Les socialistes main dans la main avec les Républicains : cette union contre nature aurait de quoi donner des boutons ; et pourtant, c’est bel et bien une alliance de circonstance qui s’est forgée entre les seigneurs démagos, Jean-Christophe Cambadélis et Nicolas Sarkozy, affûtant leurs joutes verbales pour saborder le temps de parole de Marine Le Pen, reine des sondages. Celle qui pourrait bien les détrôner au gré des élections.
Il y a encore quelques semaines, le grand inquisiteur du PS ne se privait pas de traiter l’ancien président d’ « excité du bocal », de l’accuser de « faire revivre tous les poncifs de la droite dure », de « vouloir détruire le modèle social », d’employer « les mêmes termes que le FN », d’inventer une « République Canada Dry », d’être « légèrement xénophobe », de ne pas aimer les Français. « Nicolas Sarkozy a lancé son OPA sur le Front national, non pour le réduire, non pour le détruire, mais pour le séduire. Nicolas Sarkozy ne souhaite pas s’allier, il veut le récupérer dans une croisade néoconservatrice contre la gauche », avait-il scandé au congrès de Poitiers, remonté comme une pendule. « Un responsable de gauche dont j'ai oublié le nom, que je ne connais même pas, a dit que j'étais presque xénophobe. Je ne vois pas comment on peut être presque xénophobe. C'est stupide. (...) En tout cas, lui , il n'est pas presque stupide », lui avait rétorqué du tac au tac le principal intéressé. Mais ça, c’était avant.
Depuis, Sarko a relégué sa rancœur aux oubliettes pour faire cause commune avec Camba contre l’irrésistible ascension du FN, qui bénéficierait, selon eux, d’un traitement de faveur des médias. Cette indignation tardive, à quelques jours d’une émission consacrée à Marine Le Pen sur le service public, n’aura trompé personne. Les partis de gauche comme de droite sont tétanisés par la vague bleu marine annoncée aux régionales. La diabolisation ne fonctionne plus, les procès en incompétence capotent. Reste la censure. Marine Le Pen a-t-elle eu raison d’annuler sa participation à Des Paroles et des Actes, en guise de protestation contre les exigences kafkaïennes de dernière minute de la production ? Ça se discute. Ses contempteurs y verront un caprice de diva là où ses thuriféraires célébreront la stature d’un chef d’État.
Le vrai questionnement est ailleurs : comment des politiques peuvent-ils en être réduits à contester la présence à l’antenne (dont la légitimité a été confirmée par le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel) de leurs adversaires ? Se sentent-ils à ce point désarmés et impuissants ? Dépassés par un désamour populaire qui n’avale plus leurs couleuvres et morfle au quotidien ? La vérité est que PS et LR n’ont plus rien à proposer. Marine Le Pen n’a fait que combler le vide qu’ils ont eux-mêmes créé. Pour 20 % des banlieusards, le FN peut améliorer la situation des quartiers sensibles, loin devant ses concurrents PS (14 %) et LR (12 %), révèle un sondage Odoxa/Le Parisien. Nicolas Sarkozy se retrouve pris à son propre piège. Draguant ostensiblement l’électorat frontiste d’un côté, condamnant les propos de Nadine Morano ou « l’inhumanité » du FN de l’autre. Dénigrant avec flamme le bilan d’un gouvernement générateur de « chienlit », dans un sursaut d’éphémères réminiscences gaullistes, puis s’acoquinant avec le premier secrétaire du PS qu’il fustigeait la veille.
La gauche des socialistes est-elle soluble dans la droite des Républicains, et réciproquement ? À Nice, Christian Estrosi jouit d’un comité de soutien hétéroclite, de Dalil Boubakeur à Serge Klarsfeld, en passant par Max Gallo, Ivan Levaï, Claude Allègre ou Mourad Boudjellal. Au Grand Orient de France, Daniel Keller s’inquiète du « danger » et appelle au « désistement » systématique des listes PS ou LR pour éviter les triangulaires et faire barrage au FN. Et pour brouiller un peu plus les cartes, l’institut Elabe nous apprend qu’Alain Juppé est le candidat préféré des sympathisants de… gauche (55 %), à égalité avec Manuel Valls. Vous avez dit interchangeables ?
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