argument de vente son tissu d’élus locaux, c’est pour mieux cacher son incapacité à offrir un projet national au pays. C’est notamment l’histoire des radicaux qui gouvernèrent la France sous la IIIe République et sont devenus ce que l'on sait, c'est-à-dire pas grand-chose.

« Zoomer » sur un « territoire », comme on dit aujourd’hui, permet d'ailleurs de se faire une idée de cette nouvelle donne politique qui se dessine à quelques jours du second tour des élections législatives. Ainsi, il est intéressant de se pencher sur un département comme le Vaucluse, dans lequel les cinq candidats Rassemblement national se sont qualifiés, dimanche dernier, alors que les cinq candidats LR, dont le sortant Julien Aubert, ont été balayés au premier tour. La symétrie est parfaite. Une première depuis 1981 : aucun député vauclusien « gaulliste », ou assimilé, ne siégera donc au palais Bourbon. Lors de la vague rose, les Vauclusiens avaient élu trois députés socialistes sur les trois circonscriptions que comptait alors ce département. Les élections législatives suivantes rééquilibrèrent les choses jusqu’à arriver, en 2002, à l’élection de quatre députés sur quatre pour ce qui s’appelait alors l’UMP. En 1981, le Vaucluse, à l’image de la France, avait donc abordé un grand virage qui se termina dans le décor quelques années plus tard.

Si l'on remonte un peu plus le temps, l’autre grand virage fut celui de 1958. Avec le retour du général de Gaulle au pouvoir, l’Assemblée élue en 1956 fut dissoute et de nouvelles élections législatives eurent lieu. Un virage, là aussi, historique : pensez qu’alors, le radical-socialiste Édouard Daladier, ancien président du Conseil de la IIIe République, était toujours député de Vaucluse : sa première élection comme député remontait à 1919 ! De cette élection de 1958, les Vauclusiens envoyèrent à l’Assemblée nationale trois députés UNR (Union pour la nouvelle République) : un carton plein pour soutenir la politique de De Gaulle et un renouvellement complet des cadres.

Et aujourd’hui ? N’assiste-t-on pas à un nouveau grand tournant, tout aussi historique, symbolisé par l’élimination dans le Vaucluse des cinq candidats LR, lointains héritiers des députés UNR de 1958, dans les cinq circonscriptions de ce département très à droite ? Ce département où Marion Maréchal-Le Pen fut élue en 2012 et où son ancien suppléant, Hervé de Lépinau est arrivé largement en tête dimanche dernier face au député sortant macroniste ? En fait, n’est-on pas en train d’assister au Grand Remplacement politique des LR par le RN ? On dit souvent que la politique, c’est tout autant de la dynamique que de l’arithmétique. Or, au plan national, dimanche prochain, les LR auront probablement plus de députés que le RN. Mais le premier sera dans une spirale descendante, le second dans une spirale montante. Reste à savoir si le RN saura exploiter ces vents ascendants…

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 07/11/2023 à 10:01.

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14 juin 2022 à 21:40

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16 commentaires

  1. Le RN est-il vraiment « Extrème-droite » ? C’est le parti le plus à droite, et encore…
    Les journalistes type BFMTV (Bien Faire pour Macron, Tout Va bien) ont placé (jalousie ?) EZ à l’extrême droite. Du coup le RN est passé à droite !
    Plus moyen de faire front contre cette extrême droite imaginaire !!
    De toutes les façons, tous ceux qui ne sont pas « Macron » sont extrêmes et de préférence de droite. Le chiffon rouge agité devant le taureau !
    La gauche a le record des régimes criminels !

  2. Le problème essentiel du RN est sa propension à se tirer des balles dans le pied (voire plus haut) en éliminant méthodiquement les vieux militants et en les remplaçant par de jeunes loups aux dents longues, mais bien introduits dans le milieu.

