Vaccinations par les médecins du travail, un bel effet d’annonce

« Sonnez hautbois, résonnez musettes », les médecins du travail (MT) vont pouvoir vacciner ! Mais avec un unique flacon de 10 doses d’AstraZeneca, et ce, quelle que soit la taille de l’entreprise. Deux ou trois autres suivront peut-être en mars, si on a de la chance, car ce premier saupoudrage a déjà pris du retard…

Les MT volontaires devront préalablement s’inscrire personnellement chez un seul pharmacien, chez qui ils iront chercher au petit matin le précieux liquide, à rapporter en position verticale et entre 2 °C et 6 °C. Sauf s’il est prévu de piquer tout le monde en moins de 6 heures, auquel cas on peut garder la popote 48 heures, mais seulement dans un frigo « qualifié et contrôlé » (par une entreprise extérieure, cela va sans dire.)

La mesure s’adresse uniquement aux salariés de 50 à 64 ans (s’il en reste) et présentant des « comorbidités ». On ne parle pas, ici, de banale hypertension ou de léger diabète gras mais seulement de pathologies lourdes comme les mucoviscidoses, les dialysés rénaux, les cancers évolutifs en traitement, les transplantés et même les trisomiques…

Toutes maladies dont il est permis de penser qu’elles sont régulièrement suivies dans des services hospitaliers et qu’à l’évidence, les moyens matériels et humains de ceux-ci les qualifieraient plus opportunément pour cette mission.

Tous les salariés devront être informés par l’entreprise de cette possibilité de vaccination, mais sans ciblage particulier des comorbides parce que cela contreviendrait au principe de confidentialité. Les MT pourront seulement la suggérer à ceux qu’ils connaissent. À ces derniers d’en faire alors la demande expresse et d’exprimer leur « consentement éclairé ».

Et pour la même raison, pas question d’asseoir les candidats au vaccin dans la même salle d’attente, et encore moins de les vacciner dans une salle dévolue : ce serait les désigner comme porteurs de maladies sérieuses ! Ils devront donc se faufiler discrètement dans le bureau du MT, à la manière du bourgeois de jadis se rendant dans une maison de plaisirs, puis attendre 15 minutes pour les éventuels effets secondaires, mais toujours sans croiser personne…

Pour la deuxième injection, c’est encore plus à la godille : « L’AMM prévoit un délai de 4 à 12 semaines entre les deux doses. » Dont acte. Mais « dans un contexte […] d’allocations de dose temporairement limitée de vaccin », la HAS [Haute Autorité de santé] « recommande de privilégier un intervalle de 9 à 12 semaines ». Et de toute façon, même si la deuxième dose est indispensable, la HAS précise que « la vaccination peut reprendre quel que soit le retard ». En clair, c’est un peu comme on veut, et surtout comme on pourra.

Ajoutons à toute cette organisation pour un si petit nombre de patients les formalités administratives de saisie, d’enregistrement et de communication, et on peut douter de l’empressement des MT - même dans les services autonomes des grandes entreprises - à se porter volontaires. Et moins encore de ceux des services interentreprises chargés des PME, pour lesquels ces conditions paraissent insurmontables…

Richard Hanlet
Richard Hanlet
Médecin en retraite, expert honoraire près la Cour d'appel de Versailles

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