  3. Les LR méritent ce qui leur arrive il avait qu’a garder Wauquiez à la tête de parti .

  4. Triste Christian Jacob ! Qu’a-t-il fait à la « tête » des L.R ? Coupable avoué, il ne se représente pas, pour ne pas être battu… Et cette mièvre Pécresse ? Elle m’a donné la.. fièvre !
    Cela s’appelle une « dispersion d’Héritage ».

  5. Comme je le dis sans cesse les élections « se gagnent au centre » peut-être mais elles se perdent à droite et ça c’est certain. La prochaine fois il y aura un grand remplacement car à droite il y aura Marion qui est bonne oratrice comme son grand-père, présente bien, et saura présenter clairement un vrai programme. Il n’y aura qu’une seule droite face à la fausse droite de Bruno Lemaire qui sera son adversaire. Quant à la Gôche j’espère que d’ici là elle aura explosé

  6. je pense que le RN devrait « s’ouvrir » davantage à droite sans perdre pour autant son électorat populaire indispensable , sinon il ira chez LFI; MLP a réussi la dédiabolisation du parti, c’est à présent à Jordan Bardella de poursuivre le combat en ouvrant le dialogue avec EZ, NDA, des personnalités LR constatant le désastre de leur parti fourre-tout vont suivre, c’est la seule chance de voir la France se relever

  7. On récolte toujours ce que l’on sème . Les LR ont ce qu’ils méritent . Ils ont eu l’occasion de sortir la tête hors de l’eau en effectuant une « union » ; ils ne l’ont pas fait ! Maintenant ils sont comme le PS , à l’agonie . Quand un ânier n’arrive pas a mener sa charrette tout ce qui est derrière va de travers .

  8. …..et Bompard dans ce salmigondis, autrement connu et bien avant le maire d’Orange, dans un radeau qui ne fut pas celui de la Méduse?

  9.  » le RN saura exploiter ces vents ascendants… » ? Rien n’est moins sûr . 42% des Français patriotes ont voté contre Macron et Mélenchon. Qu’ ont fait de cette majorité potentielle MLP, EZ et NDA ? Et les droitistes de LR ? Intelligence et courage patriotiques ont fait défaut à tous. Honte, honte honte. Malheur, malheur, malheur… Seul (ténu) espoir : la proportionnelle et le RIC : REDEVENONS ENFIN LIBRES.

  10. Oui il semble que ce remplacement par la droite soit assez fréquent dans le sud …

  11. Le RN sans MLP peut-être mais tant qu’elle s’accrochera à être la candidate il est à craindre que l’histoire se répète pour le plus grand bonheur du magma de gauche et de l’amalgame du centre.

  12. L’échec LR à la Présidentielle n’est pas seulement une erreur de »casting ». Candidate sans substance, elle ne pouvait vaincre, mais elle représente fort justement ce qu’est le parti refondé par Sarko, fait de divergences internes fortes et de fortes trahisons de son électorat de droite. La désaffection pour le « ventre mou » de la politique, due aux compromissions passées, est résultat de ce manque de choix assumés par le LR comme par le PC dont les membres votaient si souvent pour le camp opposé.

  13. Pour profiter de cette spirale ascendante, Marine Le Pen ne devra pas se contenter de son sourire jubilatoire. Il faudra qu’elle hausse considérablement le niveau de son jeu, comme il se dit pour les joueurs de tennis qui peinent au cour d’un match face à leurs adversaires.

    1. j’ai voté pour elle (faire barrage a jupiter) mais je me pose quand même la question maintenant, veut elle vraiment le pouvoir ou simplement rester dans l’opposition. dans ce cas la il faut laisser la place a E.Z

  14. Très bien observé et instructif ;
    Un clou chasse l ‘ autre ; les LR sont les artisans de leur propre malheur : à trop vouloir faire oublier qu ‘ ils étaient à droite , ils ont perdu toute crédibilité ;
    Les RN semblent avoir le vent en poupe et leur socle , solide , s ‘ élargit , mais attention à ne pas tomber dans le même travers …

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